Clermont Auvergne Métropole : “ Échanger avec tous les acteurs sur les enjeux de transitions pour tous travailler dans la même direction”

Dans la continuité du focus sur les conséquences du changement climatique sur les compétences intercommunales d’Intercommunalités de France, nous vous proposons un retour d’expérience de la métropole Clermont Auvergne. Celle-ci est très active sur sa politique d’adaptation au changement climatique. Elle a décidé d’aller plus loin qu’un PCAET classique en créant un Schéma de Transition Écologique et Énergétique (STEE). Un document stratégique pour son territoire en matière de développement durable qui permet d’intégrer l’ensemble des acteurs et de mobiliser tous les agents de la collectivité. La métropole s’appuie notamment sur un réseau de référents de la transition au sein des différentes directions.

Violaine Magne, Cheffe de service Stratégie et Animation à la Direction Développement durable et Energie de Clermont Métropole a répondu à nos questions.

Quelle a été la réflexion de la métropole dans l’adaptation au changement climatique ?

Quand nous n’étions pas encore une métropole, mais une communauté d’agglomération, nous avons fait le premier Plan Climat. C’était en 2014. Puis en 2017/2018, nous sommes allés plus loin en créant un Schéma de transition énergétique et écologique. Il répond à l’obligation réglementaire de Plan Climat Air Énergie Territorial. Mais en plus, il adjoint des enjeux en matière de biodiversité, de qualité de l’eau ou de qualité des sols. C’était une volonté politique très forte, que l’ensemble de notre feuille de route de transition soit rassemblée dans un document cadre.

Comment avez-vous rédigé celui-ci ?

Il a fallu plus d’une année pour l’élaborer. Il a été adopté en février 2019. Nous avons eu un très gros travail de diagnostic. Notamment pour obtenir les données de consommation énergétique ou de production d’énergies renouvelables. Nous avons été aidés par les nouveaux observatoires régionaux climat air énergie. Il y avait aussi la nécessité d’avoir un diagnostic sur la biodiversité et la qualité des eaux. C’est un travail qui a été mené avec l’appui d’une assistance à maîtrise d’ouvrage (cabinet Indigo) mais cela nous a surtout demandé un énorme travail transversal. Il a fallu s’appuyer sur l’expertise des agents en interne. Il a fallu travailler avec les communes. Nous avons pu nous appuyer sur une instance, un outil ad-hoc qui regroupait les communes volontaires. Cinq laboratoires de la transition nous ont permis de regrouper une centaine de partenaires pour construire avec eux un plan d’action. Nous avons aussi mené un travail avec le grand public dans des lieux stratégiques de la métropole pour les interviewer sur leur vision de la transition, des actions déjà menées et des nouvelles idées à mettre en place.

L’idée était aussi de montrer que la collectivité n’est pas la seule à avoir des réponses face au défi du changement climatique ?

C’est exactement ça. Nous avons un tissu industriel très important sur Clermont Auvergne Métropole. Avec par exemple la présence de l’entreprise Michelin et de ses sous-traitants. Il y a tout un écosystème universitaire très développé sur ces questions de transitions énergétiques. C’était important de les avoir avec nous. Nous avions à cœur d’intégrer aussi les différents relais, les chambres consulaires, les fédérations du bâtiment ou les bailleurs sociaux. C’était très important d’échanger avec tous les acteurs sur ces enjeux pour que l’on puisse tous travailler dans la même direction.

Comment avez-vous travaillé avec les communes ?

Clermont Auvergne Métropole est constituée de 21 communes. Il faut noter que le schéma a été réalisé conjointement par la métropole et sa ville centre, Clermont-Ferrand. Cette dernière est engagée depuis 2005 dans des politiques très stratégiques sur la question de la transition. Avec les communes, une instance appelée « commission communautaire élargie transition énergétique » a été réunie à chaque grande étape de la construction de notre schéma. Dès le départ, nous avons souhaité travailler la stratégie avec les communes volontaires, puis le plan d’actions. Ce qui est intéressant, c’est ce qui en est sorti. Cette instance continue à vivre depuis le vote du schéma de transition. Nous réunissons les communes entre 3 et 6 fois par an pour parler des enjeux. Nous les intégrons également au rapport développement durable que les collectivités doivent discuter avant le vote du budget.

Y avait-il une logique d’identifier ce que chacun pouvait faire en fonction de ses compétences ?

Oui. Ce qui était intéressant, c’est que quand nous sommes partis ensemble sur la labellisation Climat Air Énergie (Citergie), Métropole et ville de Clermont-Ferrand. Nous avons pu voir la pertinence d’avoir cette association. Tout le référentiel est couvert par les compétences des deux échelons. C’est par exemple le cas sur la question de l’alimentation scolaire. C’est un sujet important quand on veut parler de territoire résilient.

Cela permet aussi de casser les silos ?

C’est important pour nous d’avoir une liaison entre les compétences de chacun. Sur le bâtiment, c’est très visible. Les communes en possèdent énormément. Des écoles, des gymnases, des salles de spectacles… Nous travaillons avec elles sur la réduction des consommations énergétiques sur leur patrimoine. C’est très intéressant car avec les hausses importantes de l’énergie, les collectivités se retrouvent en difficulté. Tout le travail réalisé en amont sur les possibles baisses de consommation rencontre l’actualité sur cette situation d’urgence.

Comment le travail avec les acteurs du territoire s’est-il déroulé ?

Depuis 2013, et au départ avec l’agglomération, nous avions un club climat. Il regroupait les acteurs institutionnels, économiques, associatifs et universitaires. Ils étaient réunis régulièrement sur des thématiques pour aborder différents sujets et tenter de trouver des solutions ensemble. C’était un réseau assez fort. Pour l’élaboration de notre schéma, nous avons créé avec eux cinq laboratoires de la transition. Nous avons travaillé par thématique. Nous avons posé des propositions d’actions et nous avons discuté avec eux d’un possible engagement. Sur quelles actions se voyaient-ils participer ? Ou être partenaires ? Nous avons recueilli leur avis. Cela continue aujourd’hui. Nous avons trouvé un format qui fonctionne lors des semaines européennes du développement durable. Nous les réunissons pendant 2H pour un speed dating. Chacun peut venir présenter ce qu’il fait ou proposer un projet. Cela permet de savoir ce qui se fait sur le territoire. La métropole présente aussi ses actions. Chacun peut se mettre à niveau.

Tout le monde peut-il ainsi se sentir concerné ?

En Auvergne, nous avons pris l’habitude de dire ce que nous faisons de bien. Certains territoires maîtrisent très bien l’art de se vendre. Traditionnellement, nous sommes plutôt discrets. On a l’impression d’être moins bien que les autres. Quand on prend le temps de se poser, on se rend compte de la dynamique en cours. Je pense que c’est très entraînant pour tout l’écosystème.

Comment le territoire se prépare-t-il à s’adapter au changement climatique ?

Sur la question de l’adaptation au changement climatique, nous avons des enjeux assez classiques de grandes métropoles. Par exemple, la question de la canicule. Avec un point de bascule sur la prise de conscience de l’année 2019. Cela a été assez terrible. La canicule est intervenue pendant la période scolaire. Nous avons eu un déclic généralisé pour se dire que vraiment nous avions un problème. La métropole et les communes se sont saisies de ce défi. Nous devons nous adapter. Parmi les projets en cours, il y a le levier de revégétalisation qui a été utilisé. Mettre des arbres en ville. Notamment dans les cours des écoles. Cela va prendre du temps car c’est onéreux de débitumer pour planter de la végétation. Il faut aussi s’assurer d’avoir assez d’eau pour arroser. C’est une demande assez forte des citoyens. Chaque fois que l’on coupe un arbre, nous devons nous justifier.

Quelles autres actions sont menées ?

Au niveau métropolitain, c’est une autre action qui prend beaucoup de temps. Nous sommes un territoire sans rivière ouverte. Elle est canalisée et enterrée pour n’apparaître qu’à certains endroits. La métropole a la compétence de l’aménagement et de la gestion de l’eau. Elle a donc décidé, en plein cœur de Clermont, de débuser la Tiretaine. C’est un petit tronçon mais c’est révolutionnaire. Pendant des années, les habitants ne savaient même plus par où elle passait ! Nous allons créer autour un jardin résilient, capable d’absorber les crues. Il agira positivement sur le risque d’inondation et en temps normal, ce sera un jardin pour profiter de la rivière. Nous ramenons de l’eau en plein cœur de la métropole.

Le cycle de l’eau est un levier intéressant…

Oui, nous travaillons aussi à la renaturation des cours d’eau, plutôt sur d’autres communes de la métropole. Ce sont des coûts très importants. Il y a aussi un énorme travail sur les rejets polluants. Il faut une sensibilisation de tous les acteurs. Économiques et citoyens. Il doit aussi y avoir des contrôles pour éviter les rejets.

Comment travaillez-vous autour de la sécheresse ?

C’est un sujet inattendu mais qui frappe de plein fouet la métropole. C’est très préoccupant. Nous avons des stress hydriques (en dehors de l’été 2021) sur les cinq dernières années. Il y a une diminution continue de la ressource. L’Auvergne s’est longtemps vue comme le château d’eau de la France. Ce n’est plus du tout le cas. Nous sommes face à une sensibilisation des acteurs. C’est un message compliqué à faire passer sur notre territoire. Cette année pourtant nous avons eu une mise en vigilance dès le mois de mai. Derrière le patrimoine arboré est en souffrance et en diminution.

Le schéma arrive-t-il à influer sur les politiques du quotidien ?

Le schéma de transition écologique et énergétique est posé comme un chapeau à toutes nos nouvelles programmations. Il avait été voulu comme ça. C’est un schéma intégrateur. Quand on réactualise le programme local de l’habitat ou le PLUI évidemment qu’il faudra prendre en compte les objectifs du schéma de transition. Cela fonctionne très bien. Le programme local de l’habitat, par exemple, a repris nos objectifs fixés en matière d’énergie. Le PLUI dit aussi des choses en matière de consommation d’espaces ou d’îlots de chaleur. Les précédents Plan Climat souffraient d’un manque d’intégration. Ce n’est pas le cas ici. Tous nos collègues ont été associés à la démarche et ont des piqûres de rappel régulièrement. Ils viennent aussi nous chercher lorsqu’ils recherchent une expertise.

Comment réussir à franchir ce cap ?

C’est le fruit d’un travail de longue haleine. Nous mobilisons les collègues, les impliquons depuis 2017. Nous ajoutons des ateliers comme par exemple des Fresques du climat. Tous les membres de la collectivité peuvent en faire. Derrière, nous travaillons pour montrer ce que la collectivité fait et comment leur direction peut s’impliquer. Ce n’est pas juste l’élaboration d’un document. Nous avons un travail de fond sur l’animation interne. Nous nous appuyons aussi sur un outil fort. Notre réseau des référents transition, environ 50 agents. Dans chaque direction de la Métropole, de la ville de Clermont-Ferrand et de son CCAS, nous avons une personne référente sur les questions de transitions écologiques et énergétiques. Il nous fait remonter des données et indicateurs. Il est aussi un relais sur nos campagnes de communication internes. Nous les réunissons deux à trois fois par an. Notre service ne pourrait rien faire sans ce réseau de personnes volontaires.

Quelles sont les prochaines étapes de ce schéma ?

Actuellement, nous sommes en phase d’évaluation et d’actualisation du schéma de transition. Réglementairement, il est obligatoire d’évaluer le PCAET tous les trois ans. Cela nous permet d’ajouter la question de la sécheresse. Pour cela, nous utilisons un programme de l’Ademe appelé TACCT, Trajectoires d’Adaptation au Changement Climatique des Territoires. Nous sommes dans ce programme avec neuf autres territoires d’Occitanie et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Il y a un bureau d’étude qui nous accompagne sur la méthodologie. Nous travaillons sur la mise à jour du diagnostic de vulnérabilité du territoire au changement climatique puis sur la stratégie pour s’adapter. Nous travaillons avec les agents sur leurs tâches du quotidien et leurs observations. C’est intéressant car nous allons chercher les connaissances des acteurs de terrain. Il y a beaucoup d’expertises en interne mais cela nécessite du temps et de la méthode pour les mobiliser.

Par Baptiste Gapenne