Depuis plus de dix ans, la ville de Lyon utilise et développe un outil de visualisation de données. Objectif : pouvoir créer facilement des cartes évoluant en fonction des indicateurs sélectionnés. Agents, élus et habitants peuvent ainsi mieux débattre et les prises de décisions sont facilitées. Le projet est entré dans une nouvelle phase. Renommé GaiaMundi, il s’ouvre à l’ensemble des collectivités françaises qui souhaitent en bénéficier et se former. En 2022, l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (Anct) via son Incubateur des Territoires finance, dans le cadre du plan France Relance, finance la participation de tous les territoires qui souhaitent se lancer.
Vous pouvez retrouver plus d’informations sur le projet GaiaMundi en cliquant ici.
La ville de Villeurbanne a été formée et utilise l’outil pour travailler autour de certaines problématiques de son territoire. Laurence Fillaud Jirari, chargée de mission Observation sociale, évaluation des politiques publiques prospective revient avec nous sur les bénéfices tirés de l’usage de GaiaMundi.
Comment avez-vous commencé à travailler avec l’outil ?
Avec le groupe lyonnais, nous avons commencé à travailler ensemble sur les impacts de la crise sanitaire fin 2021. Puis, nous avons défini différentes thématiques. Nous nous réunissons une fois par mois, en visio majoritairement. Collectivement, nous avons fait le choix de travailler sur la question du décrochage scolaire. Nous avons sélectionné 3 ou 4 indicateurs qui nous paraissaient pertinents. Laurence Langer a fait les cartes à l’échelle de la métropole.
Qu’est-ce que cela change pour vous ?
Ce qui est aussi intéressant, c’est que la carto permet de travailler sur différents seuils d’indicateurs. Le fait de pouvoir faire une carte mouvante en fonction des seuils sélectionnés provoque des discussions sur ce que nous pouvons constater sur nos territoires. Le processus de travail est assez itératif, une séance de travail en amène une autre avec les questionnements et les cartes évoluent. À terme, l’idée est de faire un scénario avec un ensemble de cartes qui permettent une représentation visuelle statistique.
Comment choisir les bons indicateurs ?
Des indicateurs, on en a à foison. Mais quand on commence à travailler sur un sujet donné, on n’a pas forcément tous les indicateurs qu’il nous faut. Ou on les a en décalé. Le temps de production des données, comme celles de l’Insee du recensement ou des revenus, est décalé d’un ou deux ans par rapport à notre instant T. Grâce au groupe de travail, nous pouvons avoir une réflexion sur les indicateurs que nous choisissons, les plus pertinents, ce qu’ils nous montrent mais aussi ce qu’ils ne nous montrent pas. Ce qui est intéressant c’est aussi ce que la carte ne dit pas, et c’est en échangeant avec des homologues qu’on peut creuser et ressortir des choses intéressantes.
Comment complétez vous ce travail autour de la data ?
Il y a le volet des habitants et toutes les remontées des professionnels de terrain. L’observation sociale est faite de ces allers-retours constants avec les collègues qui travaillent dans les maisons de service public, les CCAS, etc. Ils sont en relation quotidienne avec le public. C’est nécessaire de faire cet aller/retour permanent entre ce que les statistiques nous donnent à voir et les remontées des agents en contact avec les usagers.
D’où l’idée que c’est un outil qui pousse au débat…
Ce qui est intéressant dans le logiciel c’est que l’on peut ajouter un hypertexte à côté des cartes. Dedans on y retrouve des liens, des références, du texte qui apporte du contenu et de la réflexion.
Qu’est-ce que l’outil vous apporte de plus ?
À la ville nous avons un service de SIG. En ce moment par exemple, je travaille sur le portrait de territoire. Quand je veux des cartes je leur demande. Ce qui m’intéressait avec GaiaMundi, c’était de disposer d’un outil qui me permette de faire mes propres recherches sans passer par une demande auprès des collègues. Cet outil est très souple. Sur la base des indicateurs renseignés, quand je veux travailler sur un sujet, je me demande quels indicateurs peuvent alimenter ma réflexion et je fouille. C’est instantané. À terme, il faut que je m’approprie plus l’outil, mais ce qui m’intéresse c’est aussi de m’en servir comme outil de réflexion collective avec les collègues qui travaillent dans les autres services.
Comment utilisez-vous l’outil ?
Il y a l’aspect technique. Mais ce qui m’intéresse aussi, à travers le groupe mis en place, c’est le fait de pouvoir partager des constats, des différences d’une ville à l’autre. Sortir des statistiques, des cartes et à travers des échanges entre professionnels, faire parler la donnée. Laurence Langer a créé des PageCarto (carte interactive) pour chaque ville du groupe. Nous avons nos propres pages avec les données de chaque ville. Je l’utilise assez fréquemment car ça me permet d’aller fouiller dans les données, d’avoir des chiffres à l’échelle infra-communale. Il y a pas mal d’outils développés en ligne comme Géoclip, mais on a rarement la maille infra-communale. Villeurbanne, c’est plus de 150 000 habitants avec des spécificités territoriales par quartier qui méritent d’être regardées de plus près car il y a des grosses différences entre les quartiers. Quand je me pose des questions, je vais voir dans le PageCarto, qui contient plus de 500 indicateurs qui peuvent être cartographiés. Ils me permettent d’aller regarder spécifiquement ce qu’il se passe dans des quartiers de la ville. Je l’utilise beaucoup comme ça de mon côté.
Depuis quand suivez-vous l’outil ?
Nous avions débuté une formation en février 2020, qui s’est rapidement terminée à cause de la crise sanitaire. Entre-temps la ville de Lyon a été lauréate de l’appel à projet de l’ANCT pour développer le logiciel et étendre son utilisation. Nous avons décidé de nous inscrire dans cette perspective. Ça nous permettait d’entrer directement sur un sujet de travail : l’impact de la crise. Et de travailler en réseau avec les homologues des autres villes. L’aspect collectif, le fait de pouvoir échanger avec d’autres, partager, m’intéressait.
Quel est le coût ?
Pour l’instant, grâce au financement ANCT, il n’y a pas d’adhésion financière. L’idée est de pouvoir se former à l’utilisation. Ensuite, certainement dans les années qui viennent, il y aura un abonnement. Certainement en fonction de la taille de la collectivité. Le projet est beaucoup basé sur la mutualisation pour réduire ces coûts.
Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer ?
ll faut réussir à comprendre comment fonctionne l’outil sans trop se perdre dans le back-office. J’avais déjà rencontré ce logiciel il y a une dizaine d’années et j’avais trouvé ça complexe. Moi, c’est l’usage qui m’intéresse. Ce que devrait permettre le travail qui est en train de se faire c’est de rendre l’outil assez simple et intuitif. Ce qui est intéressant, c’est de pouvoir compter sur l’équipe Lyonnaise quand on a des questions.
Qu’est ce que vous attendez de l’outil à l’avenir ?
À terme, l’idée est de réussir à le maîtriser suffisamment pour pouvoir l’utiliser, dans les mois qui viennent, avec des collègues. Nous allons essayer de nous saisir d’une question pour se mettre en mode projet et l’utiliser dans un cadre de travail collectif en interne. L’aboutissement ce serait de pouvoir faire ça avec des habitants.
Retrouvez notre reportage vidéo sur le projet Gaia Mundi ci-dessous :