Rennes Métropole (35) : « Je suis convaincue que la relance doit être l’occasion de promouvoir des transformations de modèles»

Nathalie Appéré est la présidente de Rennes Métropole (35). Pour la série « Au cœur de la relance », elle revient sur les différents dispositifs mis en place sur son territoire. Pour elle, la relance c’est avant tout l’accompagnement des acteurs locaux pour minimiser les effets de la crise et trouver l’énergie du rebond.

Pitch vidéo

– La mise en place des initiatives – 

Qu’avez-vous mis en place sur votre territoire pour venir en aide aux acteurs locaux au début de la crise sanitaire ?

Depuis le début de la crise sanitaire, comme l’ensemble des collectivités, nous avons eu à cœur d’être particulièrement à l’écoute de l’ensemble des acteurs. Faire preuve d’agilité et de réactivité par rapport aux demandes et accompagner en permanence et singulièrement ceux qui sont le plus en fragilité. Au niveau du champ économique, dès le mois d’avril 2020, nous avons développé un plan de soutien pour les acteurs les plus touchés. C’est passé par des annulations de loyers, des aides à l’investissement, ou la prise en charge de consommables liés à la mise en œuvre des protocoles sanitaires. 

C’est un accompagnement global…

Dans nos compétences, nous avons également l’accompagnement des plus vulnérables. Il y a évidemment l’action sociale, de manière traditionnelle portée par les villes. Mais au regard d’une compétence habitat, nous avons aussi mis en place un fonds d’urgence loyer doté d’un million d’euros permettant de prévenir les ruptures de paiement. Les occupants du parc HLM ou du privé pouvaient en disposer. Tous ceux qui étaient particulièrement fragilisés économiquement et qui ne rentraient pas dans les cases. De la même manière, nous avons débloqué des fonds de soutien pour lutter contre la précarité étudiante. Nous avons eu un regard particulier sur les étudiants étrangers les plus fragiles. À Rennes, ils représentent 10% de l’effectif étudiant. Les premiers mois de la crise, ils se sont retrouvés dans une situation d’isolement et de dénuement total. Ce sont des mesures d’urgence. Puis, nous avons préparé l’après et la relance. 

Comment avez-vous préparé ce plan de rebond ?

En octobre, nous avons adopté un plan de rebond. Il est destiné à accompagner les acteurs pour qui la crise a eu un impact économique important. En parallèle, il prépare la résilience économique du territoire avec un soutien filière par filière. Nous avons identifié un certain nombre de points clés de l’économie rennaise. Nous avons ensuite construit, avec les acteurs de chacune de ces filières, un plan destiné à les accompagner sur du moyen-long terme pour singulièrement y développer l’emploi. 

– Le fonctionnement des initiatives –

Quelles aides sont maintenues sur votre territoire ?

Les aides ont été recentrées. C’est difficile d’avoir une lecture uniquement intercommunale car l’acteur en première ligne reste avant tout municipal. C’est cela qui créé la cohérence de l’intervention sur le territoire. Mais si je me centre sur la question économique, les aides qui perdurent largement sont celles concernant le commerce et l’hôtellerie-restauration-café. Ces secteurs sont encore impactés par les fermetures administratives. Au niveau de l’industrie culturelle, nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs, notamment d’aide à la diffusion audiovisuelle. Par exemple, un fonds de 300 000€ permet la diffusion des créations via notre partenaire local, TV Rennes. Parallèlement, nous avons aussi un fonds de soutien à la participation au salon numérique pour continuer de permettre le rayonnement de ces industries culturelles. 

Et concernant le volet social ?

La crise a précarisé socialement et économiquement. Lorsque je parle du fonds urgence loyer à l’échelle métropolitaine, c’est pour prévenir les ruptures. Mais derrière c’est aussi l’engagement à maintenir en faveur d’une politique de l’habitat à tous les niveaux. À la fois pour favoriser la relance économique, mais surtout faire en sorte que chacun puisse continuer à se loger dans un contexte de tension et de précarisation. Je pourrais citer la multiplicité des aides, des soutiens à caractère social, car il n’y aura pas de relance si elle n’est pas juste. Au niveau intercommunal, nous avions un plan de jeunesse dont nous sommes en train d’arrêter les actions au niveau métropolitain. Pour le reste, nous sommes sur des actions mises en place par la ville comme l’expérimentation Territoire zéro chômeur, le plan job, etc.

La relance sera aussi écologique, comment cela se prépare sur votre territoire ?

Nous avons pu ré-abonder un certain nombre d’actions. Je pense notamment à la question de la rénovation thermique des logements et aux aides complémentaires aux propriétaires. Toutes les actions en matière de mobilité et d’infrastructures de transport. Il ne faut pas oublier que le premier de nos rôles contracycliques en matière économique est d’abord et avant tout autour de la commande et de l’investissement publique. 

Est-ce que vous pensez vous engager avec le CRTE ?

Nous avons toujours revendiqué la perspective de contrat intégrateur entre l’État et les collectivités. Surtout un contrat qui puisse se mettre en place sur la durée de nos mandats. Nous avons été, à l’échelle communale et intercommunale, élus en juin. Nous avons des programmes qui sont légitimés par l’élection. Nous pouvons être des acteurs très efficaces de la relance avec des projets prêts à démarrer. Mais seulement si nous sommes accompagnés pour les mettre en œuvre. Le rôle du CRTE doit être de nous assurer un soutien financier pour permettre cette contribution à la relance. Avec des projets adaptés au territoire et les plus opérationnels possible. Donc oui sur le principe à un contrat de relance et de transition écologique. 

Et dans sa mise en place concrète ?

Nous sommes confrontés à plusieurs difficultés aujourd’hui. D’abord, très concrètement, nous voyons la relance se manifester à travers des appels à projets à répétition, qui ne favorisent pas une approche transversale et territoriale. C’est également assez loin de nos aspirations de méthodes. Par ailleurs, un contrat oui, mais comment est-il alimenté financièrement ? À ce jour, au-delà des déclarations gouvernementales de principe, dans les échanges que nous pouvons avoir avec nos interlocuteurs que sont les préfets, nous sommes dans l’incapacité d’identifier la manière dont ces contrats sont alimentés. Donc s’il s’agit de mettre nos programmes dans ces contrats pourquoi pas, mais nous n’avons pas de réponse sur la manière dont l’État entend nous accompagner financièrement. À ce stade, les CRTE sont largement des coquilles vides, à défaut d’alimentation financière. 

Quelle est la prochaine étape au niveau de la relance ?

Encore faudrait-il avoir une visibilité sur la date de sortie de crise pour pouvoir définir ce que serait la prochaine étape. Je pense qu’au contraire il faut être en situation d’adaptation permanente, continuer à être agile, à accompagner au quotidien, tout en se projetant. Ce dont je suis convaincue, c’est que la relance, le rebond, doit être l’occasion de promouvoir des transformations de modèles. Si je me situe sur le développement économique, la relance est l’opportunité d’être vertueux sur le plan énergétique et écologique. La relance est l’opportunité d’être plus juste sur le plan social. Pour notre part, c’est en continuant à concilier justice sociale et transition énergétique que nous avons envie d’aborder la relance. Elle ne doit pas affaiblir nos ambitions à l’échelle du territoire métropolitain. 

– Les éléments à retenir –

Quel est le coût des actions d’urgences déployées sur votre territoire et du plan de rebond ?

Au niveau des actions urgentes, nous avons débloqué quatre millions d’euros dans un premier temps. Mais comme la situation reste complexe, la plupart des aides sont prolongées jusqu’en juin 2021. En octobre, nous avons porté ce volet à 10 millions d’euros. Pour le plan de rebond, nous sommes davantage sur des aides et des investissements structurants à l’échelle du mandat. Nous entrons dans le temps long, en tout cas moyennement long, de la reprise et de la relance. La métropole a engagé une contribution de 30 millions d’euros. Cette somme s’articule avec des aides qui pouvaient exister par ailleurs, notamment au niveau de l’État qui a été particulièrement présent, c’était dans son rôle.

Quelle(s) difficulté(s) avez-vous rencontrées lors de la mise en place de ces différentes actions ?

Nous avons été dans une période singulière sur le champ économique. Il y avait, et c’est heureux, beaucoup d’aides. De fait, des mailles assez serrées de filets pour soutenir les acteurs en difficultés. Finalement, nous avons vraiment eu besoin d’aller vers l’ensemble des acteurs économiques avec des dispositifs de contact systématique : phoning, communication ou autre. Le recours spontané n’était finalement pas très élevé. Nous avons eu besoin de faire connaitre les dispositifs pour ne pas que des acteurs se retrouvent fragilisés à défaut d’avoir connaissance des aides. Une autre difficulté est apparue à propos de l’adaptation permanente. Quand nous avons adopté le plan de rebond en octobre, nous nous projetions déjà vers l’après crise. Je crois que nous n’avions pas forcement anticipé que plusieurs mois après, nous y serions encore, et assez largement. Donc il faut modifier et replacer en permanence le curseur entre l’accompagnement d’urgence pour aider les acteurs à tenir et le rebond. 

Entretien réalisé le 11/02/2021

« Au cœur de la relance » est une série de Territoires Audacieux en partenariat avec l’Adcf – Intercommunalités de France destinée à valoriser les initiatives des intercommunalités dans le cadre de la relance, à les accompagner : interviews de président.e.s d’intercommunalités, questions/réponses techniques, échange avec une personnalité qualifiée…