Villeneuve-le-Roi (94) : citoyens et élus unissent leurs compétences dans un Fablab pour lutter contre la crise du Covid-19

Durant cette crise Covid19, Territoires-Audacieux.fr se mobilise pour vous permettre de bénéficier de retours d’expérience réussies. Notre objectif ? Vous proposer des témoignages de terrain afin de faire remonter les bonnes pratiques du territoire face au défi du confinement et de ses conséquences.

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Nous avons également souhaité mettre en avant les initiatives de nos abonnés. Sixième exemple avec l’interview de Mickaël Boitelle, directeur général des services de Villeneuve le Roi. Grâce à leur Fablab, ensemble et bénévolement les différents acteurs de ville produisent des masques barrière en tissu.

Comment utilisez-vous le Fablab de Villeneuve le Roi dans le cadre de la lutte contre le covid19  ?

Le Fablab de Villeneuve le Roi est très récent, ouvert au public depuis décembre 2019, il fait partie d’un ensemble d’équipements publics qui vient clore une opération de rénovation urbaine de grande ampleur dans un des quartiers les plus pauvres du Val-de-Marne avant le projet. Ce Fablab a permis d’assurer une réactivité incontestable grâce à sa proximité et à l’engagement des agents communaux et des bénévoles villeneuvois, car c’est aussi l’esprit d’un fablab : le partage de savoir et de techniques. Nous y avons donc installé, dans le respect des règles sanitaires préconisées, un atelier de production d’éléments de protection d’abord pour les agents communaux afin de garantir la bonne continuité du service public, puis pour les acteurs de la santé (médecins, pharmaciens, vétérinaires…) et les commerçants qui avaient l’autorisation de continuer leur activité. A présent les éléments de protection produits (les masques barrière) sont à destination du grand public : chaque Villeneuvois pourra avoir gratuitement un masque barrière « grand public » fabriqué selon les préconisations de l’Afnor.

Quelles sont les différentes productions réalisées ?

Nous avons donc fabriqué des visières de protection en PET, des réglettes pour fixer les élastiques des masques qui deviennent difficiles à porter à la longue et à ajuster lorsqu’ils sont accrochés directement sur les oreilles, bien sûr des masques barrière pour les agents communaux et tous les habitants (soit près de 15000 prévus plus 1500 en taille enfant pour les élèves d’élémentaire). Nous préparons maintenant des parois de protection en Plexiglas pour chacun des accueils des services municipaux. Très vite nous devrions aussi créer des dispositifs pour les poignées de porte qui nous permettent de les ouvrir avec les coudes.

Comment s’organise la fabrication de ces différents accessoires de 
protection et qui travaille au sein du Fablab ?

Une équipe composée d’agents communaux, d’élus et de bénévoles qui se relaient sans cesse placée sous la conduite de la directrice du centre socioculturel de la ville dont dépend le fablab. Monsieur le Maire est très présent et coordonne les différentes étapes de production et particulièrement la distribution des productions.

Pourquoi avoir voulu développer un outil pour ouvrir les portes sans 
les mains ? 

Cela permettra de limiter le contact avec un des objets les plus contaminants à savoir les poignées de porte. Même si le nettoyage des locaux est renforcé, l’utilisation d’une pognée de porte des dizaines voire des centaines de fois dans la journée reste un possible faisceau de contamination (portes des sanitaires, des espaces communs, portes d’entrée…). Les gestes barrière sont respectés et encouragés mais ce genre de précaution supplémentaire rassure et rappelle à la bonne attitude à adopter tout au long de la journée.

Concernant la création des masques barrière en tissu pour les 
habitants de votre commune, pourquoi la ville a-t-elle décidé de prendre en charge toute la chaine de production  ?

Le maire de Villeneuve-le-Roi, Didier Gonzales présente le FabLab au préfet du Val-de-Marne, Raymond Le Deun.

Sans revenir sur la polémique autour de l’utilité des masques, un constat est flagrant : il n’y en a pas ou du moins en nombre trop insuffisant pour toute la population française. Comme souvent les collectivités territoriales et en premier lieu la commune demeurent l’échelon de proximité pour les habitants. Après un mois de confinement et à l’annonce du second mois, Monsieur le Maire a choisi de préparer dès à présent les conditions d’un déconfinement progressif le plus sûr possible. Étant donné que l’activité des services publics et économique va devoir reprendre et il nous revient d’agir. Nous pouvions commander des masques auprès d’entreprises, c’est ce que nous avons fait d’ailleurs dans le cadre d’un groupement de commandes à l’échelle de la métropole, mais les délais de livraison annoncés et de manière partielle correspondent au 25 mai. C’était trop long tenant compte d’un déconfinement prévu le 11 mai. Pour garder la maitrise de notre projet et surtout assurer le bon rythme, nous avons donc fait le choix de réaliser toutes les étapes par nous-mêmes. Nous avons acheté 2000 m2 de tissu en coton correspondant aux préconisations de l’Afnor, 36 km de biais pour les attaches (préférables aux élastiques pour diverses raisons), des bobines de fils, des aiguilles etc… Ensuite il a fallu mettre en place un processus de fabrication optimisé et un circuit de distribution.

Comment cette organisation de création a t-elle été mise en place ?

Cette organisation a été mise en place dans des délais très courts car l’objectif était de produire et de distribuer le maximum de masques avant le 11 mai. Une fois les matières premières acquises, nous avons fait un appel au sein du personnel communal et de la population pour recueillir les candidatures de couturiers (chaque personne disposant d’une machine à coudre et de quelques compétences en la matière était la bienvenue). Nous avons un peu plus de 130 couturiers et chacun à son rythme coud les masques. L’idée était de fournir un kit complet avec notice de fabrication et de mesures de sécurité sanitaire à respecter à chaque couturier afin de gagner du temps. Tout kit comportait tout juste de quoi fabriquer 30 masques. Les rouleaux de tissus étaient prédécoupés par deux bénévoles anciens tapissiers. Les carrés de tissus étaient découpées de manière très précise au fablab (découpeuse laser) ainsi que les biais à la juste longueur, le flocage (logo de la ville) y était exécuté également. Ensuite ces kits étaient distribués aux couturiers par les élus plusieurs fois par semaine et le ramassage des masques cousus était assuré de la même façon. En moins de 10 jours nous avons produit plus 6500 masques. La distribution s’effectue selon des critères de priorité établie par la municipalité et qui correspondent à la réalité des personnes vulnérables ou les plus exposées par leur activité (personnes en résidence sénior, habitant de plus de 70 ans, personnes à la santé fragile,…).

Propos recueillis par Maëlle Alibert