CC du Val Briard (77) : “Pour nous, la culture se résume en trois points : accès à tous, proximité et facteur de cohésion sociale”

La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine à la politique culturelle développée sur la communauté de communes du Val Briard, en Seine-et-Marne.  L’intercommunalité souhaite montrer qu’elle peut être audacieuse dans ce domaine et proposer une offre complémentaire aux grandes villes qui l’entourent. Les mots clés : inclusion, accessibilité et cohésion sociale. Entre la programmation annuelle, le festival Bri’Art et le futur pôle culturel régional, la culture représente 20% du budget de l’intercommunalité. Ce qui lui a valu d’être finaliste pour devenir capitale française de la culture.

La communauté de communes a par ailleurs été citée en exemple dans la récente étude « Politiques culturelles intercommunales : état des lieux et perspectives » réalisée par Intercommunalités de France.

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Isabelle Périgault, la présidente de la communauté de communes du Val Briard a répondu à nos questions pour vous permettre d’en savoir plus.

Pourquoi avoir mis l’accent sur la culture alors que vous êtes proche de Paris ?

Nous sommes une intercommunalité à dominante rurale. La plus petite commune comprend 500 habitants et la plus grosse 5 000. Certes, nous ne sommes pas loin de Paris (à 45 kilomètres environ) mais il faut quand même y aller, faire garder les enfants, se garer, etc. Donc le bénéfice de la culture à Paris ne peut pas être régulier. Dans notre communauté du Val Briard, nous avons à cœur de développer le facteur de cohésion sociale. La culture pour nous, c’est le point fort de cela, au même titre que la petite enfance, la jeunesse et les séniors. 

C’est une politique mise en place depuis de nombreuses années ?

Nous allons inaugurer la 10ème année du festival Bri’Art. Il dure cinq semaines. Sous des chapiteaux sont mêlés le cirque, le théâtre, etc. Nous allons chercher ces spectacles à Avignon grâce au directeur des affaires culturelles. Et ce festival est totalement gratuit pour la population. Cela représente 12 000 entrées chaque année. Tous nos scolaires y vont, de 0 à 16 ans et c’est totalement pris en compte par la commune.

Nous souhaitons la proximité. Toutes les années, le festival change de commune. Nous allons au cœur des territoires, notre culture est itinérante : dans les salles, dehors, dans la rue, à travers les livres, les spectacles, les ateliers, etc. Voilà la politique au Val Briard : accès à tous, proximité et facteur de cohésion sociale. 

Vous êtes également attentifs à l’inclusion ?

Oui, dans le cadre de nos projets culturels, depuis ce mandat, nous faisons des programmations de spectacles traduits en langue des signes ou avec l’accompagnement des malvoyants, grâce à un dispositif de flash d’image. C’est-à-dire qu’on se met à côté des gens et on leur souffle un petit peu ce qu’il se passe devant eux.

Il y a une autre raison pour laquelle vous développez l’offre culturelle ?

Nous avons aussi mis la culture au cœur de notre territoire car c’est facteur d’attractivité. Lorsque vous vous installez, si vous savez que près de chez vous, vous pouvez trouver des services, des transports, de la culture, c’est très important. C’est véritablement répondre au bien vivre ensemble. À la fois pour ceux qui vivent déjà sur le territoire, et puis pour ceux qui viennent. Cette crise sanitaire nous le démontre encore plus : nos campagnes attirent. Les terrains se vendent. Donc il faut que l’on puisse retrouver à la campagne ce qu’il y a dans les villes. Non pas pour nous opposer, je pense qu’on est complémentaires, car on aime aller à Paris pour voir les spectacles. Mais c’est loin : 2 heures de trajet aller, puis retour, le temps de se garer, etc. Là, on peut faire un entre-deux sur la proximité et c’est notre objectif et notre volonté.

En dehors du festival, vous conservez une programmation riche tout au long de l’année ?

Tout au long de l’année, il y a une programmation. Nous allons dans les communes à travers tout type de spectacles et d’ateliers. Nous avons même conventionné avec le département pour avoir une galerie dans un de nos collèges. Chaque année, on fait venir un artiste qui travaille avec nos élèves de 6ème et 5ème. Cette partie artistique est très appréciée. 

Vous allez plus loin en ouvrant un pôle régional culturel. Quel va être son rôle ?

C’est l’apogée de tout. Le siège social de la communauté de communes est une ancienne ferme rénovée avec trois ailes. La première, c’est le centre administratif. La deuxième, la petite enfance, avec un multi accueil. C’est un mode de garde à la carte qui répond aux besoins du monde rural. Dans la troisième aile, nous ouvrons, en janvier 2023, le pôle culturel régional. Un lieu de 2 000 m2 qui regroupe de multiples infrastructures, toutes dédiées aux arts plastiques, vivants, à la création et à la programmation. Tout est fait ici, au Val Briard. Pour nous, c’est un établissement unique. 

“Tout est fait ici”, c’est-à-dire ?

On peut créer les décors, les costumes et faire des représentations. Tout est possible en un seul endroit. Il y a une salle de spectacle de 400 places assises et 700 debout, une salle de répétition pour les professionnels, les amateurs et les scolaires. Mais aussi un atelier de création artistique, de construction de décors et d’accessoires, des salles dédiées aux expositions, à la peinture, la sculpture, la confection de costumes et de décors. Et une loge pour les artistes. C’est un lieu qui, à mon sens, n’a pas d’équivalent en région parisienne. 

C’est pour cela qu’il s’appelle pôle “régional” ?

Il va avoir une résonance régionale et même plus. Le rayonnement va même dépasser nos frontières je pense.

Qui va animer ce lieu ? Et qui l’a pensé ?

La communauté de communes avec notre directeur des affaires culturelles et une équipe que l’on va étoffer avec un directeur technique de la salle, des personnes pour le son, la lumière. Pour l’instant, nous avons fait cela en régie, car nous avons les moyens de le faire. Nous avons un bel avantage c’est que le bâtiment a été fait avec l’œil de notre directeur des affaires culturelles. En tant qu’élus, nous leur avons demandé quel outil était le mieux adapté et le plus propice à une installation pour que tous les arts puissent s’effectuer ici et qu’on aille du bout d’une chaîne à l’autre. C’est concocté par des professionnels.

Vous avez été finaliste pour être capitale française de la culture. Comptez-vous candidater de nouveau ?

Nous avons une volonté d’innovation. Lorsque mon directeur des affaires culturelles m’a présenté ce projet, il restait deux mois pour candidater. À la lecture du cahier des charges, je vous avoue qu’on s’est dit « c’est déjà nous ». C’est ce que nous entreprenons déjà, à la mesure qui est la nôtre. Donc nous avons répondu à l’appel à projets et on a fini finaliste. Évidemment, ça a été une déception de notre part car le projet s’est monté avec tous les services de la communauté. Aujourd’hui, c’est une feuille de route pour nous, cette capitale. Nous serions prêts à le refaire, on y croit. Nous avons compris pourquoi c’est Villeurbanne qui a été choisie, des choix ont été opérés. Mais la visibilité est faite auprès du ministère, nous avons pu créer des liens.

Quels sont les coûts de cette politique culturelle ? 

La culture c’est 20% de notre budget. C’est un vrai choix. Le pôle culturel, c’est un coût de 5,6 millions d’euros pour l’interco. Le département nous a aidé à hauteur de 919 000 € et la région 1,6 million d’euros. Eux aussi avaient compris l’importance de cet équipement. Le festival, nous le prenons en charge. L’accès à tous, ça passe par le porte monnaie. Nous ne voulions pas de freins. Le reste de l’année, les entrées sont payantes mais nous ne nous rattrapons pas du tout. Nous faisons de la billetterie très accessible pour que les gens puissent venir partager ces moments. 

Cette politique culturelle s’accorde aussi avec le développement économique…

Je m’attache à travailler sur le développement économique, qui est gage de recette, avec l’aménagement du territoire. Cela comprend le fait de pouvoir venir travailler proche de chez soi, mais aussi de se soigner, de faire garder ses enfants, d’avoir des loisirs. Le développement économique en ruralité c’est ça. C’est celui qui nous permet d’avoir cette aide financière sur les communes pour la culture et de la garder depuis des années.

Pour celles et ceux qui souhaitent aller plus loin, d’autres retour d’expérience liée au domaine de la culture sont également disponibles sur le site de nos amis d’Intercommunalité de France :

=> Communauté des Coëvrons (53) : “On est beaucoup plus agiles et on peut s’autoriser à prendre des brouillons, à tester”

=> Les politiques culturelles des intercommunalités : Présentation de l’étude par Christophe Degruelle