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Faire du Grand Bergeracois un territoire plus équilibré : le schéma de cohérence territoriale (1/2)

Le Grand Bergeracois : territoire à la fois très rural et porté par le pôle urbain de Bergerac.

Le territoire du Grand Bergeracois est partagé entre le pôle urbain de Bergerac, les petites villes qui assurent les services de première nécessité, et les petites communes rurales. Il est découpé en quatre intercommunalités que sont la Communauté d’Agglomération Bergeracoise (CAB), la Communauté de communes des Bastides Dordogne-Périgord, la Communauté de communes Montaigne Montravel et Gurson et la Communauté de communes des Portes sud Périgord. Pour aligner les objectifs de chacune et assurer l’équilibre du territoire, le Grand Bergeracois a établi un Schéma de Cohérence Territoriale, animé par le Syndicat de cohérence territoriale en Bergeracois (SyCoTeB).

Pour comprendre les enjeux et les solutions mises en place sur le territoire du Bergeracois, nous vous proposons une interview en deux parties de Christophe Andrès, directeur du SyCoTeB Bergeracois.

I. Un Syndicat de Cohérence Territoriale : c’est quoi ?

Qu’est-ce que le Syndicat de cohérence territoriale en Bergeracois (SyCoTeB) ?

Tout part du schéma de cohérence territoriale (SCoT). Ce SCoT est défini par la loi. Les communautés de communes ont souhaité travailler ensemble sur un projet commun d’attractivité et de développement du territoire sur un horizon de 20 ans. Le Schéma de cohérence territoriale a ainsi été approuvé en 2014 a besoin d’un établissement public pour le fédérer. D’où la naissance du SyCoTeB, ou Syndicat de Cohérence Territoriale en Bergeracois, pour élaborer, mettre en place et réviser le SCoT. C’est comme un syndicat intercommunal de gestion des déchets ou de gestion des cours d’eau : nous avons un siège et chaque groupement de communes délègue des élus pour les représenter au syndicat.

Quelles entités font partie de ce syndicat ?

Notre président est le maire de Gardonne, Pascal Delteil. Ensuite, il y a des délégués syndicaux venus des trois communautés que sont la Communauté d’Agglomération Bergeracoise (la CAB) autour de Bergerac, la Communauté de Communes Portes Sud Périgord (la CCPSP) entre Eymet et Issigeac, et la Communauté de Communes Bastides Dordogne-Périgord (la CCBDP) autour de Lalinde et Le-Buisson-de-Cadouin. Nous représentons 110 communes et environ 90 000 habitants.

[NDLR : la quatrième communauté de communes du territoire, celle de Montaigne Montravel et Gurson, n’a pas rejoint le syndicat.]

Comment fonctionne concrètement le SyCoTeB ?

Le syndicat est financé par le biais des cotisations des trois groupements de communes qui en sont membres. Il prend la forme d’établissement public et compte deux agents dans son équipe technique, dont une secrétaire-comptable et moi-même en tant que directeur.

Quelles sont les missions concrètes que vous menez à échelle locale ?

Notre mission principale est de définir une feuille de route sur 20 ans pour bien développer le territoire. Cette stratégie territoriale porte des principes d’application et de mise en œuvre du développement durable sur le territoire. Tous les acteurs du territoire, qu’ils soient publics ou privés, peuvent reprendre la stratégie de manière opérationnelle.

Une fois qu’on a réfléchi à une orientation cohérente du territoire et que le document du SCoT est approuvé, le travail du syndicat est de rencontrer les acteurs du territoire pour trouver les solutions voire les financements afin de mettre en œuvre les ambitions fixées. Nous sommes au carrefour de tous les acteurs du territoire et nous avons aussi le réseau des financeurs de projets et des experts techniques dans les différents domaines d’actions.

 

Un atout du Grand Bergeracois : les gros villages ou petites villes comme Beaumontois-en-Périgord, Issigeac ou Eymet (photo) proposent des services et des commerces aux habitants.

II. Diagnostic du Grand Bergeracois : un territoire cohérent ?

Selon votre œil d’expert, quelles sont les principales caractéristiques du territoire du Grand Bergeracois ?

Le territoire est à la fois urbain avec la ville de Bergerac, ses services et ses équipements; et à la fois très rural. La particularité du Bergeracois est qu’il dispose de pôles de proximité bien répartis sur l’ensemble du territoire. Les gros villages ou petites villes comme Beaumontois-en-Périgord, Issigeac ou Eymet proposent des services et des commerces aux habitants. Voilà qui représente un atout.

En bref, le territoire compte 3 niveaux : des communes très rurales; des bourgs et petites villes qui bénéficient des premiers niveaux de service du quotidien; et Bergerac avec des services plus importants, en termes de santé notamment.

Le territoire a la chance d’avoir une agriculture de qualité avec des espaces agricoles très divers. En revanche, le point faible réside dans la mobilité, comme sur la majorité des territoires ruraux en France. Vu les distances à parcourir, on a des difficultés à trouver des alternatives à la voiture individuelle et aux gaz à effet de serre qui en découlent.

Peut-on qualifier le Grand Bergeracois de “territoire équilibré” ?

D’un point de vue global, le territoire est relativement bien équilibré si on prend en compte sa géographie et le niveau des services proposés. On a la chance d’avoir un tissu d’industries moyennes, de PME et PMI relativement dynamiques, qui apportent de l’emploi.

Néanmoins, notre Schéma travaille sur 20 ans et on a des problèmes en termes d’équipements et de services de santé. On connaît bien les problèmes de mutation profonde de l’agriculture et les enjeux que cela porte sur un territoire rural.

Il faut renforcer les atouts et travailler sur ces points-là, car si tout était parfait il n’y aurait pas besoin de faire ce SCoT et de rendre le territoire plus attractif.

Objectif du schéma de cohérence territoriale : garantir de grands équilibres entre espaces urbains, agricoles et naturels qui ont chacun leurs problématiques individuelles.

 

III. Schéma de cohérence territoriale du Bergeracois : enjeux et avancées

Qu’est-ce qu’un Schéma de Cohérence Territoriale ?

C’est un projet sur un territoire où les élus, qui ont chacun leurs problématiques à gérer, ont conscience d’avoir des enjeux communs sur un bassin de vie plus large que leur propre structure administrative. Un bassin de vie représente la zone où les gens habitent, vont travailler, s’adonnent à leurs loisirs, où les enfants vont à l’école.

Sur ces territoires-là, l’idée est de garantir de grands équilibres entre espaces urbains, agricoles et naturels. Nous devons aussi assurer la répartition juste et cohérente entre l’habitat, l’économie, les loisirs, la culture, les déplacements, les équipements publics, etc.

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Autre point primordial : nous devons veiller à la maîtrise des ressources. Nous sommes les garants de la sobriété foncière et essayons d’optimiser la consommation foncière, contrairement à ce qui s’est fait pendant des décennies. Il faut voir la nature comme une richesse, un patrimoine et non comme quelque chose qu’il faut gaspiller. Pour cela, nous travaillons au développement des énergies renouvelables sans empiéter sur les espaces agricoles naturels.

C’est aussi adapter le territoire au changement climatique, dont l’ombre est de plus en plus prégnante. Les élus ont donc décidé de se doter d’un Plan Climat Air Énergie Territorial. 

L’idée est que le SCoT définit de grandes orientations puis chaque communauté de communes les applique à son échelle dans le cadre de ses plans locaux d’urbanisme.

À quelles problématiques précises ce SCoT tend-il à répondre ?

Nous avons d’abord commencé par un diagnostic du territoire dans tous les domaines, ce qui allait, ce qui n’allait pas. A partir de là, nous avons défini 4 axes sur lesquels il fallait vraiment travailler :

    1. Construire un pôle accessible et lisible au niveau régional : on s’est rendu compte qu’on avait un peu de tout sur notre territoire, mais qu’il nous fallait vraiment éclaircir et valoriser les atouts économiques pour le rendre plus attractif; faire en sorte qu’il ne souffre pas trop de son enclavement, notamment face à la métropole bordelaise et aux territoires environnants;

    1. Consolider la structure multipolaire du territoire : pour ce faire, il faut renforcer le pôle urbain de Bergerac qui sert de service et de commerce à toutes les communes qui l’entourent. Ne surtout pas opposer l’urbain et le rural, car si le pôle urbain chute, c’est tout le territoire qui tombe avec lui. Il faut continuer à organiser et structurer les polarités de proximité (Beaumontois-en-Périgord, Lalinde, etc.); le tout en accompagnant le développement des communes rurales.

    1. Faire du patrimoine naturel un vecteur de développement territorial et de qualité de vie : valoriser et promouvoir nos paysages; les préserver en arrêtant l’étalement urbain sur les espaces agricoles et naturels; adapter le territoire au changement climatique.
    2. Organiser le territoire pour en faire un lieu de vie et d’activité agréable : travailler sur des quartiers d’habitat agréables et économes en foncier; favoriser la mobilité douce; offrir des services suffisants aux habitants comme aux entreprises, telle que la connexion haut débit par exemple.

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Grand enjeu de l’aménagement du territoire : assurer l’accueil des populations sans impacter les paysages naturels du Grand Bergeracois.

Quels constats principaux avez-vous dressés à propos du Grand Bergeracois ?

Le premier SCoT a été approuvé en 2014. Déjà en 2014, les élus du Bergeracois avaient écrit d’économiser 50% du foncier, soit la manière dont le sol est occupé, par rapport à la décennie précédente. Cette mesure se trouve dans la fameuse Loi Climat et Résilience, qui date de 2021, et qui demande de réduire la consommation du foncier de 50%. Donc nos élus étaient déjà dans cette démarche, sans pour autant opposer la nécessité de grandir avec le besoin de limiter la consommation.

On a besoin de logements pour accueillir les populations mais on va stopper l’étendue des maisons partout qui vont impacter les paysages, les milieux naturels. 

Qu’en est-il des politiques à mener sur le territoire ? Quels équipements avez-vous ciblés ?

Chacun des 4 axes est décliné en plusieurs orientations. Nous avons établi 17 orientations au total, telles que la protection de la ressource en eau, la contribution à la transition énergétique et au changement climatique.

Concrètement, qu’est-ce qui a été mis en place depuis l’approbation du SCoT ?

C’est très difficile à dire car ça s’applique beaucoup à des mesures ne sont pas encore palpables. Un des exemples concerne l’urbanisme, un Plan Local d’Urbanisme (PLU) a l’obligation de tenir compte des mesures prescrites par le SCoT. Le Plan Local d’Urbanisme intercommunal de la CAB a été rédigé en se basant sur le SCoT. Par exemple, si le SCoT dit qu’il y a des corridors écologiques à un endroit précis, alors le PLU de la CAB s’ajuste à la parcelle et interdit la constructibilité sur ces espaces riches en biodiversité. Celui de la CAB a déjà été approuvé tandis que les PLU des deux autres communautés de communes sont en cours de rédaction.

Quel rôle jouez-vous au quotidien pour assurer le bon déroulé de ce SCoT ? 

On est au carrefour de tous les acteurs du territoire. Évidemment, nous promouvons le SCoT et ses ambitions mais c’est aux acteurs respectifs du territoire d’agir véritablement. Nous animons aussi quatre commissions, soit une par axe principal du Schéma de cohérence territoriale, que j’appelle le “Laboratoire d’idées pour le territoire”.

On retrouve ainsi : la commission “Promotion du capital Nature”, la commission “Habitat, déplacements et services”, la commission “Désenclavement et éligibilité économique”, et celle nommée “Stratégie urbaine et développement durable”. Au sein de chaque groupe de travail, nous réfléchissons ensemble aux moyens de mettre en œuvre les grands objectifs et nous facilitons les rencontres entre des élus, des techniciens de collectivités, des associatifs, des chefs d’entreprises.

Quels projets le SCoT peut-il permettre de lancer ?

Paradoxalement, je ne suis pas toujours au courant des projets qui sont menés sur le Bergeracois. J’aimerais donc monter un observatoire du territoire pour recenser tous les projets mis en place. Pour répondre aux enjeux économiques et énergétiques de la filière bois, nous tentons de développer un circuit court du bois en Bergeracois. L’idée est de travailler de l’arbre vers l’habitant; d’implanter une valorisation vertueuse du bois et de nos massifs forestiers; de développer des emplois, notamment via l’artisanat et l’entretien forestier; et peut-être aller jusqu’à transformer ce bois en bois énergie, en mobilier ou en rénovation énergétique des logements. Sur ce projet, nous rencontrons petit à petit les forestiers du territoire, nous avons eu un rendez-vous avec la chambre des métiers. Grâce à notre vision macro du Bergeracois, nous pouvons aider les acteurs locaux à mettre en œuvre ce souhait collectif.

Vous avez approuvé le nouveau SCoT en 2020 pour 20 ans. Pourtant, la Loi Climat Résilience a été ratifiée en 2021 : comment vous adaptez-vous à ces changements permanents ?

Voilà où est le grand problème. Depuis 2014 et l’approbation du premier SCoT du Bergeracois, nous avons de nouvelles lois qui sortent tous les trois ans. Je ne juge pas de la pertinence de ces lois, mais elles demandent systématiquement d’être traduites dans les SCoT ou dans les Plans Locaux d’Urbanisme. C’est vraiment délicat de revoir tous les 3 ans une feuille de route prévue pour 20 ans.

Tout ce temps passé à adapter le document de stratégie territoriale est financé par de l’argent public. Ça coûte cher et, au contraire des grandes métropoles comme Paris ou Bordeaux, le Bergeracois ne dispose pas de grandes ingénieries d’urbanisme. Ici nous devons faire appel à des bureaux d’études extérieurs lors de chaque révision du SCoT. Or, cette refonte permanente des objectifs pose problème aux collectivités locales, surtout compte tenu de leur contexte budgétaire actuel.

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Des propos recueillis le 27 juin 2023 par Valentin Nonorgue.