CAP Excellence (Guadeloupe) : un parc agroalimentaire pour développer les filières locales
Cette semaine, la lettre de l’impact positif s’intéresse à un projet porté par la communauté de communes CAP Excellence, en Guadeloupe : l’Agropark. Confronté à des difficultés de production de matières premières et à un coût de la vie élevé, le territoire compte miser sur ses forces pour développer des filières alimentaires locales. Deux objectifs majeurs sont identifiés : aller vers l’autonomie alimentaire et exporter pour faire découvrir au monde les produits locaux guadeloupéens.
Notre reportage, réalisé dans le cadre de notre série de reportages avec Intercommunalités de France, est disponible ici :
Depuis 2019, un important chantier est en cours dans la commune des Abymes en Guadeloupe. Il s’agit de l’Agropark, un lieu créé pour être le catalyseur de la production agroalimentaire locale en Guadeloupe.
Tout d’abord, un peu de contexte. La Guadeloupe est majoritairement connue en Hexagone pour ses deux principales cultures que sont la banane et la canne à sucre, introduites à l’époque coloniale. Elles représentent 38 % de la surface agricole utilisée, plus de 50% des exploitations et captent près de 90 % des aides publiques agricoles. De ce fait, le reste des productions de viandes, de légumes ou de fruits ne représentent pas des circuits d’approvisionnement suffisants pour nourrir la population locale. De plus, la pollution massive au chlordécone et les aléas climatiques de cette région tropicale compliquent les productions. Autre point structurant, les pratiques alimentaires au sein des foyers se sont détournées des produits locaux, acculturés à la production extérieure. Les habitants subissent par ailleurs une inflation très importante des prix dans les supermarchés. Dans ce contexte, la Guadeloupe se retrouve dépendante des importations pour se nourrir et ses habitants en paient le prix fort.
En parallèle, le mouvement Locavore s’élargit. Composé de “Loca” pour local et “vore” pour manger, le principe est de consommer des produits alimentaires proches géographiquement de son lieu de vie. C’est le cas de Béatrice Bastaraud, agro-transformatrice indépendante. Elle produit des légumes et fruits fermentés, seule et depuis chez elle. Elle dispose de 10 points de ventes pour écouler sa marchandise mais peine à se développer.
“Ma production est artisanale, tout est fait à la main, ça me prend beaucoup de temps. J’aimerais à terme créer une SAS ou une SARL mais il me faut de l’aide pour les différentes étapes. Ça irait plus vite si j’avais des machines ou un avocat qui m’aide dans les statuts. J’en suis à l’étape où je bloque pour me développer.”
“Il s’agit aussi d’un débat de fond sur l’autonomie alimentaire. » Jean-Luc Céligny, vice-président de la commission développement territorial à CAP Excellence
C’est à cet endroit que la communauté de communes de CAP Excellence a décidé d’agir. L’Agropark devrait servir à équiper et structurer les filières agroalimentaires locales. Le site sera divisé en plusieurs parties : un pôle de production (avec une pépinière d’entreprises, un laboratoire de qualité alimentaire et une unité de conditionnement), un village de chalandise (avec des magasins, des restaurants et de l’événementiel) et un jardin créole pour sensibiliser et découvrir les espèces endémiques locales.
Dans le bâtiment principal, 14 entreprises seront accompagnées pendant 3 ans via la location de boxs à loyers modérés. Géralde Pommier, directrice des grands projets structurants à CAP Excellence, précise : “Ce sera plus qu’une pépinière d’entreprises. On trouvera dans le bâtiment un quai de chargement et de déchargement avec des chambres froides négatives et positives. 14 ateliers seront équipés et recevront les entreprises en croissance. L’institut Pasteur aura un bureau pour réaliser les analyses microbiotiques – cela permet de préparer les entreprises à l’export. Et à l’étage, un coworking sera ouvert pour que les porteurs de projets puissent réseauter et maturer leur projet. Ils pourront aussi échanger avec des experts lors de formations.”
Liliane Piquion-Salomé, vice-présidente de la commission développement économique de CAP Excellence, ajoute : “Nous avons beaucoup de potentiel avec nos produits locaux et des talents : nous devons jouer les chefs d’orchestre pour réaliser des choses de qualité.”
Le chantier de gros œuvre est pratiquement terminé. L’Agropark devrait créer 300 emplois directs et 150 indirects. L’intercommunalité espère ouvrir le lieu au 1er semestre 2025, avec 3 ans de retard sur l’inauguration prévue initialement . “Entre temps, on s’attache à ce que la filière agricole produise assez pour servir cet Agropark. Il faut suffisamment de matière première”, souligne Liliane Piquion-Salomé.
Les appels à manifestation d’intérêt pour intégrer la pépinière d’entreprises seront lancés en janvier. “On sera sélectif car c’est un équipement qu’on veut excellent. On veut des entrepreneurs investis et innovants qui pourront être capables de produire et d’exporter à la fin de l’accompagnement”, assure Géralde Pommier.
« Nous devons permettre aux agriculteurs de vivre de leur produits, de s’organiser avec les autres pour produire, d’aider les familles en précarité alimentaire » Slane Clotilde, conseillère technique ruralité/littoral à CAP Excellence
Le lieu de l’Agropark n’a pas été choisi par hasard. Entouré du port, de l’aéroport et d’un pôle de santé avec le CHU, il s’intègre à un écosystème global. En plus de faciliter les futures exportations, l’intercommunalité souhaite également toucher les touristes. “D’autres commerces viendront s’intégrer autour de l’Agropark, abonde la vice-présidente Liliane Piquion-Salomé, et nous pourrons optimiser au mieux une partie du développement économique”.
“Il s’agit aussi d’un débat de fond sur l’autonomie alimentaire. Nous sommes un petit territoire et pendant le Covid nous nous sommes tournés vers ce que nous avions : une alimentation saine et durable. Les producteurs sont une priorité pour CAP Excellence. Ce projet revêt un caractère stratégique pour la Guadeloupe et ses dépendances. On entend permettre sur la durée un environnement favorable pour les entreprises agricoles et d’agro-transformation, qui sont deux pans fondamentaux de notre écosystème”, conclut Jean-Luc Céligny, vice-président de la commission développement territorial à CAP Excellence. En parallèle, le Projet Alimentaire Territorial (PAT) de CAP Excellence appuiera le projet. “L’objectif du PAT, développe Slane Clotilde, conseillère technique ruralité/littoral à CAP Excellence, est de permettre de structurer les filières au niveau local et de ramener l’alimentation au niveau local. On ne sera jamais sur 100% de consommation locale mais nous devons permettre aux agriculteurs de vivre de leur produits, de s’organiser avec les autres pour produire, d’aider les familles en précarité alimentaire, d’accompagner les porteurs de projets dans la promotion des produits locaux, que ce soit localement ou vers les touristes.”