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Projets pour 2024, participation citoyenne, déchets : les ambitions de Jonathan Prioleaud, maire de Bergerac

Maire de Bergerac depuis 2020, Jonathan Prioleaud (DVD) fait état des projets principaux qui rythmeront l’action municipale en 2024. Tous les âges et tous les quartiers seront concernés. Mais aussi tous les citoyens, avec le lancement d’une grande concertation publique sur le projet Bergerac 2034.

À mi-mandat municipal, l’édile bergeracois délivre aussi son point de vue sur des thèmes parfois épineux tels que la gestion des déchets, la transition écologique à l’échelle municipale et la coopération entre acteurs locaux et avec les territoires voisins. Entretien.

Une version résumée de l’interview est disponible sur notre chaîne YouTube, en cliquant ci-dessous :

Pour démarrer notre entretien, comment définiriez-vous Bergerac ?

Bergerac est une ville apaisée où il fait bon vivre. Quand on parle de Bergerac, on parle d’abord de son patrimoine historique et matériel, visible notamment à travers ses constructions. Mais on parle aussi de son patrimoine immatériel, en témoigne Cyrano de Bergerac ou les vins de l’appellation Bergerac et Duras.

Aujourd’hui, la faiblesse de Bergerac est celle de la mobilité. Savoir se déplacer autrement et avec plus de sécurité à travers la ville. Que ce soit avec nos trottoirs pour les piétons ou sur la voirie pour se déplacer à deux roues.

Bergerac et les projets de l’année 2024

Quels projets pourrez-vous annoncer comme bouclés lors de la cérémonie des vœux 2025 ?

Nous lançons un plan seniors avec la rénovation des résidences autonomie de Saint-Jacques, de Montoroy et de Montesquieu. Ensuite, nous avons notre plan économie. Lors des voeux de l’année 2025, on pourra dire que la rénovation de l’abattoir de Bergerac aura été lancée et qu’on aura terminé la place de la Bardonnie autour du marché couvert. Nous allons livrer en 2024 les bâtiments du Campus connecté pour que l’enseignement supérieur puisse être suivi par les étudiants et élèves bergeracois. C’est une vraie force pour notre territoire. Nous poursuivons également le plan école pour améliorer les conditions d’accueil de l’ensemble de nos élèves et les conditions de travail de nos agents et de nos enseignants. Nous travaillons aussi sur la transition écologique au sein des écoles avec la rénovation énergétique des bâtiments et la végétalisation extérieure de nos cours d’écoles.

Ces dynamiques concernent plusieurs générations. Qu’en est-il des actions municipales destinées à faire évoluer l’ensemble des quartiers de la ville de Bergerac ?

Au début de l’année 2024, un nouveau local associatif sera livré dans le Quartier Nord pour accompagner le lien social. Sur le Quartier Sud, la barre commerciale de Naillac sera dotée d’un foyer jeunes et d’une salle de boxe de proximité. Pour ce qui est du Quartier Est, la plaine de Picquecailloux verra en 2024 l’arrivée d’un nouveau dojo de sports de combat et d’un nouveau terrain couvert de pétanque. Enfin, à l’Ouest, nous continuons le développement de l’ancien site militaire de l’ESCAT avec l’Agglomération sur notre programme d’excellence alimentaire. Nous y avons construit la Légumerie, la cuisine centrale et allons y continuer le développement économique avec l’installation d’entreprises. Enfin, sur le site du Barrage, nous installons de nouveaux bungalows avec le Bergerac Football Club.

Parmi les trois priorités politiques de Bergerac en 2024, vous avez cité, le 18 janvier dernier, l’amélioration de la qualité des services publics. Quelles actions sont prévues à ce niveau ?

Cela passe d’abord par la digitalisation. L’idée est que le citoyen puisse contacter la ville de Bergerac plus rapidement et que la municipalité gagne en réactivité dans sa réponse à la population.

D’où l’enjeu d’accompagner tous les citoyens bergeracois dans la digitalisation. Car nous ne sommes pas tous à armes égales face au numérique…

Exactement. C’est pourquoi nous proposons des ateliers d’accompagnement au numérique dans les trois centres socioculturels et sportifs de la ville. Nous accompagnons aussi le développement de l’association BASE sur le Quartier Est de la ville, qui propose notamment un bus numérique.

Dans cette logique d’accompagnement de tous les Bergeracois, nous continuons à développer les chèques d’accompagnement personnalisé. Nous avons par exemple doublé l’aide alimentaire sur la ville de Bergerac depuis le début du mandat.

Le projet de concertation publique Bergerac 2034

Autre enjeu pour améliorer le service public : impliquer la population dans les réflexions et les décisions. Comment comptez-vous agir sur ce point-là ?

Selon moi, le service public se crée et s’écrit avec la population. En 2024, nous lançons donc une grande concertation publique sur le projet 2024-2034 pour demander aux Bergeracois comment ils voient leur ville dans dix ans.

Aujourd’hui, nous avons deux réunions par an dans chaque quartier et nous avons aussi lancé des débats thématiques sur des sujets précis : la ville 30, les déchets, les aménagements de places et de placettes… Pour que les habitants donnent leur avis avant que les choses ne soient faites.

Justement, est-ce possible d’impliquer tous les Bergeracois dans les démarches municipales quand certains sont déjà débordés de problèmes personnels ?

À partir du moment où on sollicite leur participation, les habitants se déplacent. Par exemple, nous allons faire des ateliers devant les écoles. Les parents pourront ainsi donner leur avis sur différentes thématiques en déposant leurs enfants le matin ou en allant les chercher le soir. Nous ferons pareil avec certaines professions médicales ou immobilières. Il faut arrêter de toujours faire des réunions à 19 heures, où personne ne peut venir car on a les enfants à garder, les devoirs et le repas à faire. Et puis, certains travaillent en soirée. C’est à nous de trouver des moments différenciés dans la journée où chacun pourra contribuer. 

L’avenir d’un territoire porte sur des sujets importants et parfois techniques. Comment faire en sorte que les réunions soient menées efficacement ?

Chaque réunion thématique du projet Bergerac 2034 débutera par une présentation de 10 à 15 minutes sur les enjeux territoriaux et les dispositifs déjà existants. Car on ne peut pas toujours réinventer. Les dispositifs déjà présents sont-ils connus ? Sont-ils bien mis en œuvre ? Les gens se les approprient-ils ? Faut-il les relancer, communiquer dessus ? Nous étudierons aussi les dispositifs qui existent sur d’autres territoires et la manière dont on peut les ramener sur Bergerac. Plus le citoyen est informé, plus il est en capacité d’élever sa vision globale du territoire. Et c’est ce qui est intéressant : amener les habitants à travailler sur un projet de territoire.

Déchets : les sujets épineux de l’enfouissement et de la redevance incitative

Le sujet des déchets cristallise les tensions sur le territoire. Un agent municipal me confiait même que le standard de la mairie recevait des appels de citoyens en colère, parfois insultants. Que répondez-vous aux personnes qui s’indignent de la manière dont sont gérés les déchets à Bergerac ?

Je rappelle avant tout que j’ai toujours été un fervent supporter du ramassage des déchets au porte-à-porte. Je considère que c’est un service public de proximité. Avec la population vieillissante de la ville de Bergerac, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les personnes marcher trop loin avec leurs poubelles.

Maintenant, il faut que chacun se rende compte que tout sac noir qu’il met à la poubelle finit enfoui sous la terre. Aujourd’hui, une bonne alternative à l’enfouissement serait une unité de valorisation énergétique. On pourrait brûler nos déchets et créer de l’énergie. À l’heure où le Président de la République avait d’abord annoncé la fermeture des centrales nucléaires pour ensuite les reconstruire, où les prix du gaz et du baril de pétrole ont explosé, cette unité de valorisation des déchets serait une bonne idée pour aller vers l’indépendance énergétique si convoitée en France.

Qu’en est-il de la redevance incitative mise en place par le SMD3 et qui compte de nombreux détracteurs ?

La Dordogne pratiquant toujours la méthode d’enfouissement, la taxe d’enfouissement (TGAP) augmente. Et si le Syndicat mixte départemental des déchets de Dordogne doit payer davantage à l’État, alors cette hausse se répercute sur les concitoyens à travers leur impôt. Maintenant, parlons de la manière dont est payée cette taxe. Jusqu’ici, nous avions la taxe d’enlèvement d’ordures ménagères qui était très transparente. Il n’y avait pas de côté incitatif car tout le monde payait, que la maison soit grande ou petite. En revanche, il y avait un côté solidaire puisque celles et ceux qui avaient les plus grandes maisons – donc des plus grands revenus – payaient davantage que ceux qui avaient de petits moyens.

Quel est donc votre positionnement à propos du système de redevance incitative qui prendra totalement effet à Bergerac dès le 1er janvier 2025 ?

Pour moi, cette redevance n’a d’incitative que le nom. Telle qu’elle est façonnée aujourd’hui, on paye un forfait en fonction du nombre de personnes par foyer, puis on est facturé à chaque levée de déchets supplémentaire. Or, si on voulait vraiment inciter, on ferait un système de bonus-malus. Si vous avez plus de ramassage, vous payez plus. C’est logique car c’est un service. Mais celui qui aurait moins de ramassage devrait pouvoir payer moins. On rentrerait dans un cercle vertueux où produire moins de déchets serait valorisé. Voilà ce sur quoi je me bats avec le SMD3. Il faut trouver un accord pour réduire les déchets, car c’est ce vers quoi on doit tous tendre, mais sans être dans le “Toujours payer plus avec moins de service public.”

Industrie, services municipaux : la place de la transition écologique à Bergerac

L’un des enjeux à l’échelle nationale est la réindustrialisation du pays. Comment la ville de Bergerac est-elle engagée dans cette dynamique ?

À Bergerac, nous avons la chance de compter parmi les rares collectivités françaises à avoir encore du foncier disponible. Nous avons racheté des terrains, nous allons les viabiliser et les mettre sur le marché pour que de nouvelles entreprises s’installent sur le territoire. Le deuxième point est de développer l’activité des industriels déjà présents et de travailler sur la manière de faire venir leurs sous-traitants sur notre territoire. Enfin, l’entreprise de poudrerie Eurenco décide de réindustrialiser son site de production à Bergerac avec plus de 100 emplois créés, plus de 60 millions d’euros investis entre la réfection des bâtiments et l’achat de matériel de haute technologie. Voilà qui redynamise l’activité économique bergeracoise qui est porteuse d’emploi.

Toute activité industrielle consomme aussi des ressources. À l’heure de la pression climatique, quel est le rôle de la ville pour arriver à concilier activité porteuse d’emploi et respectueuse de l’environnement ?

Déjà, l’avantage du coût élevé de l’énergie est que toute entreprise a intérêt à réduire sa consommation énergétique et son impact environnemental. Maintenant, nos services d’urbanisme accompagnent les entreprises lors de la construction de leurs bâtiments pour gérer les bacs de récupération des eaux de pluie, l’installation des panneaux photovoltaïques, etc. Certaines entreprises sont convaincues qu’il faille réduire son empreinte environnementale et d’autres s’y plient par intérêt économique.

Et dans les activités municipales, comment prenez-vous en compte les enjeux de transition écologique ?

Factuellement, nous avons un adjoint chargé de la transition écologique. Nous avons aussi un poste d’agent chargé de la mission transition écologique qui est rattaché directement au directeur général des services afin de travailler avec tous les services municipaux de manière transversale. Par exemple, lorsqu’on a construit la salle d’activités Cyrano, nous l’avons faite avec des panneaux en bois et de l’isolation en paille. Pareil avec l’aménagement des îlots de fraîcheur dans le Coeur de Ville pour réduire la température en été et améliorer l’absorption des eaux de pluie. Autre exemple avec la gestion des biodéchets. Grâce à une convention avec l’association L’Attache Rapide, nous collectons les déchets organiques dans toutes les écoles municipales et enseignons les bonnes pratiques aux élèves. En 2024, nous étudions ce qui est jeté dans les sacs noirs sur l’ensemble des sites de la mairie et faisons de la pédagogie sur le rapport aux déchets des équipes municipales. Nous avons aussi acheté des vélos pour que nos agents puissent user de la mobilité douce quand ils se déplacent d’un site à l’autre sur la ville.

Acteurs locaux, lieux dédiés et lien inter-territorial : la coopération sous tous les angles

Votre service transition écologique dialogue et coopère avec bon nombre d’acteurs. Comment définiriez-vous la coopération ?

Selon moi, la coopération c’est de faire à plusieurs ce qu’on n’est pas capable de faire tout seul. Pour cela, il faut une orientation définie et des acteurs qui apportent des ressources différentes à une action de coopération. Et puis coopérer, c’est travailler dans l’intelligence collective en faisant des points réguliers. C’est être capable de se demander pourquoi on n’a pas atteint notre objectif et remodeler notre trajectoire en fonction des expériences de chacun et des conditions imprévues.

Pour favoriser le lien entre tous, il existe des lieux qui prônent l’inclusion, la mixité et la coopération entre acteurs du territoire. C’est le cas de La Traverse ou de l’Espace Lagabrielle, lieux dont la ville est propriétaire. Quels moyens municipaux débloquez-vous pour que ces projets autour de la solidarité et des transitions puissent émerger ?

Sur le site de Lagabrielle, nous travaillons avec Coop’Actions pour en faire un tiers-lieu des transitions. Aller plus loin, c’est les accompagner sur des investissements futurs mais aussi trouver et implanter des partenaires ou prestataires qui pourraient développer d’autres caractéristiques sur ce site.

Du côté de l’ancienne manufacture des tabacs, nous avons racheté le bâtiment pour y faire notre grand Campus lié aux études supérieures, scientifiques et culturelles. En attendant la rénovation des lieux en 2026, nous avons travaillé avec le collectif La Traverse pour y faire de l’urbanisme transitoire. C’est un lieu tremplin où des activités peuvent commencer à se faire connaître, à créer un réseau et une clientèle avant d’aller exercer ailleurs. C’est aussi un lieu pour le lien social. Les ateliers de réparation cartonnent car il y a ce lien entre les habitants et les bénévoles. Le café associatif de La Traverse est aussi un lieu qui fait du bien et où on a envie de se retrouver et d’échanger.

Pour travailler tous ensemble, la proximité est vecteur d’efficacité. Quel regard portez-vous sur une éventuelle délocalisation de certains services municipaux, comme les services économie ou transition écologique, dans ces lieux où des acteurs travaillent sur les questions de demain ?

Nous pouvons tout à fait penser à organiser des permanences du service transition écologique sur le tiers-lieu des transitions. Les différents acteurs locaux de ce secteur sauraient ainsi qu’une personne de la mairie est à leur disposition une journée par semaine. On peut l’envisager en fonction des besoins de notre population et c’est tout l’enjeu de notre concertation publique. En revanche, sur l’économie je suis d’accord avec vous. C’est d’ailleurs ce qu’on a fait avec le guichet unique pour les entreprises où nous avons mutualisé le lieu avec le service de la CAB et les services de la Chambre du Commerce et de l’Industrie. L’idée est qu’un porteur de projet puisse trouver toutes les réponses sur un même site.

Parlons de coopération territoriale. La ville de Bergerac est le grand pôle central avec 27 000 habitants sur les 60 000 de la Communauté d’Agglomération Bergeracoise. Comment concilier les intérêts de cette puissance centrale avec la dynamique collective du territoire ?

Bergerac dispose d’une centralité forte. Beaucoup de personnes du territoire de la CAB viennent y travailler car beaucoup d’entreprises y sont installées. Il est évident que les grands investissements qui concernent l’Agglomération soient faits à Bergerac, notamment si l’on veut limiter nos déplacements pour réduire notre empreinte carbone globale. Quand on construit la piscine, il faut qu’elle soit à Bergerac du fait de la concentration d’écoles sur la ville. Quand on fait le centre événementiel, il faut qu’il soit à Bergerac du fait de la proximité avec la gare. Il ne faut cependant pas oublier les équipements structurants de proximité car tous les habitants de l’Agglomération payent des impôts pour le fonctionnement de ses services publics. On a par exemple une maison de santé au Fleix, à l’ouest du Grand Bergeracois ou bien une crèche à Lamonzie-Saint-Martin.

Coopérer, c’est aussi travailler avec tout le monde peu importe l’orientation politique…

La coopération doit être locale, départementale et régionale. On se réunit notamment avec les maires de Libourne, d’Angoulême, d’Agen ou de Périgueux pour travailler des projets de fond et coopérer avec la métropole bordelaise. Car aujourd’hui, par exemple en termes d’alimentation, la Métropole de Bordeaux est incapable de se nourrir toute seule. Sur le contournement routier à l’est ou à l’ouest de Bordeaux, il faut que l’ensemble des maires soient d’accord pour que nous proposions des solutions ensemble aux services de l’État. Si j’ai organisé ces réunions avec les maires des préfectures et des sous-préfectures, c’est pour mieux travailler ensemble sur la complémentarité entre territoires. Quand Angoulême s’axe sur la culture, Marmande peut être une zone de stockage entre Bordeaux et Toulouse, Bergerac peut être un pôle alimentaire. Chacun doit être sur des spécificités pour ne pas être en concurrence, mais bien en complémentarité.

Bergerac est l’une des 88 circonscriptions avec un député Rassemblement national, Serge Müller. Quelle est votre vision ? Faut-il travailler avec le RN ? Ou y a-t-il une digue infranchissable dans la coopération avec les acteurs de ce parti politique ?

Toute ma vie politique a été faite contre le RN. Je n’ai aucune raison de travailler avec le RN. La porte reste ouverte à tout Bergeracois qui vient me voir avec un problème, un projet, un objectif et qui veut travailler avec nous. Mais ce n’est pas avec un député RN que l’on pourra avancer sur le moindre dossier. J’ai besoin d’être avec des personnes qui apportent quelque chose à mon territoire en faisant passer une loi ou un amendement et en travaillant avec le gouvernement. Aujourd’hui, il y a une telle concurrence entre les territoires que nous n’avons pas de temps à perdre.

Propos recueillis par Valentin Nonorgue, le 25 janvier 2024.