Bras-Panon (97) : le CCAS accompagne la population face au Covid-19

Durant cette crise Covid19, Territoires-Audacieux.fr se mobilise pour vous permettre de bénéficier de retours d’expérience réussies. Notre objectif ? Vous proposer des témoignages de terrain afin de faire remonter les bonnes pratiques du territoire face au défi du confinement et de ses conséquences.

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Nous avons également souhaité mettre en avant les initiatives de nos abonnés. Troisième exemple avec l’interview de Karine Thirion-Lebon, directrice du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) de Bras-Panon à la Réunion. Elle nous explique le rôle de son CCAS en ces temps de crise.

Depuis le début de cette crise, nous pouvons voir que le rôle des CCAS est très souvent mis en avant, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Lorsque l’on parle des CCAS, on dit souvent que ce sont la première portes d’entrée d’un territoire. C’est-à-dire la première porte vers laquelle un administré va se retourner. Cependant, nous avions pendant un moment eu la sensation d’être quelque peu oubliés. De n’être pas reconnus à notre juste valeur. En ces temps de crise, les regards ont changé car les CCAS sont cruciaux pour rassurer, sensibiliser la population, mettre en place des actions d’aide aux plus démunis, ou encore faire le lien entre gouvernement et la population. Les CCAS sont aussi une des rares institutions qui sont restées ouvertes au public en cette période de confinement.

Du fait de la situation actuelle, avez-vous spécifié vos actions à Bras-Panon ?

Une partie de la population réunionnaise est en décalage avec celle de la métropole. La typologie n’est pas tout à fait la même, le taux d’illettrisme est extrêmement important et la fracture numérique existe à la Réunion. Nous nous sommes donc retrouvés face à une part de la population qui était totalement perdue face à des dispositifs (tel que l’attestation de sortie) mis en place par l’État. Cela a été difficile pour eux je pense. Car ce sont ces situations qui creusent la précarité dans lesquelles peuvent être certains. Nos actions se sont donc spécifiées à travers la vulgarisation des dispositifs, l’accompagnement de la population, l’accueil physique et téléphonique pour les plus vulnérables, tout en gardant les services sécuritaires.

Quelles sont concrètement les actions que votre CCAS réalisent en ce moment ?

D’une part, nous sensibilisons les populations aux différents gestes barrières (équipements, distance de sécurité…). Par exemple, nous nous déplaçons dans les trois Résidences Personnes Âgés (RPÂ) de la ville afin de les sensibiliser aux différentes nouvelles procédures. L’explication du fonctionnement de l’attestation de sortie, l’affichage des consignes sanitaires en sont des exemples. Ces différentes démarches ont permis de rassurer et protéger la population. D’autre part, nous continuons notre mission d’aide alimentaire pour les plus démunis avec maintenant la distribution chaque vendredi de 200 « paniers fraîcheurs » avec des fruits et des légumes. Enfin, nous avons créé deux missions sur la plate-forme « Réserve Civique», une de phoning afin d’accompagner les personnes vulnérables. Nous vérifions qu’elles vont bien et qu’elles n’ont pas de problématiques particulières. En effet, certaines se retrouvent seules. C’est le cas des personnes âgées. Elles avaient auparavant des aidants familiaux et dans cette situation de crise, elles n’en ont plus. La seconde mission, concerne le service de course à domicile où il a été important de bien faire attention aux points juridiques car il y a de l’échange d’argent entre bénévoles et résidents. Actuellement quatre bénévoles se sont proposés. Ils font d’ailleurs partie de ces institutions qui sont actuellement fermées.

En cette période, mettez-vous des actions en place avec d’autres CCAS du département ?

Nous avons de la part du Département des demandes d’actions communes aux autres CCAS de la Réunion. Je vous avoue franchement, que pour avoir échangé avec mes collègues, nous avons vraiment eu la sensation d’avoir été au « front » sans vouloir reprendre la métaphore du Président. Nous n’avons pas eu le temps de lever la tête, ainsi l’idée de mise en place de projets communs avec d’autres CCAS n’était pas d’actualité.

Est-ce que votre CCAS a su s’adapter à cette hausse du nombre de personnes en difficultés ?

Les habitants se sont retrouvés du jour au lendemain sans aucune institution ouverte au public. En effet, il a fallu attendre une quinzaine de jours pour que ces institutions se mettent dans un mode de fonctionnement plus à distance avec le télétravail. Ça a donc été à nous de gérer à l’instant. Le public vulnérable, qui a toujours eu de l’accompagnement, s’est retrouvé complètement déstabilisé. Ce dernier a eu le réflexe, et il a eu bien raison, de revenir vers nous. Nous nous sommes donc retrouvés à gérer des situations qui ne relevaient pas de nos compétences. En temps normal, les compétences sont partagées dans le Département, notamment pour les personnes âgées et les familles. Nous nous sommes sentis littéralement compressés et au mis au « front ». Mais, nous n’avions pas le choix de nous adapter en très peu de temps. Nous nous sommes posés tout de suite les bonnes questions et avons travaillé presque tous les jours. Cela nous a permis petit à petit de nous adapter à ce bouleversement.

De quelle manière les informations et instructions vous ont-elle été transmises ?

Brutale. D’un seul coup, bon nombre de mesures sont arrivées de façon très descendantes. Certes, il existe des solutions, mais le plus compliqué est de les mettre en application dans un temps très court et avec peu de personnels. Depuis le début, nous sommes 15 au lieu de 17 et travaillons près de sept jours sur sept. Parfois, j’ai l’impression que l’État ne se rend pas compte de la masse de travail qu’il y a derrière chaque solution. Au début, la ville nous a demandé de travailler sur un nouveau modèle d’organisation de mes équipes, en diminuant leur mobilisation. Cela a duré deux jours étant donné le flux d’habitants qui n’arrivant pas à nous joindre par téléphone (puisque nous étion surchargés d’appels) arrivaient, paniqué, dans nos locaux. J’ai donc dû très rapidement revoir mes modalités d’organisation en rapatriant mes équipes pour que l’ont puissent à minima répondre aux questions de manière pédagogique et rassurer la population. Je pense que nous avons répondu au mieux aux problématiques de notre territoire en essayant malgré tout de conserver nos procédures. Cependant, il va falloir que je formalise certaines décisions qui ont été prises, que je retombe sur le juridique. Par exemple, l’État a exigé que sur chaque territoire des logements de confinement soient repositionnables. Pour réaliser ces démarches, il y a un cadre juridique à respecter. Nous n’avions pas le temps pour ça. Le CCAS de Bras-Panon a donc énormément investi pour que ces logements soient habitables de suite (bail, ameublement, charges…).

Quels types de personnes sont les plus fragilisées par cette crise ?

Deux types de personnes sont les plus fragilisés par cette crise. D’un côté, les personnes âgés qui sont assez nombreuses à Bras-Panon. Elles sont 1500 sur une population de 13 000 habitants. Souvent seules, et beaucoup plus fragiles. Elles sont susceptibles de pouvoir contracter beaucoup plus rapidement le virus. Nous avons donc passé beaucoup de temps à la sensibilisation notamment sur les réseaux sociaux. Les enfants des personnes âgées ont maintenant pris l’habitude de nous signaler si leurs parents ont des problématiques. D’un autre côté, il y a les personnes ayant des problèmes d’addiction. En effet, avec le confinement, ils peuvent très rapidement plus s’alcooliser que d’habitude et ont moins de chances d’être sauvés s’ils ont un souci de santé. Pour tenter de pallier cela, nous avons repris les visites à domicile pour les informer du danger. Mes équipes sont aussi allées aux supérettes locales pour les prévenir de réguler leurs ventes d’alcool afin de protéger ces personnes. Cette sensibilisation a fais ses preuves car chaque vendredi lors de nos circuits, nous passons forcément devant ces personnes vulnérables et nous discutons rapidement avec eux en leur donnant leur panier. Nous pouvons constater qu’ils vont bien.

Comment le CCAS peut-il jouer un rôle de coordinateur entre élus et citoyens sur le territoire ?

Comme j’ai pu l’expliquer précédemment, nous devions faire le pont entre élus et citoyens. D’une part pour vulgariser les propos de la métropole à certains de nos habitants qui ont une autre culture. D’autre part, afin de gérer les soucis de communication. En effet, certaines annonces télévisées furent partagées à la population sans savoir comment elles allaient se mettre en place au sein de chaque CCAS. Il a donc fallu faire de la pédagogie avec les administrés entre ce qu’est un droit et un dû.

Propos recueilli par Maëlle Alibert