La Creuse propose une flotte de véhicules hybrides à ses aides à domicile

La lettre de l’impact positif vous propose cette semaine un focus sur une initiative du Département de la Creuse. Pour fidéliser les aides à domicile et favoriser le recrutement dans un métier en forte tension, il a mis en place une flotte de véhicules hybrides. Pour un loyer de 110 euros par mois, une aide à domicile peut bénéficier d’une voiture neuve, d’un contrat d’assurance, de l’entretien et d’une provision pour la restitution des véhicules. Un dispositif dont bénéficie déjà 10% des aides à domicile du territoire. Il a été mis en place à l’échelle inter-départementale avec la Gironde pour augmenter le nombre de commandes et diminuer les coûts. 

Nous vous proposons une interview croisée de Marie-Thérèse Vialle, Vice-présidente en charge de l’autonomie et David Sertillange, chargé de la modernisation du secteur de l’aide à domicile, au Département de la Creuse.  

Nous vous proposons en introduction ce reportage vidéo réalisé par nos équipes. 

Cette initiative a été récompensée par le prix Coup de projecteur de Territoires Audacieux lors du jury 2022 des Prix Territoria.

Il a également reçu un Territoria OR dans la catégorie Services aux personnes. Retrouvez l’ensemble des lauréats en cliquant ici.

Quelle était la problématique à laquelle répondait cette initiative ?

La Creuse est un département rural avec un habitat dispersé voire isolé. La population y est vieillissante. Nous avons besoin d’assister les personnes dans cette situation et de conserver du lien social. Pour cela, nous avons besoin de revaloriser le métier d’aide à domicile. 

L’idée était d’améliorer l’attractivité de ce métier ?

Le métier d’aide à domicile a longtemps été dénigré. Il est en pleine évolution ! Aujourd’hui, les aides à domicile ne sont pas seulement des femmes de ménage. Ce sont des personnes qui accompagnent notre population vieillissante au quotidien. Elles aident à faire les courses ou faire de la gymnastique à domicile. Nous, Département, devons accompagner nos aides à domicile. Il est important de revaloriser ce métier et de les accompagner dans leurs trajets, leurs missions. Cela permettra de recruter et de fidéliser celles qui sont actuellement en place. Divers moyens ont été mis en place par le gouvernement comme la revalorisation salariale. 

Et ce dispositif vient compléter ces aides ?

Nous avons choisi de les accompagner au niveau de la mobilité. Nos aides à domicile font un grand nombre de kilomètres pour se rendre d’un bénéficiaire à un autre. La Creuse est un territoire avec un habitat dispersé et un climat hivernal dans le sud du département. Nous devons donc les sécuriser et les accompagner dans la mobilité. Nous voyons que l’initiative répond à un réel besoin. Au départ de l’expérimentation, il y a eu seulement quelques demandes mais le bouche-à-oreille a créé un réel engouement. Chaque jour nous sommes fiers de notre projet au vu des appels d’autres départements qui souhaitent le mettre en œuvre. 

Quelles ont été les étapes du montage du projet ? 

Nous avons d’abord confié à La Maison de l’Emploi et de la Formation de la Creuse la mission de réaliser une étude de besoin auprès des salariés, à partir de questionnaires et d’entretiens. Pour pouvoir identifier, aujourd’hui, quelles étaient les attentes au niveau de la mobilité. Nous avons été confortés dans l’opportunité de travailler sur ce dossier. 

Puis il a fallu mettre en place une expérimentation…

Nous avons ciblé, dans un premier temps, les salariés réalisant le plus de kilomètres. Dans le cadre de la question autour du modèle économique justement. Puis nous l’avons ouvert à des collègues qui font moins de kilomètres. Nous avons souhaité expérimenter pour pouvoir valider le modèle économique. L’expérimentation s’est faite plus rapidement que prévu. Six mois après la mise en place des 150 premières voitures, nous avons eu énormément de demandes de la part des services d’aide à domicile. Nous avons dû embrayer sur une nouvelle commande de 300 voitures. Nous avions besoin de rassurer les salariés sur l’intérêt de ce dispositif. En termes de communication, le fait que les salariés soient informés par leur pairs était bien plus efficace que lorsque nous avons été nous-même directement vers les agents des différents services d’aides à domiciles. 

Quel rôle joue le département ? 

Le Département a créé une offre globale en allant voir les concessionnaires et les assureurs. Mais ce n’est pas nous qui louons les véhicules. Nous avons créé les conditions de la mise en place de cette flotte de véhicules. L’une des particularités de cette action réside dans le fait que nous avons désiré la travailler à une échelle inter-départementale. Nous avons pu avoir le plaisir de partager cette action avec le Conseil Départemental de la Gironde. Cela nous a permis de mutualiser la commande et de pouvoir jouer sur des volumes plus importants. In fine, cela nous a notamment permis d’avoir des conditions financières plus avantageuses pour l’ensemble des services d’aides à domiciles, que ce soit en Creuse ou en Gironde. Ensuite, en tant que département nous avons souhaité créer un poste pour accompagner l’expérimentation puis l’initiative. Pour cela, nous avons des soutiens financiers et notamment la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie et du Conseil Régional. Par la suite, nous sommes ouverts à l’idée de travailler avec d’autres départements pour augmenter encore plus les volumes, inscrire cette action dans la durée et équiper un maximum de salariés. 

Quelles ont été les complications parmis ces étapes ? 

Ce qui a été le plus facile à réaliser, c’était l’identification des besoins au niveau des salariés. Les salariés étaient très enthousiastes. La principale problématique à laquelle nous nous sommes confrontés c’est la crise mondiale des semis conducteurs, nous avons eu en cours de consultation des loueurs et des concessionnaires qui se sont désengagés. Donc ça a nécessité plus de temps. Nous avons eu des délais plus importants concernant la livraison des voitures. Il a fallu attendre 6 mois pour que les voitures puissent arriver en Creuse. 

Pourquoi le choix des véhicules hybrides ? 

Nous nous sommes posé la question autour des véhicules électriques. Cependant, au niveau des équipements en bornes en Creuse, c’était un peu tôt. Nous étudierons de façon approfondie cette question pour les prochaines commandes. Mais dans un premier temps, le véhicule hybride nous semblait être un bon compromis entre le thermique et l’électrique.

Comment doit procéder une aide qui souhaite accéder à cette initiative ? 

Tout se passe par le biais de leurs employeurs. Nous avons négocié des conditions préférentielles auprès de concessionnaires et des assureurs, permettant d’offrir aux salariés une offre globale. Nous voulions tout sécuriser pour que les salariés ne soient pas confrontés à des surprises. Le loyer proposé, de 200 euros, intègre la location, l’entretien, la réparation et une provision pour restitution des véhicules. Aujourd’hui, au plan national un dispositif existe pour des véhicules de services. Il y avait donc fréquemment des problématiques au moment de la restitution de ces véhicules. Nous avons donc introduit dès le départ cette provision, afin de permettre une tranquillité d’esprit. Nous proposons des véhicules de fonction que les aides à domicile peuvent utiliser quand elles ne travaillent pas.  

Qui prend en charge le loyer ? 

Sur le loyer de 200 euros, l’aide à domicile prend en charge 110 euros et son employeur 90 euros. Mais l’employeur y trouve aussi son compte car il ne rembourse plus d’indemnité kilométrique mais uniquement l’essence. 

Quels sont les chiffres des véhicules et des aides à domiciles sur le département ? 

Au total, 450 véhicules ont été commandés sur 2022 et 2023 avec la Gironde. Au niveau de la Creuse, nous sommes à peu près sur 70 voitures pour environ 600 salariés. Ainsi, on peut compter aujourd’hui 13% de salariés équipés. 

Quel est le coût de l’initiative ?

C’est surtout du temps de travail au niveau des agents. Il y a le poste de coordination qui a été créé mais il est co-financé avec d’autres acteurs. Nous sommes, à peu près, sur dix milles euros par an. Nous souhaitons que le système s’équilibre par lui-même pour avoir un modèle économique pérenne. Nous allons donc voir pour intégrer le coût de la coordination dans les futurs loyers. Cela représente environ 5 euros par loyer pour pérenniser ce poste. Nous sommes sur de la location et non pas de l’achat. Un contrat cadre est négocié pour l’ensemble des services d’aides à domicile, ensuite le loueur contractualise avec l’employeur et chaque employeur met en place une charte d’utilisation du véhicule. L’idée était d’être le plus facilitant possible pour les employeurs

Quel impact avez-vous mesuré ? 

Les impacts sont multiples, il y a déjà un impact aux niveaux sociétal et environnemental. Il y a une vraie valeur ajoutée au niveau environnemental, au vu du fait que nous ayons remplacé des véhicules anciens par des véhicules hybrides. Il y a également un intérêt très important sur le pouvoir d’achat car les personnes font des économies sur le carburant. En moyenne, elles économisent deux litres par cent kilomètres. Mais elles font également des économies sur l’assurance (environ 20 euros par mois) avec des garanties supérieures. Par rapport à des salariés en location “grand public” l’économie est supérieure à 200 euros par mois par rapport au dispositif que nous avons pu leur proposer. 

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ? 

La problématique au niveau du marché automobile, nous avons eu des négociations avec des candidats qui se sont finalement retirés ou qui après quelques semaines nous ont proposés des loyers majorés. Donc, il y a eu une période d’incertitude sur le fait de réussir à lancer le dispositif. Nous avons eu aussi une réserve des salariés, comme quoi le dispositif paraissait “trop bien” pour qu’il n’y ait pas de mauvaise surprise derrière. Aujourd’hui les salariés sont satisfaits. 

Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui souhaiteraient se lancer ? 

Je pense que nous conseillons de travailler comme nous avons souhaité le faire. À une échelle partenariale importante, car pour pouvoir avoir des conditions préférentielles il y a un un besoin de volumétrie. Ainsi, la question de la mutualisation à une échelle départementale voire interdépartementale c’est quelque chose, à mon sens, de très important et de facilitant. C’est ce qui doit permettre de mettre en place ce type de dispositif.