Mouans-Sartoux (06) : 15 ans de transformation pour devenir pionnière de l’alimentation collective

Cette semaine, la lettre de l’impact positif s’intéresse à la ville de Mouans-Sartoux. Entre 2008 et 2012, elle a transformé sa restauration collective. Elle fut pionnière en créant une régie municipale qui alimente les 3 écoles de la ville et sert 1200 repas par jour. Aujourd’hui, les légumes proposés aux enfants sont 100% bio, le poids des poubelles des cantines a été réduit de 80%, 50% des repas servis sont végétariens et 87% des familles ont fait évoluer leurs pratiques alimentaires grâce aux retours de leurs enfants. 

Pour ce faire, des changements importants ont eu lieu dans les pratiques des agents, du maraîchage aux cuisines en passant par l’animation. Pour comprendre l’impact de cette politique alimentaire sur le territoire, nous nous sommes rendus dans les Alpes-Maritimes pour rencontrer les différents acteurs qui ont permis d’atteindre ces résultats. Un reportage réalisé dans le cadre du MOOC “Les impacts de la transition écologique sur les territoires” du CNFPT.

Pour aller plus loin, retrouvez notre interview de Gilles Pérole, adjoint au maire chargé de l’enfance, de l’éducation et de l’alimentation.

La régie municipale agricole a créé un nouveau métier, celui de maraîcher municipal. 

Oui. D’ailleurs, il n’y a pas de cadre d’emploi de maraîcher dans la fonction publique. Pourtant, nous avons deux des trois personnes qui travaillent sur la régie municipale agricole qui sont titulaires de la fonction publique dans la filière technique avec une fiche de poste de maraîcher ou d’ouvrier agricole. Aujourd’hui, plus de 80 régies municipales existent en France, ce sont des métiers qui se sont développés. 

Comment cette régie a fait évoluer les autres métiers en lien avec l’alimentation ? 

Ça ne s’est pas fait brutalement, mais au fil du déroulement du projet, marche après marche. Concernant les personnels de cuisine, la plus grosse modification a été l’adaptation au rythme de livraison et de maturité des légumes. On ne décide plus plusieurs semaines à l’avance quel légume sera au menu. Nous nous adaptons quelques jours avant à la réalité de ce qu’est une récolte, en fonction de la saison, des températures, de l’hygrométrie, etc. À chaque fin de semaine, les chefs cuisiniers savent quelles recettes ils pourront faire. Ça demande beaucoup de souplesse. C’est le maraîcher qui donne le tempo plus que les cuisiniers, qui font une cuisine de marché en fonction de ce qui est à leur disposition.

Qu’est-ce que cela a modifié dans le traitement des légumes sur place ? 

Nous avions déjà une légumerie. Le changement est plutôt sur la diversité des légumes. Le fait de produire nous mêmes nos légumes offre une grande diversité à nos équipes de cuisine et donc une adaptation des recettes. Car en travaillant avec la saisonnalité, lorsque vient l’hiver, il faut arriver à faire des recettes assez appétissantes pour faire manger des blettes, des épinards, des choux, des poireaux, etc. Tous ces légumes sont caricaturés dans les cantines. Les enfants aiment les légumes pour peu qu’il y ait un accompagnement éducatif et que ces légumes soient bons et bien cuisinés. C’est tout l’enjeu des équipes de cuisine. Elles acceptent de travailler tous les légumes, même les haricots verts, que nous équeutons maintenant. C’est un travail important mais derrière, il y a une fierté et un plaisir de travailler des produits de qualité.

Un autre axe, c’est aussi le fait de cuisiner de plus en plus de produits bruts. Nous n’avons plus du tout de pâtisserie salée ou sucrée industrielle. Quand il y a une pizza au menu, les agents font la pâte, la sauce tomate, mettent la garniture, etc. Ils retrouvent le vrai sens de leur métier. Ils ne déballent pas des boîtes qu’ils mettent à réchauffer, ils cuisinent. Et en général, ils apprécient même s’ils reconnaissent que c’est plus de travail. 

Vous conservez aussi les légumes de saison en saison …

Oui cela demande une nouvelle tâche à accomplir : la surgélation des légumes. Car la régie municipale agricole a un pic de production l’été qui n’est pas le pic de consommation puisque il n’y a plus que le centre de loisirs, donc il y a moins de repas. Donc nous surgelons une partie de la production l’été qui viendra compléter notre autonomie en fin d’hiver. 

Vous proposez 50% de repas végétariens ?

Nous avons commencé par un repas par semaine en 2017, deux par semaine en 2019 et maintenant on est à 50% de repas végétariens. C’est une approche qui n’était pas du tout maîtrisée. Ni par les équipes de cadres, ni les agents de terrain, ni les élus. Ç’a été une manière de répondre aux enjeux de santé et d’environnement. Nous avons mis en place un certain nombre de formations pour apprendre des recettes entièrement végétales ou avec des œufs. Puisque quand on fait 50% de repas végétariens, on sert plus souvent des œufs et on ne peut pas servir que des omelettes ou des œufs durs. L’idée, c’est qu’il y ait de la variété dans les menus. 

Comment les équipes se sont-elles formées ?

Nous étions précurseurs donc il n’y avait pas l’offre adaptée au CNFPT. Nous avons fait appel à un formateur, Gilles Daveau, spécialiste de la cuisine végétarienne et qui connaît la restauration collective. Il a fallu deux sessions de formation pour que nos équipes se sentent en capacité de servir ce repas. Lors de la deuxième formation, il a assisté un service complet dans la plus grande cuisine qui fait à peu près 500 repas pour sécuriser les équipes.

Il y avait une certaine appréhension du changement, ce qui est légitime. Aujourd’hui, ils ont complètement intégré cette approche et ça se passe bien. 

Quels sont les enjeux à appréhender au niveau du personnel pour réussir ces transformations ?

Il y en a deux : la formation et l’explication des enjeux du projet. Qu’est-ce qui a amené les élus à faire ce choix de politique alimentaire ? Les enjeux de santé, le respect de la planète, l’environnement… Il faut intégrer l’équipe des agents dans la réflexion des modifications des pratiques quotidiennes qu’ils peuvent avoir. L’idée c’est qu’ils soient partie prenante du projet. Au début, on l’avait un peu oublié et on l’a vite réintégré parce qu’on a vu que c’était un enjeu majeur. Ils sont souvent source de propositions.

Par exemple, sur la diminution du gaspillage alimentaire, les retours de terrain ont été importants. Pour offrir différentes portions aux enfants, ils ont eu l’idée de mettre en place deux assiettes, une petite et une grande, qui servaient à dialoguer avec les enfants pour connaître la quantité désirée.

Vous avez aussi diminué de 80% le poids de vos poubelles… 

La diminution du gaspillage alimentaire fut un travail important. Les chefs de cuisine pèsent tous les jours ce qui n’a pas été mangé (le retour assiette et le non servi). Au fur et à mesure, on a réussi à analyser ces pesées et créer des références de quantité à cuisiner pour les enfants de Mouans-Sartoux par recette. Nous n’utilisons plus les grammages recommandés, ils génèrent un tiers de gaspillage alimentaire.

C’est un travail assez pragmatique qui a amené un grand nombre de changements. Par exemple, maintenant nous cuisinons à la minute. C’est-à-dire que les plats qui s’y prêtent (les omelettes, les poissons qui cuisent vite, les pâtes, les frites, etc) sont cuisinés tout au long du service. On sort les aliments des chambres froides au fur et à mesure. Les cuisines arrivent ainsi à ajuster tout au long du repas la quantité cuisinée. 

C’est un vrai enjeu d’économie…

Oui, puisque c’est par la diminution du gaspillage alimentaire que nous avons financé le 100% bio dans nos cantines. C’est le changement de pratique des agents qui permet de le réussir. 

Comment les habitants se sont emparés de cette politique alimentaire ? 

Cela fait 15 ans maintenant. Nous avons constaté, en évaluant l’impact de notre projet, que les familles ont intégré la transition de la cantine. 87% des familles disent qu’elles ont changé leur pratique alimentaire à partir de ce que les enfants leur racontaient de la cantine. Quand je dis changer les pratiques alimentaires, c’est aussi bien intégrer les repères du plan national nutrition santé (moins de sel, moins de sucre, moins de graisse, plus de légumes) que cuisiner davantage ou manger plus de produits bio, de saison, faire attention au gaspillage, etc. L’ensemble des changements mis en place à la cantine ont infusé sur les pratiques des familles. Je pense que nous sommes en phase avec la population actuellement sur les enjeux alimentaires. 

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