Jacques Oberti est le président de la communauté d’agglomération du Sicoval. Pour la série « Au cœur de la relance », il revient sur la manière dont son territoire souhaite sortir gagnant de la crise du Covid-19. Pour lui, il est important de profiter de cette période pour imaginer les futures filières économiques positives tout en liant développement local et écologie.
– Pitch vidéo –
– Mise en place du projet –
Quelles sont les caractéristiques du Sicoval ?
Le territoire du Sicoval est très dynamique. Nous avons 36 communes pour 85 000 habitants. Nous sommes sur une dynamique démographique mais aussi économique. Nous sommes l’une des intercommunalités les plus anciennes. L’esprit de notre territoire, c’est de pouvoir gérer au mieux ce dynamisme économique. Nous avons une logique de partage et de solidarité pour assurer le meilleur accueil sur l’ensemble du territoire. Il y a donc une mise en commun des moyens pour créer des pôles d’activités performants. Il y a également une volonté de ne pas prendre de risque. C’est une politique historique chez nous. Nous avons toujours voulu maitriser notre développement économique. Cela se traduit notamment par la question de la maitrise foncière. Nous voulons garantir un cadre de vie. Aussi bien aux entreprises qu’aux citoyens de notre territoire. Nous avons des grandes entreprises comme Berger-Levrault ou Thales mais aussi plusieurs pépinières d’entreprises. Nous avons aussi une partie du territoire liée au spatiale.
Qu’avez-vous mis en place dans le cadre de la Relance ?
Durant le confinement, nous avons donné la priorité à nos administrés. Notre intercommunalités exerce des compétences de services à la personne. Nous gérons tout ce qui est lié à la petite enfance mais aussi aux soins à domicile ou aux portages de repas. Nous avons aussi accompagné les CCAS des communes. Pour ce qui est de la relance, nous avons décidé de nous positionné très tôt, au mois de juillet 2020, sur un plan de relance ambitieux. Par rapport à notre taille, nous avons décidé d’allouer des sommes conséquentes (montant total?)
Que contient ce plan ?
Il y a eu du soutien aux entreprises mais aussi des initiatives tournées vers l’avenir. Nous nous sommes posés une question simple : par rapport à nos secteurs d’activités préférentiels comme l’agro-science, les objets connectés, la data ou la spatiale, comment raisonner en avance de phase en respectant notre programme politique ? Nous avions un petit temps d’avance car nous avions signé en début d’année 2020 un Contrat de transition écologique (CTE). Nous voulions avancer sur toutes les transitions (écologique, énergétique, numérique…)
Que voulez-vous faire ?
Nous souhaitons répondre à trois questions. Quels sont les projets prévus pour ce mandat que nous pourrions réaliser plus tôt que prévu ? Quels sont les secteurs particulièrement porteurs dans le cadre des grandes transitions ? Comment mettre en avant la question de la transition écologique comme un atout de développement économique et social ?
Et vous avez trouvé les réponses ?
Cela nous a amené à regarder l’ensemble des secteurs d’activités. Par exemple, nous avons accéléré la mise œuvre de notre schéma de pistes cyclables. Nous avons accentué notre travail sur la question des espaces naturels. C’est parfois moins mis en avant sur certains territoires mais cela contribue énormément à la question de la qualité du cadre de vie. Nous voulons réserver plus de deux tiers de notre territoire aux espaces naturels et à l’agriculture. Dans le cadre du plan de relance, l’agence de l’eau a dégagé une enveloppe exceptionnelle. Nous avions un programme ambitieux mais là nous allons pouvoir agir aux niveaux des espaces naturels de manière conséquentes dans les deux prochaines années.
– La relance au quotidien –
Votre relance va être très orientée vers la transition écologique ?
Oui. Nous avons aussi des projets liés à la transition écologique et l’économie circulaire. Par exemple, nous avons des partenariats pour développer le BIO Gnv (Gaz Naturel Véhicule) .Nous allons pouvoir investiguer plus rapidement les questions liées à l’hydrogène. Nous voulons une filière verte. Nous avons aussi un programme en matière de gestion des déchets. Ils iront peut-être vers des unités de méthanisation sèche en travaillant avec les agriculteurs. Ce sont des programmes que nous souhaitons accélérer à travers le plan de relance. Enfin, nous voulons vraiment nous poser la question de la relance par le développement économique. Celui-ci ne peut être que vertueux et ne correspondre qu’au développement durable. Nous devons démontrer que nous pouvons être en harmonie avec les objectifs de la région Occitanie. Elle souhaite être la première région à énergie positive.
Cela passe par des projets concrets ?
Nous avons par exemple un projet sur une nouvelle zone d’activité. Dans son développement, ce projet se veut vertueux. Il va héberger une filière concernant le bâtiment responsable. Nous étions déjà très engagés mais nous allons accélérer pour être présents sur le secteur en amont et en aval. Il faut intégrer tous les segments de la transition énergétique. Il faut de la recherche sur les matériaux mais aussi de la formation pour les intervenants dans les entreprises de notre territoire (et au delà). Il y aura un démonstrateur ouvert au public mais aussi une pépinière d’entreprises et un secteur innovation / recherche. Nous voulons que ce soit la première zone d’activité à énergie positive à l’échelle nationale et peut-être même internationale.
Le projet avait été lancé avant la crise du Covid-19 ?
Oui. Nous n’étions alors pas dans la dynamique du plan de relance quand nous avons lancé ce projet. Les partenaires de la filière étaient déjà très emballés. Le plan de relance amène encore plus de crédibilité à notre démarche. Il va y avoir une évolution des filières économiques. Il est extrêmement important de montrer que l’on peut encore réaliser du développement économique local dans le cadre des principes de la transition écologique.
Au niveau du financement vous avez développé un Small Business Act sur votre territoire…
La collectivité doit montrer l’exemple. Nous avons boosté notre commande publique. Par exemple, notre intercommunalité est très engagée sur la question de la rénovation énergétique. Nous avions besoin sur notre territoire d’un nouveau centre de loisir. Nous avons décidé de le construire avec un bâtiment responsable (E4C2VERIFIER). Il répond à un appel à projet de la région appelé « No Watt ». Il est au top au niveau énergétique et en même temps bas carbone de la genèse du projet à son futur démantèlement dans 50ans. Le projet a permis aux entreprises du territoire de se poser la question sur leur capacité à construite ce type de lieu. Cela sera sûrement l’exigence de la commande publique dans cinq ou dix ans. C’est typiquement ce que j’appelle travailler en « avance de phase ». Nous avions travaillé à un module complémentaire. C’est la création d’un restaurant scolaire. Faute de moyens, il n’avait pas pu être intégré à l’appel d’offre initial. Avec les fonds du plan de relance nous devrions réussir à l’ajouter au programme. C’est un projet, au total, à six millions d’euros.
Peut-on dire que la relance va booster votre projet de territoire ?
Le Sicoval est particulièrement engagé auprès de l’AdCF pour faire évoluer dans le bon sens l’adéquation entre les attentes de l’Etat et une vision d’un projet de territoire cohérent et pertinent. Militons pour que l’accompagnement de l’état sur les projets de territoire, ne se fasse pas par des appels à projet mais bien dans le cadre d’une rencontre entre un projet décidé par les élus et les attentes de l’État. Nous devons travailler sur une plateforme, même plus globale de partenariat avec l’État, la région ou le département. Nous avons la chance d’avoir un département et une région qui aident énormément les territoires.
C’est le rôle du futur CRTE…
Oui, nous préparons actuellement notre Contrat de relance et de transition écologique. Nous voulons aboutir à une signature unique de tous les partenaires pour démontrer que c’est possible ! Nous pouvons raisonner sans les appels à projet. Le projet de territoire doit être la base de réflexion. Nous allions cette dynamique de phase sur le plan de relance avec une vision à moyen ou long terme sur notre territoire.
– Les informations à retenir –
Où en êtes-vous des différentes étapes qui vont vous permettre d’aller jusqu’à la signature du CRTE ?
Cela se passe très bien. C’est du gagnant-gagnant. Nous sommes très intéressés car cela va mettre en avant le projet porté par nos élus. Nous construisons en avançant. Au niveau de notre région, nous avons des services de l’État qui sont très à l’écoute et motivés. Le préfet était venu signé notre Contrat de transition écologique au début de l’année 2020. Il est très impatient de venir signer le CRTE avant le mois de juin. Nous savons que ce ne sera qu’une première version du CRTE. Il sera amendé un peu plus tard car l’échéance de l’été arrive vite. Nous le retravaillerons également pour y ajouter des projets communs avec le département et la région. Actuellement, ils ne peuvent pas à cause des élections prévues pour juin.
Pensez-vous que cette démarche globale soit intéressante ?
Ce qui est intéressant pour nous c’est la dimension de partage avec l’État de notre dynamique. Mais aussi avec les autres territoires. Je suis engagé avec plusieurs associations d’élus comme l’AdCF. Notre idée, c’est de pouvoir entrainer d’autres territoires pour que collectivement nous puissions tous gagner du temps. Il en va de la rapidité avec laquelle nous sortirons de la crise. C’est important pour de très nombreux ménages et c’est important pour retrouver une sérénité sociale. Il faut jouer collectif. C’est une course contre la montre. Qui plus est car des moyens conséquents sont mis en œuvre.
Cela doit créer également une dynamique localement…
Nous voulons entrainer les 36 communes de notre territoire dans les opérations du plan de relance. Nous aimerions que s’ils le souhaitent les 36 maires signent ce CRTE. L’intercommunalité a quelques marges de manœuvre mais il y a complémentarité de compétences avec les communes. Par exemple, les communes ont conservé la compétence de l’école. Certaines ont besoin de s’agrandir mais presque toutes ont besoin d’être rénovées énergétiquement. Il ne faut surtout pas laisser passer l’occasion. Les années 2021 et 2022 doivent être très ambitieuses.
Avez-vous rencontrés des difficultés particulières ?
Quand vous raisonnez en avance de phase sur vos financements, c’est pas toujours facile. Soit l’État vient juste compléter votre financement pour boucler votre budget, soit vous cherchez à optimiser l’ensemble de vos financements avec une stratégie avec d’autres partenaires. Une véritable difficulté, c’est de mobiliser sur un temps très court, celui du plan de relance, une ingénierie financière nous permettant de pouvoir avoir un alignement des planètes : département / région / État. Si ce n’est pas les cas, le coup de booster du plan de relance retombera très vite si l’auto-financement du territoire est trop important. J’en ai parlé au niveau local et au niveau national. Il faut que dans la suite de ce que fait l’État avec le CRTE, il imagine un montage similaire avec les départements et les régions pour que tout le monde se mette en marche.
Le CRTE répond à vos attente ?
Cela nous amène à la seconde difficulté. Même si je le vois plus comme un défi. C’est celui de couvrir tout le territoire. Il ne doit pas y avoir que les collectivités en très bonne santé qui puissent décrocher les crédits du plan de relance. C’est très important pour l’équité territoriale. Si vous arrivez à faire en sorte que beaucoup de communes participent à ce plan de relance, cela voudra dire que les artisans installés dans tout le territoire en profiteront. Il ne faut pas laisser un monopole aux grosses collectivités qui ont l’habitude de travailler sur des appels à projet. La troisième fragilité du plan de relance concerne la mobilisation de l’ingénierie technique.
« Au cœur de la relance » est une série de Territoires Audacieux en partenariat avec l’Adcf – Intercommunalités de France destinée à valoriser les initiatives des intercommunalités dans le cadre de la relance, à les accompagner : interviews de président.e.s d’intercommunalités, questions/réponses techniques, échange avec une personnalité qualifiée…