Faire du Grand Bergeracois un territoire plus équilibré : le schéma de cohérence territoriale (2/2)
Le territoire du Grand Bergeracois est partagé entre le pôle urbain de Bergerac, les petites villes qui assurent les services de première nécessité, et les petites communes rurales. Il est découpé en quatre intercommunalités que sont la Communauté d’Agglomération Bergeracoise (CAB), la Communauté de communes des Bastides Dordogne-Périgord, la Communauté de communes Montaigne Montravel et Gurson et la Communauté de communes des Portes sud Périgord. Pour aligner les objectifs de chacune et assurer l’équilibre du territoire, le Grand Bergeracois a établi un Schéma de Cohérence Territoriale, animé par le Syndicat de cohérence territoriale en Bergeracois (SyCoTeB).
Pour comprendre les enjeux et les solutions mises en place sur le territoire du Bergeracois, nous vous proposons une interview en deux parties de Christophe Andrès, directeur du SyCoTeB Bergeracois. La partie 1 de l’entretien est à retrouver en cliquant ici.
IV. Plan Climat Air Énergie Territorial en Bergeracois : enjeux et avancées
Qu’est-ce qu’un Plan Climat Air Énergie Territorial ?
Lors des phases de diagnostic pour le SCoT, nous avons constaté qu’il fallait se doter d’un document cadre sur ce volet air-énergie-climat à l’échelle territoriale. Les constats et directives dressés par ce Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET) rejoignent les orientations du SCoT.
Votre Plan a défini 4 axes précis d’actions : lesquels sont-ils ? Quel est l’objectif principal de chacun des axes ?
1. L’aménagement durable du territoire : l’urbanisme dans les villages ruraux. Nous avons pointé le fait que bon nombre d’habitants y ont des logements dortoirs puisqu’ils partent le matin pour le travail et les loisirs, puis reviennent le soir pour dormir. Ils ne participent pas vraiment à la vie du village et cela laisse des bâtiments communaux à l’abandon. Il faut ainsi retravailler la vacance des logements, refaire des pôles d’accueil pour les seniors, mieux agencer les offres de services.
2. Le développement de la mobilité douce : proposer des voitures en partage, développer le covoiturage, travailler sur un système où des jeunes retraités se muent en chauffeurs pour les seniors qui ont gardé leur voiture mais ne peuvent plus conduire.
3. Le Bergeracois à énergie positive : la transition énergétique, aider à renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments, voir comment remplacer les chaudières à fioul par du chauffage plus vertueux, travailler sur le positionnement de parcs photovoltaïques au sol ou développer des ombrières photovoltaïques sur les parkings, développer ce côté de conseil du service public à la population notamment via la mise en place d’un cadastre solaire pour les habitants, travailler sur la géothermie pour exploiter la richesse du territoire du Bergeracois.
4. L’adaptation du Bergeracois au changement climatique : travailler sur les risques sanitaires avec la canicule par exemple, renforcer les dispositifs réglementaires de protection à la population en travaillant avec les acteurs sociaux, protéger la ressource en eau et réfléchir au partage de l’eau avec tous les acteurs du territoire. Cela crée des passerelles avec le Schéma d’Aménagement et Gestion de l’Eau (SAGE) qui devrait prendre effet sur l’ensemble du bassin de la rivière Dordogne.
5. Le développement d’une économie sobre en carbone : promouvoir l’économie verte, valoriser les initiatives reliées à l’économie circulaire, répertorier les politiques publiques dans ces domaines-là, appuyer les démarches de groupements d’acteurs qui vont dans le sens de l’écologie industrielle, tels que Coop’Actions, continuer sur la lancée de la viticulture responsable avec l’Interprofessionnelle des Vins de Bergerac et Duras, travailler avec les chambres de métiers et du commerce pour promouvoir les nouveaux métiers, prendre le temps d’embrasser un mouvement de tourisme durable en développant des chartes de tourisme responsable avec les hébergements et les campings et renforcer le tourisme pour les personnes atteintes de handicap.
Quelles actions préconisées par le Plan Climat ont pu être finalisées ?
En termes d’énergie renouvelable, je peux citer comme exemple le parc photovoltaïque de Faux (voir notre reportage en cliquant ici) qui s’est réalisé sur un ancien circuit automobile. Ce projet est une belle figure de proue car nous souhaitons avant tout transformer des terres déjà artificialisées plutôt que des espaces agricoles ou naturels. Un parc photovoltaïque s’est aussi développé en marge de l’aéroport de Bergerac sur des terrains délaissés qui n’avaient plus d’intérêts pour l’agriculture. Au rayon de la sensibilisation, nous avons fait une balade urbaine dans Bergerac avec les élus où nous leur montrions la différence de température entre un lieu bien végétalisé comme le Parc Jean Jaurès et un lieu empli de bitumes et complètement minéral tel que le parking du Foirail.
D’après vos premières observations, quels sont les points qui peuvent être améliorés ?
Nous essayons de faire avancer tous les secteurs en même temps. Et la tâche est ardue puisque nous avons peu de moyens, notamment en termes d’animation. Pendant trois ans, une chargée de mission nous a accompagnés dans la mise en œuvre des actions du Plan Climat. Nous n’avons pas pu la garder à nos côtés car son contrat était financé par l’Agence de la Transition Écologique (ADEME), qui n’a pas souhaité la renouveler.
Nous avions par exemple lancé un cadastre solaire sur notre site web. Cela permet à chaque habitant du Bergeracois de diagnostiquer le potentiel solaire de sa toiture pour ensuite pouvoir poser des panneaux solaires. Notre prestataire nous ayant laissé en cours de route, le service n’est plus disponible. C’est bien dommage mais nous tenons à relancer ce dispositif.
Comment s’articule la suite pour le Plan Climat ?
Depuis 2018, la Loi ELAN prévoit de moderniser les SCoT et de fusionner le Plan Climat dans le SCoT. Comme nous devons réviser notre SCoT à horizon 2026 et que notre Plan Climat s’achève en 2024, nous allons sûrement en profiter pour combiner les deux feuilles de route en un seul document. Le tout sous réserve d’un accord des élus du Bergeracois. Cela nous permettrait de toiletter les deux et d’ajuster un regard plus pragmatique sur l’ensemble du Bergeracois. La fusion rendrait le document encore plus pertinent puisque nous aurions la partie “orientations et objectifs” avec le SCoT, puis la partie “actions” dans le Plan Climat.
V. La coopération comme clé de la cohérence territoriale: comment, avec qui et pour aller où ?
Vous êtes au centre de nombreux acteurs du territoire pour chapeauter ces différents projets. À quel point est-ce primordial de coopérer au sein d’un territoire ?
Il faut vraiment qu’il y ait une envie des acteurs. Une fois qu’un brin de motivation naît, alors nous sommes totalement disponibles pour aider à réaliser ces actions, à trouver des financements, à mettre en relation les porteurs de projet avec les experts.
Comment faites-vous pour que la coopération soit efficace et que les acteurs ou les territoires ne se marchent pas dessus, ne se sentent pas lésés par quelque orientation ?
Difficile de dire si c’est efficace. Étant nous-mêmes une collectivité en tant que syndicat mixte, nous sommes là pour traduire la volonté politique des élus. Nous souhaitons évidemment associer les habitants du Bergeracois à l’élaboration et à la rédaction de ce Schéma SCoT. Dès le début de l’état des lieux, nous avons fait beaucoup de réunions publiques où nous avons présenté les différents axes de réflexion. L’idée est de co-construire et non pas d’attendre que le texte soit ficelé pour le présenter.
C’est toujours compliqué d’associer les citoyens à la démarche mais il faut répéter que ces documents appartiennent à tout le monde. Les médias ont un rôle important à jouer puisqu’ils peuvent informer les citoyens de la tenue des réunions publiques et les pousser indirectement à venir dire ce qu’ils pensent.
Vraiment, nous ne sommes pas là pour imposer le SCoT ou le Plan Climat. Il appartient aux acteurs du territoire de s’emparer des différentes orientations et de se lancer dans la mise en œuvre d’actions. C’est ce que fait Coop’Actions qui s’est emparé de l’écologie industrielle sur le territoire avec le Pôle de Coopération Economique du Grand Bergeracois. Les actions sont à l’initiative de chacun. Nous sommes là pour les accompagner, en aucun cas pour les imposer.
En quoi est-ce intéressant que ces problématiques de développement et d’aménagement vers des territoires éco-responsables soient gérées par des structures indépendantes de la scène politique ?
Quand vous parlez d’urbanisme, d’habitat, de gestion des ressources pour le territoire collectif, il faut que chacun mette de côté ses sensibilités politiques personnelles. En revanche, les membres du Syndicat SyCoTeB sont des élus qui ont des appartenances à des mouvances politiques et, en étant à leur service, nous sommes forcément inscrits dans une démarche politique.
Dans tous les cas, le SCoT est un instrument politique. On peut aller jusqu’à dire que c’est de la politique au sens noble du terme puisque c’est un outil partagé par les élus pour améliorer la qualité de vie, l’attractivité et l’aménagement du Bergeracois.
Facile de coopérer entre tous ces acteurs du Bergeracois ?
Le SCoT du Bergeracois est le seul à avoir été approuvé et entré en vigueur sur l’ensemble de la Dordogne. Les autres territoires sont en phase de rédaction, alors qu’en Gironde on recense une multitude de SCoT. Ça prouve la volonté des élus du Bergeracois à réfléchir ensemble à un document commun pour leur territoire.
Mais sinon la coopération en elle-même est compliquée. En échangeant avec les collègues d’autres syndicats porteurs de SCoT, je connais peu de territoires où c’est simple de trouver des clés, d’associer, de partager et de co-construire.
Ce sont souvent les mêmes acteurs qui sont présents et qui ont plus de facilité à parler. Ils prennent le pas sur d’autres personnes qui auraient des choses à dire mais qui manquent de temps puisqu’ils sont pris par leur travail, par la vie familiale.
À la fédération nationale des SCoT, nous travaillons avec des sociologues pour identifier des publics qu’on n’entend jamais. En ce qui concerne les jeunes en milieu rural, nous souhaitons réfléchir avec eux à leurs besoins et ainsi modifier les orientations des politiques publiques pour leur apporter aussi des services utiles.
Comment envisagez-vous la suite, budgétairement parlant ?
Notre budget est très serré et dépend totalement des collectivités locales. Le fonctionnement du Syndicat est uniquement financé par les cotisations des 3 groupements de communes qui sont membres. La bonne nouvelle récente : l’Etat va mettre la main au porte-monnaie pour nous accompagner dans l’étape de la révision du SCoT jusqu’en 2026.
Des propos recueillis le 27 juin 2023 par Valentin Nonorgue.