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Plus de simplicité pour plus d’autonomie : initiation à la low-tech en Bergeracois

À l’heure où les ressources naturelles sont de plus en plus précieuses, nous plongeons dans les principes de la low-tech : se saisir de ce qui existe, chercher à utiliser des objets et des outils simples, consommer local et entretenir ses biens. Ou comment retrouver son autonomie et vivre convenablement en mobilisant le moins de ressources possibles.

Initiation aux idées de base et tour d’horizon des acteurs bergeracois de la low-tech avec Emmanuel Meinel, secrétaire des associations bergeracoises CéLà et L’Attache Rapide. Cet adepte du modèle “vivre mieux en consommant moins” a notamment organisé une soirée ciné-débat autour de la low-tech au cinéma Grand Ecran de Bergerac, dans le cadre de la semaine de la Fraternité, en septembre 2023.

Le principe de la low-tech est de faire mieux en employant moins de ressources. En quoi le fait de basculer vers la sobriété représente-t-il un défi aujourd’hui ?

En vérité, la sobriété et la simplicité ont toujours été des conforts de vie. L’esprit humain a tendance à compliquer les choses car il a du mal à partir de l’existant pour trouver une solution à un problème. En pratique, il y a déjà de nombreuses solutions à notre disposition. La low-tech, c’est faire avec ce qui existe déjà. Un modèle qui gagne en importance au moment où les ressources naturelles manquent.

Les quatre voies de la low-tech

Comment réduit-on la complexité technologique ?

C’est le réflexe de se demander en quoi ce que j’ai déjà sous la main peut m’aider. Réduire les besoins c’est réduire son appel à la technologie qui est de plus en plus gourmande en énergie et donc de plus en plus coûteuse. C’est une mentalité de bricoleur. Dans les Café-Répare, on assemble des objets ou on en modifie l’utilisation pour répondre à un nouveau problème.

Pour se servir de l’existant, encore faut-il qu’il soit en bon état… 

L’idée est d’investir dans l’entretien avant que la casse soit irréparable. Je possède un objet, alors j’en prends soin. Or, le problème socio-économique est que le prix de la réparation, qui nécessite du travail humain, est souvent plus élevé que le prix de rachat d’un nouvel objet fabriqué par des robots. Acheter pas cher, c’est soutenir les entreprises qui peuvent vendre à des prix bas car elles pillent des ressources naturelles et imposent des conditions de travail déplorables dans des pays moins puissants.

On est tellement sollicités par la publicité pour en avoir de nouveaux qu’on change parfois un objet car il est un peu abîmé ou passé de mode.

Selon vous, quels sont les avantages de la seconde main par rapport au neuf ?

Il y en a deux. Le premier est que le neuf est toujours plus coûteux en termes de ressources naturelles et d’énergie. Deuxièmement, en récupérant nos déchets et en créant des choses à partir de ceux-là, on va aussi pouvoir recréer de l’emploi humain. Dans nos sociétés où nous grattons les fonds de tiroirs naturels et où il est toujours plus difficile de trouver du travail, je pense que la croissance économique peut être possible en se basant sur un modèle de services, de réparation et de travail humain.

La nécessité de convaincre un maximum de monde

Pour les objets, le coût de l’entretien régulier et de la réparation n’est pas à la portée de tous. Si on parle de notre consommation globale, comment répond-on à la barrière du prix ?

Le bio et le local sont intéressants. Sur les marchés de producteurs bio et locaux, les prix n’ont pas autant augmenté que dans les grandes surfaces. Pour l’électricité, je suis personnellement chez EnerCoop qui produit de l’énergie localement. Tandis que le prix de l’énergie a augmenté en France en février, pour moi les prix de l’énergie ont baissé au 1er février. Il y a donc des choix pertinents à faire en tant que consommateur à l’heure où l’inflation frappe le porte-monnaie de tous les Français.

La low-tech contient également une notion d’utilité sociale qui vise à toucher le plus grand nombre de personnes. Comment faire pour populariser ces solutions ?

Dans un premier temps, il existe le chèque-réparation dont le bonus vient d’être augmenté par l’État. Il faut aussi développer les associations qui véhiculent une autre façon d’agir. Les Cafés Répare permettent à des bénévoles d’aider les personnes à réparer leur propre matériel. Pour implanter le réflexe de la réparation, il faut implanter le réflexe d’acheter des objets simples à la base. Peut-être en mettant davantage en avant l’indice de réparabilité, une note sur 10 qui est présente sur les objets technologiques depuis 2021. Il concerne notamment les smartphones, les ordinateurs, les lave-linges ou les aspirateurs et prend en compte le degré de démontabilité, la disponibilité des conseils d’entretien et l’accessibilité aux pièces détachées nécessaires.

La low-tech et la notion de progrès

QUELQUES EXEMPLES D’INVENTIONS LOW-TECH : 

Le four solaire se construit avec des matériaux facilement accessibles : bois, contre-plaqué, vitre, papier aluminium et isolant (laine de mouton, liège, polystyrène…). Simple et peu cher à la fabrication, il permet d’atteindre des températures entre 120 et 170°C lorsque le soleil est présent. Plus de précisions ici. Durée et coût : 1 jour et 150€.

Le dentifrice maison permet d’éviter les agents chimiques – et potentiellement cancérigènes – présents dans un grand nombre de pâtes industrielles. Sans se ruiner, vous pouvez faire le vôtre avec une huile, de l’argile, du bicarbonate de soude (et même de l’huile essentielle pour un goût rafraîchissant). Durée et coût : 5 minutes pour environ 1€. Plus de conseils ici.

La marmite norvégienne permet de terminer les cuissons à basse température des aliments grâce à l’isolation thermique, rendue possible en enveloppant votre cocotte de laine de mouton. Durée et coût : 1 jour et 30€. Plus de détails ici.

Le déodorant maison permet, avec 3 ingrédients (huile de coco, bicarbonate, fécule de maïs + cire d’abeille en été) de concocter un agent qui empêche naturellement le développement des bactéries. Durée et coût : 10 minutes et 1€. Plus de précisions ici.

Sur certains forums, il se dit que la low-tech est opposée au high-tech et qu’il y a donc un refus d’intégrer le progrès technologique. Est-ce une réalité ou une idée reçue ?

Nous sommes au cœur du sujet. On stigmatise les adeptes de la low-tech en leur disant “vous refusez le progrès”. Dans la représentation, il semble qu’être contre le progrès c’est être dans le camp des méchants. Or, le progrès, c’est mieux vivre. Ce n’est pas forcément le progrès technologique, tout comme la croissance n’est pas seulement économique ni basée sur la vente. Le progrès c’est aussi arriver à produire autrement. 

La low-tech en Bergeracois : consommer local pour redevenir autonomes

En Bergeracois, comment se manifestent les acteurs de la low-tech ? 

Ici, nous avons l’association CéLà avec son potager en permaculture et son Café-Répare. On a également un Repair Café à La Traverse. Enfin, l’association Roue Libre propose un atelier de réparation de vélos. On trouve aussi de plus en plus de cafés associatifs et de tiers-lieux en milieu rural qui proposent des ressourceries et des ateliers de réparation. 

Aujourd’hui, qu’est-ce que la low-tech apporte au territoire du Bergeracois ?

La low-tech permet de redonner du pouvoir à tous les territoires. Avec des produits simples d’usage et de composition, on peut réparer soi-même et facilement du fin fond de la campagne. Là où il est impossible de réparer soi-même les voitures faites d’électronique et d’outils informatiques.

Finalement, la low-tech permet à chacun d’entretenir et de réparer ses objets au lieu d’être dépendants de multinationales. Cela amène de l’autonomie et de la liberté. Or, la liberté a toujours un coût. Ici, c’est le temps. Et puis il y a la barrière mentale de l’habitude. Alors prenons le temps de changer de modèle.

Comment ces acteurs de la low-tech peuvent-ils amplifier la résonance de leurs pratiques sur le Bergeracois ?

Les pouvoirs publics ont leur rôle à jouer pour stabiliser les actions de la low-tech sur le territoire. La première étape serait de multiplier les cafés-répare et cela passe par le soutien des collectivités. Un autre accompagnement du mouvement serait de prolonger l’installation de La Traverse à l’ancienne manufacture de tabacs.

Ensuite, il faut communiquer et promouvoir le local et la sobriété. Le marché de Bergerac est l’un des meilleurs médias locaux. Il peut être intéressant pour les associations de la low-tech de proposer un stand de réparation lors des marchés du mercredi et du samedi.

Propos recueillis par Valentin Nonorgue, le 5 février 2024.