Kreiz-Breizh (22) : un transport à la demande pour amener les jeunes aux activités culturelles

La culture est un levier d’attractivité pour les territoires, y compris ruraux. La Communauté de communes du Kreiz-Breizh y travaille avec une politique menée avec les acteurs associatifs de son territoire. Elle joue un rôle de facilitatrice en proposant par exemple un service de transport à la demande à 50 centimes pour les jeunes du territoire souhaitant rejoindre leur activité. Le territoire a également été choisi pour accueillir le premier programme DEMOS (avec la philharmonie de Paris) en milieu rural. 

Sandral Le Nouvel, président de la Communauté de communes du Kreiz-Breizh a répondu à nos questions lors de la Convention d’Intercommunalités de France à Bordeaux le 06 octobre.

Sur votre territoire, comment vous saisissez-vous de la thématique culture ?

Il y a une vingtaine d’années, la question culturelle s’est posée. Les équipes politiques se sont saisies dans un premier temps d’actions autour de l’éducation artistique et culturelle. Puis il y a eu progressivement une prise de conscience collective sur le théâtre et sur la danse. Avec une particularité qui consiste à travailler avec les acteurs du territoire. Notre école de musique par exemple est associative. Nous l’accompagnons financièrement mais aussi à travers une convention d’objectifs et de moyens. Nous misons beaucoup sur les forces associatives du territoire. Le choix est non pas de faire nous mêmes les choses mais plutôt d’être facilitateur et accompagnateur dans la mise en réseau et la diffusion des événements.

La culture n’est pas la compétence la plus souvent mise en avant pour les intercommunalités. Est-ce important pour vous ?

La notion de culture est extrêmement large. Il y a les politiques de diffusions, c’est une compétence que la Communauté de communes n’a pas et qu’elle a laissé aux acteurs du territoire. On a la compétence d’apprentissage, d’éducation artistique et culturelle. En Bretagne, nous avons une langue régionale donc il y a aussi la diversité des langues à prendre en compte. Il y a aussi tout ce qui concerne la lecture publique où je crois que nous avons mieux à faire encore.

Comment jouer ce rôle d’intercommunalité facilitatrice ?

Nous n’avons pas de programmation artistique. Beaucoup d’intercommunalités décident de la programmation et de la feuille de route culturelle. Elles considèrent faire de la culture dans le territoire via ce prisme. Nous faisons le pari inverse en ne décrétant pas la programmation culturelle de notre territoire. Nous faisons confiance aux acteurs culturels de notre territoire qui nous font des propositions et nous sollicitent pour un accompagnement technique, financier ou autre. On n’émet pas de jugement sur l’esthétique des événements, on accompagne l’ensemble des initiatives de la plus petite initiative culturelle jusqu à l’accompagnement de structures culturelles qui organisent des festivals.

Est-ce que cela permet aux habitants et aux acteurs de mieux comprendre qui vous êtes ? 


Je ne crois pas car cela permet à notre action d’être plus transparente. Nous sommes dans l’accompagnement et dans la facilitation des choses. Un événement estampillé « Communauté de communes » ne nous intéresse pas. Cela n’a pas vraiment d’importance à nos yeux. Ce qui compte, c’est la diversité des publics et de la programmation avec une pluralité pour la population locale, mais aussi les touristes. Aujourd’hui, nous pouvons revendiquer une forme d’attractivité selon les familles et les salariés qui s’installent chez nous.

La culture au service de l’attractivité du territoire ?

Oui bien sûr. Aussi, parce que le prisme culturel n’est pas unique. Nous avons une politique en faveur de la mobilité avec un transport souple à la demande qui favorise l’accès aux lieux de diffusion et d’apprentissage artistique. Quand on lève le verrou de la mobilité avec une politique tarifaire incitative, on observe la levée de certains freins sur l’accès à l’apprentissage artistique et culturel.

Comment fonctionne ce système de transport à la demande ?

L’intercommunalité a un système de transport à la demande depuis 2006. Nous conventionnons avec les sociétés de taxis du territoire. Il suffit d’appeler la veille une centrale de réservation et réserver un transport à la demande qui, depuis votre domicile, vous amène sur un point du territoire. Ce dispositif pour les -16 ans coûte 50 centimes. Pour 50 centimes, les enfants du territoire peuvent aller de façon autonome à leurs activités. Ce qui ne contraint pas les familles à choisir entre le temps de travail et les activités des enfants. Les enfants qui partent de ce territoire ne pourront donc pas se dire qu’ils n’ont pas pu aller à leur cours de théâtre ou au cinéma à cause d’un problème de mobilité.

Quels sont les retours que vous pouvez avoir ?

Il y a une très forte utilisation de ce service. C’est un investissement : autour de 250.000 euros par an. Mais c’est un enjeu important pour nous. L’ensemble des acteurs qui ont des initiatives et qui proposent des animations dans le territoire se sentent rassurés, car la population va pouvoir venir grâce à ce service. Mais aussi car c’est de l’argent qui est réinvesti dans l’économie locale, car nous conventionnons avec des sociétés de taxis du territoire et cela participe à un écosystème plutôt positif.

Cela crée une dynamique autour de la culture sur le territoire ?

Nous sommes identifiés. Nous nous démarquons. La fréquentation de notre école de musique est celle d’un conservatoire d’une grande ville. Ça dit des choses sur le dynamisme des gens pour pratiquer l’artistique et le culturel. On a aussi un modèle qui est assis sur l’accompagnement des acteurs. Ça en a fait une curiosité de territoire mais nous passons quand même par des conventions d’objectifs et de moyens. Quand on fait ses preuves, on est regardés. Depuis 4 ans, la Cité de la Musique, la Philharmonie de Paris a fait le choix de notre territoire pour un programme Démos Rural. Jusqu’ici, ce programme n’avait été développé que sur les zones situées en zone « politique de la ville ». On entame cette année une deuxième cohorte avec les enfants du territoire. Ils sont partie prenante avec un orchestre de la philharmonie de Paris.

C’était une initiative inattendue pour votre territoire ?

Nous n’imaginions pas que des grands programmes nationaux viendraient être plaqués sur notre territoire. Nous sommes 18.000 habitants pour 23 communes au centre de la Bretagne. Nous n’avons pas les mêmes projets culturels qu’une métropole. Ce n’est pas pire ou mieux, mais c’est différent. La population porte en elle des identités et des cultures diversifiées. Je pense que tous ces foisonnements apportent différents partenaires plus académiques et plus institutionnels.

L’intercommunalité, est-elle la bonne échelle pour ce type d’initiative ?

La bonne échelle pour l’éducation artistique et culturelle, oui. 18.000 habitants ça veut quand même dire qu’on voit nos frontières. J’aime bien dire que si je me mets sur la pointe des pieds, je vois toutes les frontières de notre territoire. On peut donc vraiment être sur une synergie de mise en réseau des acteurs du territoire assez simple, car on identifie tout le monde. On est sur une place de vie commune qui fait que l’on se croise facilement.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne