"L'agriculture et moi" : Thierry Masson, apiculteur aux Butineurs du Bonheur
Thierry Masson est formateur à l’apiculture naturelle aux Butineurs du Bonheur. Il prône une agriculture recentrée sur le respect du vivant. Son souhait : un durcissement des normes environnementales, notamment pour préserver les abeilles, véritables témoins de l’impact des Hommes sur la nature.
Cet article est le dernier de notre série « L’agriculture et moi » pour questionner des acteurs locaux sur leur rapport à l’actualité agricole :
En quoi la crise agricole impacte-t-elle votre activité ?
Je fais du conseil en lien avec les problèmes que rencontrent les agriculteurs et je forme à l’agriculture en biodynamie. D’un point de vue purement personnel, la crise agricole me donne de la visibilité et attise l’intérêt pour mon activité, donc c’est égoïstement positif. En revanche, si je me réfère à l’impact de la situation sur les abeilles et les pollinisateurs, il y a une évidence. Depuis la révolution industrielle et le passage à l’agriculture intensive, les dégâts sur la biodiversité sont de plus en plus forts. Or, plus l’agriculture fait usage des nouvelles technologies, plus les dégâts sur la nature sont importants. Car en nous basant sur des techniques favorisant la mort d’éléments naturels pour créer de la vie, nous allons vers une impasse.
Selon vous, quelles sont les solutions à mettre en place pour que le monde agricole se porte mieux ?
Il y a un nouveau contrat social à recréer. On peut jeter la pierre aux politiques ou aux industriels, mais il faut avant tout reconsidérer les fondements de l’agriculture, de la production alimentaire et de notre rapport au vivant.
Comment votre activité de formateur à l’apiculture naturelle peut-elle participer à l’amélioration de la situation ?
Je suis un partisan de l’agriculture en biodynamie. Elle repose sur plusieurs principes, dont celui de l’organisme agricole. Il est ainsi intéressant de privilégier les méthodes de polyculture, de polyélevage, d’agroforesterie ou de permaculture. Tout ce qui ramène vers le bon sens paysan.
Dans mes activités, je fais de la formation professionnelle centrée autour de l’abeille. J’accompagne des agriculteurs à introduire des ruches sur leurs parcelles, non pas pour produire du miel, mais bien pour ramener de la biodiversité sur leurs exploitations. On va alors parler de haies, de plantes à installer et de toutes les relations qui prennent place au sein de cet écosystème. Notre seule solution pour aller bien, pour produire des légumes de qualité, c’est de réintroduire la biodiversité dans les champs. Car si la nature va mal, l’humain va mal.
Pour réintégrer la biodiversité dans l’agriculture, de quoi avez-vous besoin pour être plus efficace ?
Notre plus gros besoin est un durcissement des normes de préservation de la biodiversité. Pour être clair, si l’abeille est l’animal emblématique de la biodiversité, c’est parce que c’est l’animal qui ressent directement les bienfaits ou les méfaits de l’activité humaine sur la nature. L’abeille souffre du nombre de parasites que la mondialisation a ramené, elle souffre de la déforestation qui amenuise son espace habitable, elle souffre de la perte du couvert végétal provoqué par le retrait des haies, elle souffre de la présence des pesticides, etc. Elle a donc besoin qu’on resserre les boulons des normes qui préservent le vivant.
Quels exemples de mesures pourraient faire pencher la balance positivement ?
Je pense notamment que le prix du miel doit augmenter. Si on veut du miel à un prix normal, il faut arrêter d’importer des produits qui dépassent totalement les normes environnementales auxquelles sont soumis les apiculteurs français. Autre prérogative, c’est l’éveil des consciences agricoles. Mais pour cela, il est difficile de prévoir une norme qui demande un éveil des consciences.
Propos recueillis le 20 mars 2024 par Valentin Nonorgue.