Maremne-Adour-Côte-Sud (40) : l’intercommunalité impulse une dynamique auprès des communes et des citoyens pour devenir territoire à énergie positive

La lettre de l’impact positif vous propose cette semaine un focus sur une initiative de la Communauté de communes de Maremne-Adour-Côte-Sud (MACS). Conscients de l’importance d’agir concrètement en faveur de la transition écologique, les élus ont mis en place une politique énergétique ambitieuse. Objectif : diminuer de moitié sa consommation énergétique et produire plus d’énergie renouvelable afin d’être un territoire à énergie positive en 2050. Sur le volet de la sobriété, l’intercommunalité travaille notamment sur son patrimoine, celui des communes et avec les citoyens. Elle a notamment recruté un économe de flux, réalisé une thermographie du territoire et un cadastre solaire. 

Pour en parler nous vous proposons l’interview croisée de Pierre Froustey, le Président de la Communauté de communes de Maremne-Adour-Côte-Sud (MACS) ainsi que de Guillaume Baudoin, le directeur général des services de l’intercommunalité. 

En introduction, nous vous proposons ce reportage vidéo, réalisé et diffusé à l’occasion de la convention 2022 d’Intercommunalités de France. 

Pourquoi avez-vous décidé d’agir dans le domaine de l’énergie ? 

Pierre Froustey La Communauté de communes de Maremne-Adour-Côte-Sud (MACS) est engagée depuis 2012 sur une démarche liée aux territoires à énergie positive. Nous sommes partis d’un double constat. Le premier, fait par l’ensemble des communes, c’est que le territoire doit s’engager volontairement dans une démarche vertueuse en termes d’écologie. Le second c’est qu’il faut une prise de conscience de la nécessité absolue pour notre territoire national de véritablement agir pour l’environnement et le climat.

Cette prise de conscience, comment est-elle arrivée jusqu’à vous aujourd’hui ? 

Elle est arrivée en écoutant un certain nombre d’intervenants extérieurs. Je pense par exemple à Gilles Boeuf que nous avons découvert dans le cadre du programme Neo Terra de la Région Nouvelle-Aquitaine. Ils sont venus nous apporter des éléments très concrets, très factuels de cette nécessité absolue de s’engager dans la transition énergétique. Il y a eu une prise de conscience collective. Nous avons un territoire très attractif, très agréable à vivre, et nous ne voudrions pas que ce territoire soit dénaturé. Que ce soit par des éléments extérieurs ou nos pratiques. 

En quoi consiste votre projet de territoire à énergie positive ?

Guillaume Baudoin C’est un projet territorial. L’ensemble de la stratégie territoriale est articulée autour d’une volonté d’économiser de l’énergie et de pouvoir ainsi avoir un impact positif sur l’environnement. Nous avons interrogé nos habitants sur l’écologie. Le questionnaire montre la forte volonté des citoyens du territoire de trouver un équilibre entre l’aménagement et la protection de l’environnement, ainsi que les enjeux énergétiques. L’actualité et les événements de cet été et l’augmentation des matières premières montre l’acuité de ces questions là. Nous nous appuyons depuis 2015 sur un diagnostic. Il a été réalisé à propos de la consommation globale du territoire, l’identification des gisements et enfin les mesures concrètes que l’on pourrait mettre en place. Nous aspirons à réduire la consommation du territoire et notamment l’impact carbone sur le territoire.

Quels ont été les axes de réflexion ?

Dans un premier temps, il faut que nous, en tant qu’administration, soyons particulièrement vertueux. Pour cela nous effectuons un diagnostic sur l’ensemble de nos bâtiments publics pour peut-être se pencher sur des mesures de rénovations thermiques des bâtiments, d’économies d’énergie, d’incitation à l’utilisation des transports publics, d’installation de panneaux photovoltaïques. Avec les citoyens nous avons de plus en plus la conviction que les solutions vont venir des territoires.  Nous ne pouvons pas attendre seulement une réglementation ou des préconisations de l’Etat, il est nécessaire que les territoires se saisissent de ces questions là. 

Quels sont vos objectifs à moyen et à long terme ?

Pierre Froustey Alors nous nous sommes fixés un objectif à 2050 : diviser par deux notre consommation énergétique. Celle-ci devra être à 100 % produite en tant qu’énergie renouvelable. C’est l’engagement que nous avons pris dans le cadre du programme TEPOS. Peut-être que nous serons obligés d’accélérer le mouvement, même si c’est déjà très ambitieux. Aujourd’hui, nous nous apercevons que nous n’arrivons pas complètement à atteindre nos objectifs. 

Le projet est ambitieux, comment réussir à le concrétiser ?

Pierre Froustey Notre projet est d’actualité. La flambée des prix de l’énergie, nous montre bien la nécessité de ce dispositif au fur et à mesure des années. Nous avons donc non seulement l’espoir mais surtout la volonté qu’il se concrétise. Nous avons mis en place des mesures complémentaires. Par exemple, le recrutement d’un économe de flux. Il vient aider les communes en réalisant un diagnostic. Il avance également des préconisations pour que leurs bâtiments soient plus économes et vertueux en termes de consommation d’énergie. Nous avons également recruté un responsable de l’environnement. Il aura pour objectif d’inscrire cette démarche sur l’énergie dans le cadre de politique plus globale autour de l’environnement.  

Quelle(s) mission(s) aura ce responsable de l’environnement ? 

Il aura plusieurs missions. La première, c’est de développer la production d’énergie renouvelable tout en travaillant sur les économies possibles. Et la seconde correspond à notre volet « biodiversité ». Nous devons préserver notre biodiversité et produire moins de gaz à effet de serre.

Quels sont les trois axes de travail pour atteindre votre objectif au niveau de l’énergie ? 

Nous avons trois périmètres d’intervention. Le patrimoine de la Communauté de communes, celui des communes et l’échelle individuelle. Pour le premier nous agissons dès que possible. Le nouveau siège de MACS est par exemple un bâtiment à énergie positive. Pour les communes, en plus de l’économe de flux, nous avons créé un fond d’investissement local doté de 3,5 millions d’euros. Sur ce mandat, il doit permettre aux communes de moins et mais surtout mieux consommer tout en produisant produisant de l’énergie renouvelable.

Enfin pour les particuliers, nous avons un dispositif, Réno-Macs, qui permet d’avoir un diagnostic gratuit de votre maison. Le but est de savoir ce que vous pouvez faire pour maximiser les économies d’énergie. Nous aidons à chiffre les travaux et à flécher les subventions existantes. 

Sur ce dernier point, comment avez- vous travaillé en amont ?

 Nous avons réalisé un double travail. En premier lieu, une thermographie. Nous avons repéré les bâtiments qui étaient des passoires énergétiques. Nous avons mis ces documents à la disposition du public. Chacun peut venir voir grâce à MACS si son habitation a besoin de travaux. Puis nous avons mis en place un cadastre solaire. Il permet à chacun de connaître la capacité de production d’énergies renouvelables sur sa toiture ou son terrain.

Est-ce important de travailler sur ces trois axes ? 

C’est capital ! Si nous voulons une action efficace, il faut qu’elle soit généralisée. Si nous ne faisons que des petits bouts d’action, nous passerons à côté d’une véritable action territoriale.

Comment aidez-vous les collectivités à mettre en place ce changement ?

Guillaume Baudoin Nous avons déjà observé une prise de conscience de la part des habitants du territoire. Les incendies qui se sont déroulés cet été ont montré combien la sécheresse et le changement climatique étaient maintenant tangibles. Ainsi, nous avons remarqué une prise de conscience assez forte. Les habitants commencent même à se mobiliser. Cependant, il est vrai que les habitants ont besoin d’expertise, d’accompagnement et sans doute d’une incitation. On a alors voulu concevoir la création d’un diagnostic au sein des habitations des particuliers afin d’identifier les points d’amélioration et les leviers d’économie possibles, avec des préconisations techniques. Ensuite, nous les avons aidés à monter leur dossier auprès des différents organismes afin d’être pris en charge et d’être subventionnés. Nous avons aussi mis en place une labellisation des artisans afin de sécuriser les habitants.  

Comment ces règles sont-elles gérées en interne et comment participer à ces changements ? 

Il se trouve que MACS est une intercommunalité assez jeune. Nous avons 20 ans. Nous avons un collectif de direction qui a une moyenne d’âge de 40-45 ans, avec des personnes sensibilisées à ces questions. Nous avons une logique de projet très transversale qui permet à l’ensemble du collectif de direction de donner du sens et de se mobiliser sur ces mêmes questions. On a effectivement dans nos démarches de recrutement une sensibilité particulière sur ce fonctionnement, l’intégration dans l’équipe et cette articulation entre une logique de développement et une logique de sobriété de préservation de l’environnement.

Comment l’intercommunalité agit-elle pour prendre sa part à ces transformations ? 

Tout d’abord, nous devons être particulièrement exemplaires sur notre propre patrimoine. Un travail d’inventaire a été réalisé par exemple sur les zones d’activité. Nous gérons l’éclairage public. Nous avons donc décidé d’éteindre soit à 22h soit à minuit nos 35 zones d’activités. Nous le faisons en prenons en compte les enjeux de sécurité. Nous sommes aussi au côté des entreprises via notre SEM, MACS Énergie, afin de travailler avec les entreprises privés pour installer des panneaux solaires. Nous les accompagnons dans les démarches et les montages des dossiers. Deux réalisations importantes ont par exemple été réalisées sur le territoire avec Béton de Josse et Labeyrie. 12 000 m2 de panneaux photovoltaïques ont été installés sur cette dernière entreprise.

Comment travaillez-vous autour de la production d’énergie ? 

Nous menons deux types de collaboration via notre Société d’Économie Mixte, la SEM Macs Énergies. Nous travaillons avec des opérateurs privés de l’énergie pour monter des projets de taille conséquente. Et nous travaillons avec des sociétés citoyennes. Ce sont des projets plus modestes mais qui, répartis sur des territoires mutualisés, peuvent aussi contribuer à notre production d’énergie renouvelable.

Est-ce payant politiquement d’avoir une politique écologique énergétique ambitieuse ?

Pierre Froustey Je ne sais pas si c’est payant électoralement. Mais c’est une volonté politique forte. Nous avons été élus pour répondre aux besoins des habitants mais aussi pour être visionnaires. Il faut penser à l’avenir de notre territoire pour nos enfants et petits-enfants. Ce qui me semble important, et c’est ce que j’ai défendu au niveau de la Région, c’est que les initiatives doivent venir du territoire.  C’est là où il y a ressources humaines où il y a des initiatives et que ce soit le département, la région ou l’État, ils doivent accompagner Nos stratégies territoriales, et pas l’inverse, je crois que c’est dans cette perspective et dans cette stratégie que l’on arrivera à faire en sorte qu’au plan national, nous arrivons à réduire notre consommation et à produire renouvelable..

À quelles difficultés êtes-vous confrontés aujourd’hui ?

Mener une politique de sobriété n’est jamais facile. Pourtant nous avons mis beaucoup de moyens aussi bien pour notre patrimoine que celui des communes. Je crois qu’il est très important de prendre le temps de sensibiliser et d’aider les communes. Leurs bâtiments doivent être plus vertueux et produire de l’énergie renouvelable. Nous avons également eu une difficulté liée à la loi Littoral. Au niveau de l’aménagement du territoire, par exemple, nous n’avons pas pu construire des centrales photovoltaïques à proximité, trop immédiate du littoral.

Quelles difficultés avez-vous remarqué de votre côté Guillaume Baudoin ?

Guillaume Baudoin Je vois deux difficultés : la conscientisation des enjeux, parfois nous aimerions que les choses aillent plus vite, et les difficultés financières. La rénovation thermique coûte un certain prix). Aujourd’hui, avec le renchérissement des coûts de l’énergie, nous pensons que les taux de retour sur investissement vont devenir plus courts et naturellement l’incitation à ces investissements deviendront plus attractifs. Il y a aussi, la loi Littorale. L’installation des panneaux photovoltaïques est considérée comme de l’imperméabilisation et donc sur certains secteurs en forêt ou en zone littorale nous avons des interdictions d’imperméabilisation. Nous sommes un territoire extrêmement attractif. Il y a toujours cette balance entre l’aménagement et la préservation du territoire. Nous avons beaucoup de demandes de logement. Si nous imperméabilisons pour du photovoltaïque c’est de l’espace que nous ne consacrerons pas au logement. Il y a une balance à faire.

C’est crucial d’aider les particuliers à être actifs à cette échelle là aussi et pas que à grande échelle n’est-ce pas ?

C’est d’autant plus crucial car nous sommes un territoire extrêmement touristique. Il y a beaucoup de résidences secondaires. Elles ont été conçues sans chauffage et sans isolation. C’était un problème qui n’était pas considéré car les gens venaient essentiellement en été. Cela devient sensible aujourd’hui. Quand ils chauffaient, les coûts d’énergies leur permettaient de ne pas se préoccuper de cette question. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de résidences secondaires qui mutent en résidences principales. L’énergie coûte plus cher. La réalisation d’investissement devient alors plus intéressante. C’est pourquoi, accompagner les particuliers dans leur processus de réflexion et ainsi que la préconisation technique avec le financement de leurs travaux, cela me paraît fondamental pour arriver aux objectifs  fixés pour 2050.

Pourriez-vous nous donner quelques chiffres, par exemple, la consommation énergétique en 2015 et celle que vous ambitionnez en 2050 ?

Nous étions à 1400 GW sur l’ensemble du territoire en 2015 et l’objectif c’est de diviser par 2 ce taux en 2050 et donc de passer à 700 GW. En 2015, nous étions à peu près à 60 000 habitants. Nous sommes aujourd’hui proche des 75 000 habitants.  Avec l’attractivité et la croissance du territoire, nous serons sûrement en 2050 autour de 100 000 habitants. Nous souhaitons donc diviser notre consommation par 2 mais en le rapportant au nombre d’habitants. C’est un projet très ambitieux et je dois dire qu’il a également, au sein de mes équipes, beaucoup de sens. Quand nous créons un projet que ce soit au niveau de la voirie ou de l’aménagement nous suivons une logique de transition écologique. Par exemple, au moment de planter un arbre, nous nous intéressons à l’espèce pour vérifier qu’elle est bien adaptée.

Cet axe lié à la transition écologique peut-il être un argument lors de vos recrutements ? 

Les nouvelles générations sont en quête de sens. Quand un jeune décide de travailler en collectivité, il peut réellement trouver un sens à son métier. Au moment du recrutement, si nous ne montrons pas que nous sommes une structure engagée, avec des valeurs fortes, qui s’incarnent dans des actions concrètes, il serait très difficile de les recruter puis de les fidéliser.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne

Avec Lenny Armellin