Pays d’Issoire (63) : l’agglo lance une formation « industrie 4.0 » avec l’université pour favoriser le recrutement des entreprises locales

Bertrand Barraud est le président de l’agglomération du Pays d’Issoire. À l’occasion de notre série « au cœur de la relance », il revient sur la création d’une formation de niveau master 2, en collaboration avec l’université Clermont Auvergne, sur son intercommunalité. Créée en partenariat avec les entreprises locales, et dédiée à l’industrie 4.0, elle devrait permettre de répondre aux besoins de recrutement du territoire et favoriser l’attractivité. L’entretien a été réalisé avec Juliette Dumuin, chargée de mission Ingénierie économique pour l’agglomération.

Entretien réalisé le 14 octobre.

En introduction, nous vous proposons ce pitch vidéo.

– Mise en place du projet –

Qu’est-ce que l’industrie 4.0 ?

En fait, l’industrie date du 19ème siècle. Puis, il y a eu les chaînes de montage, l’automatisation… Aujourd’hui, ce que nous appelons l’industrie 4.0, c’est la numérisation de l’industrie. L’interconnexion des différents sites de production et l’existence de robots capables d’analyser la production et de l’adapter en temps réel pour qu’elle soit la plus efficace possible. C’est l’utilisation de toutes les bases de données de l’entreprise. C’est vraiment la numérisation et plus particulièrement l’optimisation de l’industrie par le numérique. Parfois, l’optimisation de la performance peut aller jusqu’à 20 %.

En quoi ce projet répond aux différents enjeux de votre territoire ?

Tout d’abord, tout simplement, car nous sommes un territoire industriel. Nous avons une entreprise de pointe qui s’appelle Braincube. Elle travaille à l’international avec toutes les plus belles entreprises mondiales. Nous avons vu qu’ils avaient des difficultés pour recruter. Nous nous sommes interrogés pour savoir pourquoi ils étaient parfois obligés d’aller à l’étranger pour cela.

Il ne trouvaient pas de main d’œuvre ?

Dans leur domaine, il faut des profils spécifiques. Nous avons donc choisi de lancer une formation. Deux choix étaient possibles. Une formation par nous-même, privée. Ou au contraire une formation labellisante. Nous avons choisi la deuxième option. On nous a dit qu’avec les universités, il faudrait cinq ou dix ans. Ce n’est pas vrai. Nous avons réussi en 24 ou 36 mois. Malheureusement l’an dernier, nous n’avons pas pu ouvrir à cause du Covid. Il était trop difficile de recruter des étudiants. Mais nous venons d’ouvrir la première promotion début octobre.

Travailler autour de l’attractivité, ce n’est jamais simple, surtout quand cela touche aux jeunes…

C’est vrai mais c’est fondamental. Notre formation est en centre-ville. Revoir des étudiants aux cafés, le matin par exemple, c’est nouveau pour les habitants d’Issoires. Mais c’est un vrai plaisir !

Comment l’initiative s’est-elle mise en place ?

Il y a eu les premières réflexions au printemps 2019 avec les différents acteurs du territoire. Les universitaires, les entreprises et bien évidemment les collectivités. Il y avait vraiment un besoin du territoire. Le numérique a fait évoluer la société et les différents secteurs d’activité, dont l’industrie. Une entreprise sur deux en région n’arrive pas à recruter des profils pertinents. Ce projet répond donc à un besoin local mais aussi national. Un premier noyau de partenaires a commencé à réfléchir à ce qui pourrait permettre de répondre au mieux aux besoins des industriels. Ces réflexions, associées aux spécificités du territoire et aux différents besoins ont pu aboutir à un programme et au contenu de la formation. Nous avons fait le choix de l’alternance qui permet vraiment de professionnaliser les jeunes pour qu’ils soient ensuite directement employables.

– Le projet aujourd’hui –

Comment avez-vous fait connaître cette nouvelle formation ?

Il y a eu toute une série de journées de présentation auprès des étudiants. Ils ont pu voir l’entreprise Braincube et rencontrer des salariés. Cela prend du temps mais progressivement tout s’est mis en place jusqu’à la rentrée le 04 octobre. Les collectivités locales ont vraiment la capacité à mettre en relation. C’est ça qui est important. Nous avons cité Braincube mais il faut savoir que de nombreuses entreprises du territoire vont travailler dans le cadre de ce master 2 et prendre des jeunes en alternance. Nous sommes un Territoire d’industrie à cheval sur deux départements, le département du Puy-de-Dôme et le département de la Haute-Loire. Travailler sur deux départements, c’est ça qui est important. On est désormais une famille qui regroupe à la fois les collectivités, les entreprises et l’université. Ensemble, nous allons répondre aux besoins du territoire.

Comment la formation va-t-elle se dérouler ?

Nous allons démarrer avec une demi-promotion. Nous avons pour objectif d’avoir une promotion complète dès l’an prochain. Nous démarrons avec des étudiants qui sont du cru. Ils vont pouvoir se former localement. C’est bien. C’était l’idée de départ, leur éviter de partir. Maintenant, nous allons pouvoir aller chercher des étudiants différents pour leur faire connaître l’Auvergne. C’est aussi ça être attractif ! Nous devons convaincre que l’industrie 4.0 est fondamentale et que c’est l’avenir.

Quel va être le contenu des cours ?

C’est un master en alternance sur un rythme de deux semaines à l’université à Issoire et trois semaines en entreprise. Sur les deux semaines de cours, il y a toutes les matières relatives à l’industrie 4.0. Les mathématiques, la gestion de base de données, la sécurité informatique, de la gestion de la production via les systèmes numériques. Au final, plein de formations qui sont très souvent enseignées dans des formations distinctes les unes des autres mais qui sont toutes utilisées dans le cadre de l’industrie 4.0. L’idée, c’est vraiment de proposer une formation complète qui correspond à 100 % aux enjeux du 4.0.

C’est un enjeu important et qui s’inscrit dans un calendrier national…

Très peu de formations se sont actuellement adaptées à cette demande. D’ailleurs Emmanuel Macron, le Président de la République, dans le cadre de la présentation du plan France 2030 a indiqué qu’il y a un véritable enjeu aujourd’hui sur l’industrie à moderniser l’appareil de formation. Dans ce sens-là, il y a plus de deux milliards d’euros qui vont être placés sur la formation. Dont 500 millions sur la formation à l’intelligence artificielle. Notre master répond à tous les critères. C’est un vrai enjeu aujourd’hui pour la société et l’industrie française de se saisir de toutes ces potentialités. Nous devons former des jeunes. Ils seront les prochains professionnels capables de se saisir des nouveaux outils et d’augmenter l’efficacité, la capacité et la compétitivité de l’industrie française.

– Dupliquer le projet –

Quel est l’accord que vous avez trouvé avec l’université de Clermont-Ferrand ?

Pour les professeurs, c’est un mixte. Certains viendront de la faculté et d’autres d’entreprises locales.Les universités ne doivent pas être que dans les métropoles. Elles peuvent aussi s’implanter dans les petites et moyennes villes. Pour nous, le coût n’est pas énorme. C’est simplement d’accueillir donc accueillir dans des locaux. Nous avons remis à neuf un lieu qui était un petit peu désuet. Là, c’est tout le contraire. Nous avons des salles de cours exceptionnelles avec un équipement informatique performant. Pour la collectivité, c’est un coût de moins de 100 000 euros. L’université, de son côté, met à disposition ses enseignants. C’est un partenariat donnant-donnant et efficace.

Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

La difficulté, c’est la période simplement. La crise du Covid. Il y a 2 ans, nous avions peut-être beaucoup d’entreprises qui voulaient prendre des alternants et peut-être peu d’étudiants à mettre en face. Aujourd’hui c’est plutôt l’inverse. Mais avec la reprise, les entreprises sont optimistes à l’idée de pouvoir en prendre dans un ou deux ans. Nous allons également nous lancer dans la formation professionnelle pour répondre aux besoins de celles et ceux qui sont déjà employés dans les entreprises.