Cette semaine de la lettre de l’impact positif vous propose un focus sur le Centre d’Innovations Sociales Clermont Auvergne (CISCA) basé à Clermont-Ferrand. Son objectif ? « Se positionner en tant qu’intermédiateurs pour faciliter la transformation sociale des acteurs du Puy-de-Dôme face aux enjeux climatiques et écologiques. » Pour y arriver, cette association fédère notamment un réseau de doctorants travaillant dans le cadre de leurs thèses au sein des collectivités territoriales et des acteurs locaux. Une bonne manière de réfléchir au rapprochement entre territoire et recherche.
Pour en parler, nous vous proposons une interview de Geoffrey Volat et Nicolas Duracka, respectivement directeur et responsable scientifique du Centre d’Innovations Sociales Clermont Auvergne (CISCA).
En introduction, découvrez notre reportage vidéo issu de la série réalisée avec nos amis de 1000 doctorants pour les territoires.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le CISCA ?
Le CISCA est une association créée dans le but de favoriser les échanges entre le monde
de la recherche, les acteurs socio-économiques et les collectivités locales. Nous sommes
des chercheurs spécialisés en information et communication, avec une approche centrée
sur la communication démocratique, ainsi que des géographes. Notre travail consiste à
être des acteurs intermédiaires et à faciliter les échanges pour favoriser le développement
local et territorial.
En quoi consiste votre travail avec les doctorants ?
Nous avons considéré que les doctorants pouvaient être les meilleurs agents de liaison
entre le monde de la recherche et les acteurs locaux. Nous avons donc lancé des thèses
Cifre dans le département du Puy-de-Dôme pour mettre les doctorants en dialogue avec
les différents territoires et les faire travailler sur des problématiques spécifiques. Les
doctorants sont des personnes hybrides, avec un pied dans la recherche et l’autre dans le
monde réel des collectivités locales et des acteurs socio-économiques. Nous souhaitons
ainsi favoriser l’échange et le partage de connaissances pour répondre aux besoins des
territoires.
En quoi la mise en dialogue entre les territoires est-elle importante ?
Lorsqu’un territoire ou une organisation accueille un doctorant, ce dernier travaille sur un
sujet de thèse et apporte des réponses opérationnelles qui s’appuient sur son travail de
recherche. Il soutient également sa thèse, ce qui lui permet soit de devenir maître de
conférence, soit d’intégrer l’organisation pour continuer à faire vivre l’ingénierie qu’il a
développée pendant sa thèse. Avec le programme « Transition et Résilience » que nous
proposons, nous souhaitons aller au-delà de l’intérêt organisationnel pour avoir un intérêt
plus territorial. Nous voulons que la thèse nourrisse les acteurs sur la problématique
particulière pour laquelle ils ont financé cette thèse, mais également que les doctorants
puissent nourrir les autres acteurs sur leurs propres problématiques pour que les
territoires puissent partager leurs connaissances. Le CISCA joue un rôle clé dans ce
partage de connaissances grâce à la modalité Cifre.
Le fil rouge de la transition est-il important pour vous ?
Nous parlons de « transitions » au pluriel, car il y a des enjeux de transition écologique, de
transition démocratique et de transition économique. Nous passons d’un système à bout
de souffle à un système qui respire mieux en diversifiant les pratiques. Nous sommes
convaincus que cette question des transitions est présente dans tous les sujets de thèse,
quelle que soit l’ancrage disciplinaire ou les thématiques.
Selon vous, est-il nécessaire de promouvoir le concept des thèses Cifre auprès des
collectivités locales ?
Oui, il y a besoin de pousser le concept des thèses Cifre, mais plus largement, il y a
besoin de pousser la culture de la recherche. Les doctorants Cifre sont des porte-
drapeaux pour penser la recherche différemment, notamment en co-construisant des
connaissances et en déconstruisant les présupposés sur la recherche surplombante. Les
doctorants sont à la fois dans l’opérationnalité et dans la recherche, ce qui est un enjeu
d’acculturation à ce que c’est que la recherche.
Quels sont les différents rôles du doctorant en Cifre ?
L’expression « acteurs hybrides » ne vient pas de moi, mais d’un élu en économie sociale et
solidaire de la métropole qui nous caractérise comme étant des acteurs hybrides. Nous
sommes en capacité de parler le langage des chercheurs dans les laboratoires, lors de
séminaires, et également de parler le langage des administrations publiques et des élus.
J’ai été moi même doctorant. Par exemple, en tant qu’agent, j’ai rédigé des notes de service et travaillé avec l’élu sur ses interventions en conseil métropolitain. Il est important de maîtriser ce vocabulaire, mais aussi celui des acteurs socio-économiques. Ma thèse était très liée à des études de cas d’acteurs de l’ESS. À un moment donné, il y a donc l’enjeu de réussir à parler leur langage et de faire ce travail de médiation entre ces différents langages. C’est un positionnement qui est très particulier. Il n’y a pas beaucoup d’équivalents en réalité. C’est pour cela que les thèses Cifre sont des outils précieux, car elles permettent de diffuser la méthode scientifique dans les organisations, ce qui est extrêmement intéressant.
Quel est le lien avec 1000 Doctorants ?
L’idée de départ était de chercher des partenaires pour nous aider à atteindre notre
ambition de développer le nombre de thèses CIFRE sur notre territoire, le Puy-de-Dôme.
En effectuant une veille, nous avons découvert que 1000 Doctorants avait déjà pour
objectif de démocratiser les thèses CIFRE auprès des collectivités locales. Nous avons
donc collaboré avec 1000 Doctorants et avons constaté deux avantages importants. Tout
d’abord, leur plateforme nous a permis d’avoir une connaissance plus exhaustive des
sujets, des doctorants et des territoires en recherche. Ensuite, leur rôle de médiation a été
très utile pour faciliter les échanges entre les doctorants de notre territoire, nous-mêmes et
l’ANRT qui instruit les dossiers.
Qu’est-ce que cela apporte à vos adhérents ?
Nous constatons un intérêt de la part de tous nos adhérents, qu’ils soient des acteurs
socio-économiques ou des collectivités locales, pour les questions de changement social.
Face aux crises climatiques, économiques et sociales, il est essentiel d’avoir des acteurs
locaux qui cherchent des solutions pour sortir de ces impasses. Nous avons identifié six
cas particuliers sur notre territoire qui posent cette question avec une approche de
recherche-action qui lie les problématiques des acteurs avec la recherche académique.
Les niveaux d’acculturation de nos adhérents varient, mais depuis le lancement de notre
programme « Transition et résilience », nous constatons des évolutions significatives dans la
demande des acteurs, la volonté de nos adhérents de travailler sur certains sujets et de
croiser les connaissances. Nous constatons une vraie progression globale vers la
recherche-action participative. En travaillant ensemble sur des projets, nous donnons
l’opportunité à nos adhérents d’apprendre et de dupliquer ce qui a été fait. Nous sommes
convaincus que cette acculturation se fera par la pratique commune, les expérimentations
collectives et la nécessité de les poursuivre.
Dans vos évènements, avec vos partenaires, qu’est-ce que la présence des
doctorants changent ?
Ils apportent plusieurs choses, notamment les connaissances qu’ils ont développées dans
leurs thèses. Nous sommes souvent à la deuxième année de leur thèse, ce qui signifie
qu’ils ont déjà effectué un travail théorique assez poussé et qu’ils ont acquis des éléments
importants. En outre, leur position de novice leur permet de poser des questions qui
peuvent être très pertinentes, même si elles ne sont pas directement liées à leur sujet de
recherche. Les doctorants apportent également des compétences méthodologiques, car
ils peuvent offrir des perspectives et des approches différentes de celles des acteurs
impliqués dans l’événement. Enfin, les doctorants ont une posture réflexive qui peut être
très utile pour encourager les acteurs à s’interroger sur leur propre pratique et leur propre
rôle dans le processus de recherche.
Quel rôle jouent les doctorants sur les projets liés à la transition ?
Les doctorants jouent un rôle crucial dans les projets liés à la transition, en aidant à créer
des espaces de délibération où les acteurs peuvent discuter, échanger des idées et co-
créer du sens. Ces espaces de délibération, appelés « espaces publics de proximité », sont
essentiels pour encourager la coopération et la collaboration entre les différents acteurs
impliqués dans le projet de transition. Les doctorants peuvent également contribuer à la
création d’une communauté de pratique en partageant leurs connaissances et en
encourageant les acteurs à partager les leurs. Enfin, les doctorants ont également un rôle
important à jouer en s’impliquant dans les tissus sociaux et sociétaux de la recherche, en
apprenant à échanger avec leurs pairs et en s’engageant dans des activités qui ont un
impact direct sur la société.
Son portrait est issu d’une série que nous allons vous présenter progressivement pendant l’année 2023. Territoires Audacieux et 1000 Doctorants pour les territoires se sont associés pour arpenter l’Hexagone à la rencontre de doctorants en thèse Cifre au sein de collectivités.
Retrouvez le premier épisode en cliquant ici :
Louise Michaud. Doctorante en Cifre au sein de la ville de Saint-Cyr-en-Val (45), elle est architecte de formation. En plus de son travail de recherche, Louise occupe un poste de chargée de mission au quotidien. Objectif : coordonner la réhabilitation d’un quartier lié à l’école de la ville pour enrichir sa thèse. Le titre complet de sa thèse : « Penser l’évolution du patrimoine des écoles et leur rénovation énergétique par les usages ». Elle s’intéresse plus spécifiquement au cas des petites villes, dans le cadre d’une expérimentation à Saint-Cyr-en-Val. Nous vous proposons de découvrir son travail et sa recherche.