Besançon (25) : le lien intergénérationnel au sein des résidences autonomie

La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine à une initiative de la ville de Besançon et de son CCAS. Depuis 2005, des jeunes (18-30 ans) bénéficient de logements au sein d’une résidence autonomie occupée par des séniors. Pour faciliter les échanges intergénérationnels, le CCAS propose aux jeunes de leur offrir les charges des appartements (eau, électricité…) en échange de 10h d’activités par mois avec les personnes âgées.  

Pour en savoir plus sur le fonctionnement, nous nous sommes rendus sur place et vous proposons un reportage vidéo en introduction. Puis les différents acteurs de cette initiative ont répondu à nos questions.

Cette initiative est lauréate du concours 2021 du Réseau Francophone Villes Amies des ainés dont le thème était cette année « Des habitats pour des vieillissements ».

En 2005, le CCAS de Besançon s’est retrouvé dans une situation, à première vue, peu fonctionnelle. Les trois derniers étages de la résidence autonomie des Hortensias ont été fermés. Les normes de sécurité ne permettaient plus d’accueillir un public trop âgé. 22 logements de 30 mètres carré en bon état ont été vidés. Pour assurer l’équilibre financier du bâtiment, le CCAS a dû innover. La résidence étant située dans un quartier vivant, accessible en transport en commun et non loin certaines unités de formation, l’idée est venue d’y loger des jeunes. Les prix étaient attractifs pour ce public, souvent précaire, et cela permettrait de créer du lien intergénérationnel. Un avantage pour les plus âgés comme pour les jeunes.

« Le lien intergénérationnel, c’est du partage, de la cohésion sociale, de l’enrichissement, et c’est faire qu’une personne âgée essaie de comprendre la génération qui vient, c’est le vieillissement actif. Ils ne se sentent pas cloisonnés et participent. De même que la jeunesse peut tirer des enseignements, de la sagesse des aînés. C’est montrer que c’est la vie qui est comme ça, c’est un continuum, on s’accepte et on s’accepte de plus en plus. C’est ça qui est mis en oeuvre à Besançon au travers de ce lien intergénérationnel »

Sylvie Wanlin, vice présidente au CCAS de Besançon.

Dès 2005 donc, des jeunes sont arrivés dans la résidence des Hortensias. Mais qu’entend-on par « jeune » ? Ce sont les 18-30 parmi les étudiants, les stagiaires, les formations professionnelles, les apprentis, les premiers emplois et les services civiques. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Dans un premier temps les étages supérieurs et inférieurs ne se mélangeaient pas. Le lien ne se créait pas. « Ce n’était pas les jeunes contre les ainés, il fallait juste impulser les choses, faire un déclic, une proposition. Finalement, ça a très bien fonctionné. Je pense que c’était juste une question de disposition des lieux » ajoute Sylvie Wanlin, également adjointe au maire en charge de la solidarité.

Persuadé des bénéfices que les deux parties ont à tirer de ces échanges, le CCAS a en effet impulsé la rencontre. Via la signature d’une convention, les jeunes peuvent s’engager a partager 10 heures de leur temps tous les mois avec les plus anciens. En contrepartie, ils sont exonérés des charges locatives (eau, électricité, chauffage, ordures ménagères, Wifi). Soit une réduction de 92€ et un loyer qui descend a 292,92 € par mois. Un tarif qui fait concurrence au Crous. Ajoutez à cela que les APL sont possibles. Les jeunes ont été au rendez-vous et dès lors, les groupes d’âge se sont mixés.
Les activités communes sont diverses : jeux de société, ateliers mémoire, bricolage, actualité…
Souvent, ces animations se font en duo avec un agent de service et un jeune. Ces derniers peuvent également proposer des activités (couture, tarot) en fonction de leurs compétences, de leurs envies et de leurs disponibilités. Sur certaines animations, comme la marche sportive ou la gymnastique, aucun jeune n’est présent, en partie car les horaires ne correspondent pas à leur emploi du temps. Stéphanie Bozon, la responsable de la résidence chapeaute tout cela :

« C’est un engagement donc au préalable, ils me donnent leurs plannings et m’indiquent sur quelles animations ils peuvent intervenir. Certains seraient intéressés mais de part leurs études et leur emploi du temps très chargé, c’est compliqué pour eux de s’impliquer donc parfois ils me proposent de manière ponctuelle. Et il y en a d’autres qui ne vont pas souhaiter s’investir dans la démarche, nous leur laissons le choix. »

Ces temps de partage sont très appréciés des résidents, comme en témoigne Henriette, arrivée dans la résidence en juillet 2020 et malvoyante : « Savoir qu’il y avait des jeunes au-dessus m’a motivée et attirée. Je me suis dit : « Je vais croiser des jeunes et je ne vais pas être coupée entièrement ». Car ce qui a été très difficile pour moi au début, c’est que je pensais que comme c’était une résidence autonomie, tous les gens étaient valident. Et puis j’ai trouvé des gens en déambulateur, pas autonomes et des gens aussi très âgés. Donc c’est difficile d’avoir des relations. Le fait de voir de la jeunesse, de croiser les jeunes dans les escaliers, dans le hall, aux animations, dans les jeux, ça c’est très très bien, c’est très positif. Et puis ils sont très respectueux, compréhensifs et patients. Parce qu’il faut de la patience pour tout avec nous les personnes âgées. »
Les motivations des jeunes sont doubles : apprendre auprès des personnes âgées et réduire le prix de leur loyer. Les agents présents au quotidien au sein de la résidence autonomie témoignent d’un changement des relations entre les habitants depuis la pandémie. Distanciation sociale oblige, le public fragile des aînés n’a pas été épargné par l’isolement. Malgré tout, au gré des améliorations, les liens perdurent et chacun est motivé pour encourager et participer aux activités.
Le dispositif est d’ailleurs élargi à d’autres structures comme l’association Erasmus Student Network et le Centre Linguistique Appliqué (CLA) de Besançon.

« Ça permet d’inscrire le projet dans la cité. Ces jeunes apportent le partage d’une langue, d’une culture et je sais que les résidents sont ravis de pouvoir découvrir la culture, la gastronomie ou même l’histoire d’un pays. Durant les quelques heures où viennent ces étudiants du CLA à la résidence autonomie, le partage apporte aux uns et aux autres une vraie richesse. »

Alban Soucarros, directeur général du CCAS

Le Centre d’Entraînement Aux Méthodes d’Education Actives (CEMEA) devait également intégrer deux jeunes en contrat civique européen cette année mais la pandémie a repoussé le projet. L’objectif sera d’inclure ces jeunes à la vie de la résidence, en parallèle de leur service civique.

Le CCAS porte ce dispositif sur ses fonds propres. Le coût à l’année est d’environ 15 000€ pour les 11 places disponibles à la résidence. Au vu de la réussite de ce projet, le CCAS réfléchi à le pérenniser dans les 4 autres résidences autonomies qu’il gère. Une chambre sur le même principe est déjà mise en place dans l’un d’entre-elle.
Le dispositif va également s’intégrer dans le plan jeune développé à l’échelle de la ville et de la métropole. Il va s’imbriquer avec d’autres démarches pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, « c’est une démarche transversale », précise Sylvie Wanlin.