De Douaisis Agglo (59) à Louvain (Belgique) : vers des systèmes alimentaires locaux et durables pour les villes

La soutenabilité du système alimentaire mondial est désormais une question prépondérante dans les enjeux de transition. La nécessité de réduire les coûts et d’augmenter les profits a engendré une dépendance à l’égard des combustibles fossiles, d’une main-d’œuvre bon marché et de pratiques agricoles non durables. Aujourd’hui, de nombreux Européens sont toujours menacés par l’insécurité alimentaire. Soutenus par des programmes, des appels à initiatives et des labels en plein développement, des territoires se lancent dans des projets créatifs et inspirants pour se réapproprier le système alimentaire, créer de la valeur locale et améliorer le cadre de vie. Découvrez les transformations locales opérées par Douaisis Agglo, dans les Hauts-de-France, et de la ville de Louvain, en Belgique. Dans cet article, Caroline Panard de Futureproofed (membre de la communauté Territoires Audacieux) discute des défis auxquels sont confrontés les systèmes alimentaires locaux.

Les défis des systèmes alimentaires locaux dans les villes

Un écosystème d’acteurs complexe – Le développement des systèmes alimentaires locaux dans les villes est freiné par l’existence d’un grand nombre d’acteurs concurrents, parmi lesquels de grands producteurs alimentaires et des chaînes de supermarchés qui détiennent un grand pouvoir d’influence.

Un manque de soutien politique et budgétaire – De nombreuses villes manquent de personnel et de ressources. La réglementation nécessite un assouplissement pour les petits producteurs ou le développement des marchés fermiers.

Des politiques divergentes – Là où les villes mettent en place des politiques pour encourager les systèmes alimentaires locaux, d’autres politiques ont des effets contradictoires. Les producteurs locaux pourraient bientôt être en concurrence avec des produits alimentaires importés moins chers dans le cadre de l’accord commercial UE-Mercosur.

Le «local-washing» – Si le traçage et l’étiquetage des aliments sont devenus beaucoup plus présents ces dernières années, certaines entreprises tentent encore de contourner le système en étiquetant leurs aliments comme «locaux». Par exemple, certaines réglementations autorisent les aliments à être étiquetés «produits localement» s’ils ont été transformés et emballés localement. La réalité est qu’il peut avoir été importé d’un autre pays, ce qui peut induire en erreur les consommateurs et les éloigner des marques véritablement locales.

Le coût «réel» de la nourriture – Avec l’ampleur des produits alimentaires produits en masse, il y a sans aucun doute des économies de coûts de production. Les producteurs alimentaires locaux peuvent avoir du mal à rivaliser sur les prix et à s’implanter sur le marché.

Vers un système alimentaire durable et local en Europe ?

Lancé en Décembre 2020, le Green Deal Européen a défini la feuille de route pour devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050. Au cœur de l’accord se trouve la stratégie «Farm to Fork» («De la ferme à la fourchette»), qui détaille la manière dont les Européens passeront à un système alimentaire durable. Dans les faits, c’est une politique controversée qui sera mise en œuvre : la Commission Européenne souhaite récompenser les agriculteurs qui séquestrent du carbone dans leurs sols à travers des mécanismes de marché basés sur la compensation carbone.


En France, l’alimentation est adressée dès 2001 via les Plans Nationaux Nutrition Santé, puis par le Programme National pour l’Alimentation en 2011. Les États Généraux de l’Alimentation (EGALIM), engagés en 2017, souhaitent permettre aux agriculteurs de vivre dignement par le paiement de prix justes et de promouvoir les choix de consommation en faveur d’une alimentation saine, sûre et durable. Depuis 2017, pour accompagner la mise en œuvre de la Loi d’Avenir de 2014, le Ministère de l’Agriculture propose une reconnaissance officielle de Projets Alimentaires Territoriaux (PAT). Un PAT est un projet de concertation multi-acteurs, qui vise à relocaliser l’agriculture et l’alimentation sur le territoire, tout en encourageant des pratiques durables.

Certaines villes ont déjà réalisé les avantages d’encourager la croissance des systèmes alimentaires locaux. Nous avons sélectionné deux excellents exemples de politiques mises en œuvre par des territoires.

Source : © rnpat

Alimcad : le Projet Alimentaire Territorial de Douaisis Agglo

« Volonté politique » et « concertation territoriale », ce sont les mots de Jean-Luc Hallé, Vice-président de Douaisis Agglo en charge de la politique agricole et du développement rural du PAT.
Située dans les Hauts-de-France, Douaisis Agglo (CAD) est un territoire densément peuplé reliant des zones urbaines à des espaces plus ruraux, avec une diversité de paysages agricoles, de zones urbaines et d’héritage du bassin minier.
Les inégalités d’accès et de comportements alimentaires durables sont très visibles géographiquement, particulièrement dans les Hauts-de-France. Sur le territoire de la CAD, le taux de mortalité avant 65 ans y est par exemple supérieur de 44 % à la moyenne nationale. Globalement, les habitants de la région Hauts-de-France perçoivent davantage la cuisine comme une obligation et consomment moins de fruits et de légumes qu’ailleurs en France.
Pour répondre à ces enjeux, la CAD a lancé en 2018, après deux ans de concertation, la programmation Alimcad composé de trois axes de travail : 1) Une politique agricole, 2) Un plan dédié à la filière biologique ; 3) un programme d’action incluant les questions de santé et d’environnement. L’objectif est de favoriser le bien-être, l’amélioration du cadre de vie et un accès équitable.
Pour sa mise en œuvre, différentes animations sont proposées tout au long de l’année. Le parcours CROC accompagne des familles désireuses d’améliorer leur alimentation et leur santé, dans le cadre d’un projet commun avec la Province du Luxembourg belge. Au total, ce sont 30 familles qui en ont bénéficié jusqu’à présent. Des évènements, comme les Rendez-Vous du Goût ou la Semaine de l’alimentation durable complètent la démarche. A présent, 42 agriculteurs sont signataires de la charte « De la terre à la table » avec la CAD afin de favoriser la vente directe, et les surfaces dédiées à l’agriculture biologique ont été multipliées par quatre entre 2013 et 2017. Une belle victoire pour l’agglomération !

Louvain lance un conseil consultatif sur l’alimentation et l’agriculture

Vous connaissez peut-être déjà la ville belge de Louvain. Élue Capitale Européenne de l’Innovation en 2020, c’est cette fois sur les thématiques de l’alimentation et de l’agriculture qu’elle fait parler d’elle, en créant son conseil consultatif alimentaire et agricole (VLAR). Il est composé de 16 membres qui consultent le conseil municipal sur la façon de rendre la consommation et la production plus durables. L’objectif, soutenir le déploiement de la stratégie alimentaire de Louvain.

A la suite de réunions trimestrielles, l’organe émettra des déclarations non contraignantes à la demande du conseil municipal ou de sa propre initiative. Il est présidé par Tessa Avermaete, bio-ingénieure et chercheuse Sustainable Food Economies Research Group de la KU Leuven. Tous les membres ont une affinité avec l’agriculture et / ou l’alimentation dans la région de Louvain et ont contribué à l’élaboration de la stratégie alimentaire de la ville.

A Louvain, la recherche soutient activement la transformation du rapport à l’alimentation. L’Université Catholique de Louvain, reconnue internationalement, développe activement les départements des biosystèmes, de la biologie, des systèmes microbiens et moléculaires et des sciences de la terre et de l’environnement. Par des expériences en serre ou sur le terrain, avec des drones ou des images satellites, la recherche est complétée par des approfondissements socio-économiques, culturels ou éthiques. Une approche unique à répliquer dans d’autres territoires.

Les systèmes alimentaires locaux présentent un certain nombre de grands avantages qui affectent tous les domaines de la société. Les nouvelles stratégies alimentaires sont très bien accueillies et ont le potentiel d’avoir d’énormes avantages économiques, sanitaires et sociétaux pour nos collectivités.

Caroline Panard

FutureproofedCities soutient 137 villes et communes de Belgique, des Pays-Bas et de France pour concrétiser les Plans Climat. Notre plateforme, complétée par notre équipe d’accompagnement, permet de suivre facilement les progrès d’une ville et de prévoir l’impact de ses actions sur le CO2 et les flux financiers. De plus, l’outil agit comme un réseau social qui met en relation ses utilisateurs à travers les villes et les régions. Dans sa partie communication, l’outil implique également les citoyens dans l’action climatique. Grâce à l’effort de ses utilisateurs, la communauté FutureproofedCities a investi 3,08 milliards d’euros, économisant annuellement 379 millions d’euros et 1,34 million de tonnes de CO2. Ils ont publié 351 mesures publiques et 726 actions, qui peuvent servir de source d’inspiration. Pour réaliser nos projets, Futureproofed compte 19 collaborateurs expérimentés et enthousiastes.