
Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous fait découvrir une initiative du Vertou (44). Souhaitant favoriser la participation, la commune a mis en place deux budgets participatifs. L’un, classique, pour les citoyens, qui a permis de faire remonter 104 propositions dont 21 ont été retenues. Et un autre, plus original à l’échelle des collectivités, pour les agents de la mairie. Objectif : valoriser les idées, favoriser les expérimentations et permettre à chacun de s’exprimer. Ce dernier a été récompensé par le Prix Territoria en 2022.
Nous vous proposons une interview croisée de Christine Leclercq , chargée de mission Proximité et participation citoyenne et Laura Domené, chargée de communication et des relations internes de la ville de Vertou pour détailler cette initiative.
Pourquoi avoir travaillé autour du budget participatif ?
L’idée de base était d’offrir aux habitants de Vertou une nouvelle opportunité de prendre part à la vie locale. La formule du budget participatif était intéressante car elle laissait quand même un champ relativement ouvert. Les contraintes dans les propositions sont liées au montant défini et aux compétences de la ville. Ensuite, il était nécessaire de répondre au cadre législatif. Cela laisse beaucoup d’opportunités et ça permet notamment d’accueillir des idées auxquelles on n’aurait pas forcément pensé. Une belle émulation s’est créée avec 104 propositions de projets. 21 projets ont été retenus car ils entraient dans le cadre fixé. Ces derniers ont été soumis au vote, nous sommes donc en train d’en réaliser cinq.
Sur quel point précis vos idées initiales convergent avec vos résultats ?
Un des projets qui n’aurait jamais vu le jour, est celui de la création d’un tiers-lieu, d’une guinguette mobile. C’est la fabrication d’une structure roulante et mobile réalisée par une entreprise et conçue par les habitants. Elle sera ensuite complètement gérée par les habitants. C’est un point d’ancrage afin de dynamiser la vie d’un quartier. On a beau faire tout ce que l’on veut de nos savoirs et de nos savoir-faire, on ne pourra pas arriver à de telles dynamiques.
Ensuite, on a des projets un peu plus classiques tel qu’un projet d’aménagement d’une cour d’école. L’objectif de ce projet consiste à favoriser la mixité et l’inclusion. Il vise en quelque sorte à mettre un point d’arrêt à la prédominance du ballon au milieu de la cour. C’est un projet porté par un collectif de parents d’élèves. Nous avons ensuite un projet de forêt urbaine et de jardins partagés au sein d’un quartier.Puis, dans l’air du temps, nous avons des projets d’aménagements sportifs de proximité. Ce sont finalement des idées et des projets très différents les uns des autres.
Est-ce un moyen pour les habitants de se rendre compte de ce qu’ils peuvent réaliser par eux-mêmes pour la commune ?
Absolument, d’autant qu’en plus nous déroulons le budget participatif après le vote. Donc, après que les gens se sont exprimés, on déroule le projet. Nous avons fait le choix de continuer la concertation durant la conduite des projets, tout en favorisant la création de petits collectifs. Le porteur de projet fait partie de ce collectif, en donnant une dimension collective à chaque projet. C’est ainsi, que nous avons des projets comme la guinguette ambulante par exemple.
Il y a d’autres projets où nous allons chercher des gens pouvant constituer un petit collectif afin de croiser les regards et d’apprendre à travailler ensemble. À la fois entre habitants, mais aussi entre habitants et services municipaux. Cela permet à tout le monde de vraiment comprendre que l’on avance tous ensemble.
En d’autres termes, l’idée n’est pas qu’un projet bénéficie à son porteur mais bien à l’intérêt commun ?
Exactement. Nous travaillons actuellement sur la prochaine version du budget participatif et nous réfléchissons à la manière de dépasser la dimension individuelle d’un budget participatif. L’idée serait qu’un porteur de projet dépasse le simple fait de déposer son idée puis d’attendre le vote. Nous aimerions que ce soit l’occasion pour les gens de se rencontrer, de confronter leurs idées à d’autres et de construire ensemble des idées qui ont un réel sens pour l’intérêt général.
Comment jaugez-vous l’envie qu’ont les citoyens de participer à ce processus de discussion et de débat ? Est-ce d’ailleurs une des conditions évoquées avec le porteur de projet durant le lancement du projet en question ?
Nous essayons de construire un écosystème participatif. On ne peut pas tout demander au citoyen et il ne pourra pas tout faire seul. Nous essayons d’évaluer la possibilité de mettre à disposition des habitants différentes portes d’entrées pour que chacun puisse trouver celle qui lui conviendra le mieux. Nos enveloppes de 30 000 euros par projets résonnent comme de petits appels à projets. Il est nécessaire d’avoir une idée construite, qui réponde aux questions initiales : « Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? »
Cela ne peut pas être qu’une simple envie. Il s’agit de 30 000 euros d’argent public. À côté du budget participatif, nous réfléchissons à un système de boîte à idées où les exigences seraient différentes. Celles-ci pourraient être des intuitions volantes à partager.
Cette démarche d’appel à projets citoyens est donc l’une des portes d’entrée à l’écosystème participatif. Quelles sont les autres portes d’entrée?
Une autre porte d’entrée fonctionne très bien et s’adresse à tous les acteurs éducatifs du territoires : elle s’appelle “Grandir Ensemble”. L’idée est installée depuis plusieurs années et fonctionne très bien à Vertou. Par exemple, les différentes parties prenantes qui travaillent ou qui agissent sur l’éducation des enfants – éducateurs et parents y compris – se retrouvent pour définir des objectifs partagés et déclinent ensuite un plan d’actions. Au niveau des associations, nous avons fortement axé sur la notion d’engagement des jeunes, des bénévoles. Cela pousse à réfléchir à la place des jeunes dans les comités exécutifs des associations. Comment les accompagner ? La forme de junior association peut être une réponse par exemple. Le contexte actuel fait que nous voyons moins d’associations « traditionnelles » qu’auparavant. On recense davantage d’associations un peu plus militantes et citoyennes. Ces personnes souhaitent agir localement autour de questions telles que la transition écologique par exemple. Cela nous oblige à repenser la relation de l’institution avec ces associations : l’accompagnement, la construction, les négociations, etc.
Entre le budget participatif des citoyens et celui des agents, lequel avez-vous mis en place en premier sur le territoire ? Et lequel venu compléter l’autre ?
La commande politique était d’avoir un budget participatif sur Vertou. Il a ensuite fallu décrypter le pourquoi. Puis, c’est au niveau des services et de la direction des services que l’idée a été émise : « si nous le faisons au niveau citoyen pourquoi ne pas faire de même en interne ? » À partir de là, les deux budgets se sont organisés en parallèle. Je pense que le budget participatif citoyen a donné une dynamique au budget participatif des agents. En revanche, cela a ajouté une charge de travail compliquée à gérer pour les services. En plus des 104 projets déposés par les citoyens, les services devaient analyser une cinquantaine de projets venant des agents. Si certains s’analysaient rapidement, d’autres – notamment avec du chiffrage – ont demandé plus de temps.
Quelle est l’enveloppe globale de la commune pour ces budgets participatifs ?
Pour le budget participatif citoyen, l’enveloppe était de 150 000 €, avec un maximum de 30 000 € par projet. En ce qui concerne le budget participatif des agents, le montant était de 15 000 €, avec un maximum de 5 000 € par projet.
À quelle problématique territoriale le budget participatif des agents, qui a été récompensé par le prix Territoria, est-il voué à répondre ?
Cette idée de budget participatif pour les agents émane d’une idée simple. À quel moment on me demande ce que moi je veux ? Ce que je trouve important et intéressant ? À quel moment j’ai la capacité de donner mes idées, mais également de décider.
Aviez-vous recensé une demande de la part des agents ? Ou la volonté qu’ils participent davantage aux décisions est-elle venue de votre part ?
De manière générale, il existe une demande – pas toujours exprimée – d’implication et d’expression de manière parallèle. Or, ça n’a pas été une demande forte. Quoiqu’il en soit, faire la proposition de cet outil nous semblait très logique. Car deux des éléments importants du projet d’administration de la ville de Vertou étaient : à la fois la favorisation de la cohésion et la valorisation des idées, des expérimentations, des initiatives jusqu’au maillon le plus petit de la chaîne des agents territoriaux. Cet outil répond à ce besoin essentiel de permettre à chacun d’avoir une idée, puis de l’exprimer, de la partager et d’avoir le droit de décider.
Nous souhaitions permettre aux agents d’être partie prenante à part entière du fonctionnement de l’organisation. Nous voulions également susciter la participation en développant une nouvelle manière de faire; et aussi de donner la parole aux agents pour qu’ils puissent eux-mêmes proposer leurs idées afin d’améliorer la qualité de vie au travail. Car quand les idées viennent du « dessus », il y a peut-être des éléments de terrain qu’on ne perçoit pas.
C’est pour cela que le budget participatif des agents a été orienté sur la problématique de la qualité de vie au travail ?
C’était une volonté de l’axé sur ce thème. Nous aurions pu choisir un autre objectif, mais il était intéressant de croiser ce budget participatif avec la préoccupation de rendre les agents acteurs de leur propre qualité de vie au travail. Au-delà de l’expression de leurs volontés, il fallait joindre des solutions qui se rapprochent le plus possible de ce que les agents considèrent être des outils de leur qualité de vie au travail.
Quels étaient les thèmes sur lesquels les agents pouvaient proposer leurs idées ?
Tout d’abord, les idées devaient participer à la qualité des relations de travail, à la qualité des conditions de travail. En allant au-delà du champ obligatoire de la responsabilité de l’employeur. L’idée n’était évidemment pas de faire porter par les agents ce qui relève de notre responsabilité, car c’est à nous d’assumer ces points-là indépendamment. Il aurait été incohérent d’englober les obligations de l’employeur à l’enveloppe budgétaire disponible pour leur champ d’actions.
Souvent, les agents de terrain n’ont pas l’habitude de rédiger. Nous avons donc essayé de produire le formulaire le plus simple possible, en restant à leur disposition si besoin. Afin de les aiguiller dans ce processus, nous avons défini trois thématiques liées à la qualité de vie, de travail et à la favorisation du lien social au travail. Ces trois thématiques sont : améliorer l’environnement et le cadre de vie; favoriser les relations sociales au travail; et favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
La volonté première était donc d’améliorer les conditions de travail des agents, et non de leur faire comprendre que les élus écoutent ce qu’ils ont à faire remonter selon leur spécialité ?
Dès 2020, nous avons lancé l’élaboration du plan stratégique de la ville de Vertou, qui intègre à la fois le projet politique et le projet d’administration. Les agents ont ainsi eu l’occasion de contribuer au projet d’administration par le biais d’une enquête menée auprès d’eux. Sur le plan du projet politique, nous avons décliné les stratégies par secteur. Et certains agents sont allés jusqu’à proposer des actions qu’ils estimaient intéressantes pour le projet politique de la ville. Cet angle de la participation aux projets administratif et politique a déjà eu lieu. Donc ce budget participatif était, lui, un focus complémentaire, uniquement dédié aux mesures qui impacteraient directement les agents.
D’un point de vue de la mise en place de l’initiative, quelles ont été les différentes grandes étapes ?
Il a d’abord fallu lancer une phase de teasing pour que les agents s’acculturent petit à petit à la démarche, bien qu’ils commencent à être habitués puisque la ville de Vertou les fait participer sur différents projets depuis quelques années. Le processus de budget participatif a officiellement été lancé en janvier 2022, mais nous avons commencé à en parler 6 mois avant. Nous évoquions régulièrement les thématiques qui y seraient abordées, la manière dont il serait agencé. Nous avons aussi élaboré le règlement intérieur.
De janvier à mars 2022, les agents pouvaient déposer leurs projets. Nous avons donc travaillé sur une plateforme participative – aussi bien pour l’interne que l’externe – afin de mutualiser cet outil. Nous avons accompagné les agents à son utilisation et il y avait constamment du papier à disposition pour ceux qui avaient plus de mal avec le numérique. Puis une phase d’analyse des projet est venue sur la base de critères objectifs. Nous avons ciblé des services et des collègues spécialisés dans leur domaine pour analyser la faisabilité et le respect du règlement qui était à leur disposition. Chacun a ensuite pu voter pour 3 projets maximum. Nous avons ensuite fait l’annonce des lauréats, le 11 juin, lors d’un événement convivial entre collègues. À partir de là, selon le règlement, nous avons un an pour mettre en action les projets. Nous avons déjà commencé à les mettre en place.
Pour se donner un ordre d’idée : combien d’agents compte la ville de Vertou ? Combien d’agents ont proposé un projet ? Et combien de projets sont ressortis ?
Vertou compte 350 agents parmi lesquels il y a eu 25 porteurs de projets pour 29 projets au total. Cela représente 16 femmes et 9 hommes travaillant dans un large éventail de services : les services techniques, la culture, l’animation, la petite enfance, la restauration. Nous avons décompté 6 agents d’encadrement et 19 agents de terrain. Au total, 205 agents ont attribué leurs points aux 3 projets qu’ils préféraient. Sur les 25 projets déposés, 16 ont été jugés comme recevables. D’un point de vue de l’outil, 113 agents ont voté en ligne et 92 l’ont fait avec le formulaire papier.
Quels sont les projets lauréats de ce budget participatif ?
Le premier projet concerne le bien-être. Une professionnelle propose des massages de relaxation sur des créneaux de 20 minutes. Les inscriptions se font tous les mois et nous observons un bon taux de participation. Les deux autres projets concernent du mobilier pour les pauses-déjeuner ou pour faire des réunions en extérieur. Deux espaces seront mis à disposition des animateurs, des agents de restauration, des agents du centre technique municipal. Chaque agent municipal y sera le bienvenu pour prendre sa pause. Finalement, ce qui ressort le plus dans les budgets participatifs pour les agents internes ou pour les citoyens, ce sont les espaces extérieurs de détente, de pratique physique, de loisirs.
À quel point aviez-vous anticipé les propositions qui vous seraient faites ?
Hormis le cadrage que nous avions établi pour ce processus, nous faisions complètement confiance aux agents et nous savions qu’ils pourraient nous surprendre. Certains agents n’étant pas très à l’aise avec l’écriture, je craignais que ce soit un frein dans la proposition de projets. Mais ceux-ci ont écrit l’essentiel, sans forcément tout détailler. J’étais vraiment surprise d’observer comment certains se sont appropriés cette démarche et y ont participé alors qu’ils ne se sentent pas à l’aise en temps normal.
Pour la partie analyse : quels critères aviez-vous fixés ? À quoi la grille faisait-elle référence ?
Le premier critère était financier. La limite était de 5 000 € de budget estimé par projet. Il fallait ensuite que le projet coche l’une des 3 cases que sont l’amélioration du cadre de travail, la favorisation des relations au travail et l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle. Autre critère important : que le projet puisse profiter au plus grand nombre, pas obligatoirement à tout le monde, mais bien au plus grand nombre.
Ne pas comporter d’éléments de nature discriminatoire, diffamatoire ou contraire à l’ordre public; relever des compétences de la collectivité et être localisé sur le territoire communal; être techniquement, juridiquement et financièrement réalisable dans un délai de 12 mois; être compatible avec les projets déjà en cours; ne pas générer des situations de conflit d’intérêt ou de collusion avec une éventuelle entreprise détenue par le porteur de projet. Les dépositaires pouvaient donc ajouter des documents et des photos, budgétiser pour appuyer leurs projets. Ensuite, les analystes pouvaient les contacter pour avoir des éléments complémentaires s’ils ne comprenaient pas totalement.
À combien s’élevait le montant total du budget ? Comment s’est passée son élaboration ?
Nous avons donc débloqué 15 000 € de budget puisqu’il y avait 3 projets lauréats de 5000 € maximum par projet. La définition du « bon » budget global ou du budget par projet a été une grande question, dans la mesure où nous étions sur un champ expérimental sans aucune certitude sur les résultats. Nous avions un temps pensé à tester un projet de 5 000 € sur une année. Et nous constatons finalement que la majorité des projets proposés rentrent dans un cadre raisonnable. C’était surtout le fait de ne pas vraiment savoir où nous allions qui pouvait freiner. Mais nous avons voulu faire quelque chose à la fois simple, efficace, accessible à tous et que nous pourrions réellement mettre en place.
Dans quelle partie du budget municipal avez-vous inscrit cette enveloppe de 15 000 € ?
C’est une ligne qui n’existait pas et qui a donc été ajoutée au budget général de l’année 2022 puis retirée l’année suivante. L’idée était que la démarche soit mise en place sans être à reconduire, ce qui fonctionne bien pour les deux projets d’aménagements extérieurs. C’était moins évident pour la proposition lauréate de moments de relaxation puisqu’on avait d’ores et déjà dit que cela durerait le temps que le budget soit épuisé. Pour nous, l’intérêt du dispositif n’est pas tant de choisir 3 projets lauréats. C’est plutôt de récupérer, de la parole des agents, ce qu’ils considèrent comme essentiel pour améliorer leur conditions de travail pour ensuite les réaliser, que ce soit dans le cadre du budget participatif ou en dehors. Nous sommes très à l’aise à l’idée de mettre en œuvre des projets qui n’ont pas été lauréats car nous les trouvons intéressants et qu’ils collent au projet d’administration. Il est également possible que l’action de massage détente et relaxation puisse perdurer en dehors du budget participatif si l’expérimentation révèle que le retour sur investissement et l’évaluation qu’en font les agents sont positifs.
Plutôt qu’une fréquence annuelle, c’est un dispositif qui pourrait revenir dans plusieurs années afin de recenser les nouvelles difficultés et solutions imaginées par les agents ?
C’est tout à fait possible. Mais sûrement pas avec les mêmes contours car nous avons constaté que certains rouages du dispositif peuvent être améliorés pour répondre à nos objectifs de manière encore plus efficace.
Le lancement de ces dispositifs venait-il répondre à un véritable besoin de renforcer la participation collective à Vertou ?
En soi, le budget participatif a été un moyen complémentaire. La ville de Vertou n’a pas attendu ce dispositif pour faire participer les agents ou les citoyens. En revanche, dans une démarche similaire aux grands dispositifs de concertation – notamment autour de la jeunesse, nous avions la volonté de toucher des gens qu’on ne touche habituellement pas. Il est toujours difficile d’avoir le point de vue de ceux qui ne s’expriment pas lors des concertations, des réunions, des groupes de travail. Nous souhaitions mettre en place de nouvelles pratiques. J’estime que cela fonctionne bien. Ça ne change pas du tout au tout mais, malgré tout, ça ouvre le champ de l’expression de ceux qu’on n’atteint pas. En revanche, ce n’est pas la même expression que celle qu’on obtient lors des temps de parole et d’échange qui permettent de construire quelque chose ensemble. En tout cas, pour ce dispositif de budget participatif, il est essentiel d’accompagner le débat pour que les porteurs de projets participent en discutant collectivement, en confrontant les points de vue. Et pas uniquement en déposant un projet.
En premier lieu, certains avaient juste déposé une idée. Il s’agissait alors de les sensibiliser à l’importance du développement. Pour ce qui est de l’écoute des autres projets, nous avons l’exemple du projet de massage-relaxation. Ce sont deux personnes qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble, qui ont finalement fusionné leur projet, ont trouvé le prestataire, ont testé en amont. L’événement qu’on a fait en juin 2022, a aussi permis de célébrer une victoire, de mettre en avant les projets proposés par les agents de terrain et de valoriser les petites victoires et les petites réussites. Nous avons aussi pu montrer aux agents les résultats concrets du temps qu’ils ont investi, des efforts consentis dans ce projet de budget participatif. C’est le signe que nous ajoutons l’action à la parole.
Impliquer les habitants, aller chercher les citoyens qui ne participent pas souvent : comment mesurez-vous l’impact de ces petites actions de « management interne » d’un territoire ?
C’est selon moi, le grand point d’amélioration du budget participatif : comment on accompagne la réflexion pour passer de l’idée au projet. Il est important de ne pas être dans la consommation d’un budget mais de travailler réellement une idée; de se confronter à ce qu’elle implique sur le territoire, sur les autres usagers; peut-être même d’en débattre, de la défendre, d’argumenter; s’interroger sur les enjeux d’intérêt général qui se cachent derrière.
Sur les deux budgets, il fallait se demander si l’on proposait un projet pour soi-même ou si l’on réfléchissait vraiment à ce que porte la collectivité : l’intérêt général. Voilà le raisonnement qu’il est intéressant de réveiller chez les citoyens et agents d’une ville. À Vertou, nous essayons d’intégrer la notion de responsabilisation : participer oui, mais en ayant conscience des conséquences de nos propositions, de nos paroles.
Quelque part, les citoyens et agents changent-ils de statut au gré de cette dynamique collective ?
Au contraire. Nous essayons de faire comprendre qu’il est bien de demander à participer si on le fait de manière responsable, en étant complètement impliqué dans la réflexion voire dans la mise en œuvre. Ces éléments font aussi partie de notre projet d’administration qui vise à promouvoir la responsabilisation et le droit à l’erreur, notamment lorsque nous accueillons de nouveaux agents. Laurence met beaucoup en avant le fait qu’on apprend de nos erreurs et c’est une intéressant comme nouvelle manière de travailler. On constate d’ailleurs que les agents commencent à s’y faire et à participer de plus en plus. Preuve que cela fonctionne.
Dans la continuité des démarches de budgets participatifs, comment entretenez-vous cette idée d’expérimentation – et d’évaluation – collective à Vertou ?
Pour la mi-mandat municipal, nous avons organisé un bilan participatif avec trois grands débats. L’intérêt dans la construction de ces démarches n’est pas tant de dire « Qu’est-ce qu’on fait ? » ou « Qu’est-ce qu’on veut ? ». L’idée est d’identifier le moment opportun pour apporter la pédagogie et la confrontation qui permettent d’aller au bout du processus. En réalité, on ne peut pas proposer une idée si on l’isole d’un ensemble, si on n’est pas prêts à en discuter et si on n’est pas en capacité à renoncer. Car choisir, c’est renoncer.
Vient donc un moment où le monde de l’abondance prend fin et laisse place au monde de la sobriété et de l’action juste. Il faut donc prendre nos responsabilités et se poser la question du vrai rôle des collectivités. Une fois qu’on a trouvé, il faut se demander ce que l’on est prêts à abandonner pour l’obtenir. Jusqu’où tire-t-on le fil de la responsabilisation et de la participation des uns et des autres aux choix sur un territoire ?
Ce projet de budget participatif a en effet permis de sensibiliser certains participants à la dimension transversale de la proposition d’un projet. De la budgétisation à la sécurité, en passant par le choix des matériaux : cela dépasse le simple fait d’acheter du mobilier à titre d’individu. Cela leur a permis de se rendre compte du travail des collègues analystes et cette transparence a amené une dimension très intéressante au projet.