La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine au dispositif Shop’in Romans. La ville a constaté que son centre-ville souffrait de plus en plus de vacance commerciale. Pour y remédier, elle loue des locaux aux propriétaires et les sous-loue à des artisans. Ainsi, les propriétaires ont des rentrées d’argent et les artisans peuvent se lancer sans avoir de pression sur le loyer à payer. Par contre, avant toute installation, les propriétaires des locaux doivent avoir fait les travaux de rénovation. Ce dispositif, mis en place depuis 2018, a fait ses preuves. Des commerçants ayant perçu cette aide ont déjà pu s’installer durablement en centre-ville, par leurs propres moyens.
Pour en savoir plus sur le dispositif, nous avons interrogé Marie-Hélène Thoraval, maire de Romans-sur-Isère.

Cette initiative a reçu le prix « Coup de cœur Territoires Audacieux » lors des Prix Territoria.
Retrouvez notre reportage vidéo sur cette initiative :
– Mise en place du projet –
Comment avez-vous eu l’idée de ce dispositif ?
Elle a été progressive. Nous avons réalisé une première phase d’expérimentation au travers de commerces éphémères. Nous les avions installés en ville lors d’une fête patrimoniale. Nous avons constaté l’engouement des consommateurs à venir re-fréquenter cette fameuse Côte Jacquemart. Elle était extrêmement réputée d’un point de vue commercial il y a 30/35 ans et elle subissait une désertification commerciale très importante avec un taux de vacance approchant les 90%. Donc l’idée a été de dire : sommes-nous capables de ramener du flux ?
Les commerces éphémères ont prouvé que c’était possible ?
Nous avons mis en place ces magasins éphémères à deux reprises. Une première fois vers l’été et une seconde au moment de Noël. Nous avons alors constaté qu’avec une activité bien ciblée nous étions capables de ramener du flux. Cela nous a confortés dans le fait qu’il fallait aller chercher de l’innovation pour en générer davantage.
Quelles ont été les étapes suivantes pour arriver au dispositif final ?
Le but premier était bien sûr de lutter contre la vacance commerciale. Mais sans oublier que le centre-ville doit être visité et pratiqué. Nous avons opéré des aménagements, nous l’avons sécurisé, animé, et à ce prix nous avons pu ramener de l’activité commerciale sous la forme d’un dispositif : Shop-in Romans. Nous avons créé ce dispositif car les locaux commerciaux étaient dans un état de délabrement avancé. Ils n’étaient pas prêts à être loués en l’état.
Quelles ont été les étapes de mise en place ?
La contractualisation a été la suivante : il y a eu un très long travail, je dirai le plus long et le plus fastidieux, qui était de contacter les propriétaires. Parfois, nous étions face à plusieurs propriétaires, face à des successions, des subdivisions. Donc il fallait reprendre contact avec eux et les convaincre de faire des travaux. Pour qu’en contrepartie, nous nous engagions à louer ces locaux commerciaux pour les sous-louer à des activités que nous allions sélectionner. Concernant la sélection, nous avons opéré des appels à projets. Soit orienté artisanat d’art soit purement commerce. Cette sélection nous a permis de qualifier la revitalisation des lieux sélectionnés. Notamment cette Côte Jacquemart, qui a pour positionnement discriminant l’artisanat d’art.
– Le projet aujourd’hui –
Comment fonctionne le dispositif aujourd’hui ?
Un commerçant ou un artisan d’art devra répondre à un appel à projets. Maintenant, nous avons un peu « les moyens de nos prétentions ». Nous avons été tellement exigeants sur les premières implantations qu’aujourd’hui nous en avons le retour sur investissement. Nous avons une augmentation de la qualification des projets qui nous sont présentés. Donc il faut correspondre aux critères de l’appel à projets. Notamment sur celui de l’activité qui pour nous va être un élément essentiel pour diversifier le flux qui va s’opérer sur notre centre-ville. Notre maître-mot pour qu’un centre-ville se revitalise c’est qu’on doit y trouver ce que l’on ne trouve pas ailleurs.
Vous continuez à les accompagner après leur installation ?
Oui, nous les accompagnons sur leur dossier d’urbanisme, avec les propriétaires et tout au long de leur parcours. Nous réalisons des bilans financiers tous les 6 mois avec les commerçants pour voir si nous devons continuer à les accompagner ou non.
Quelle est la réduction appliquée sur les loyers de ces commerçants ?
Ce sont des engagements qui peuvent être sur deux ou trois ans suivant l’activité. Pendant la première année, la ville prend à sa charge plus de la moitié du loyer. Ainsi, le commerçant peut enclencher son projet. Le loyer n’est pas un élément qui va freiner ses capacités d’investissements. Ensuite, c’est dégressif à mesure que le porteur de projet est en capacité de développer son chiffre d’affaires. L’objectif est qu’au bout de trois ans, il soit en capacité de prendre en charge complètement son loyer.
Qui travaille sur ce projet en interne ?
Nous avons un gros staff. Tous les services sont concernés. Quand nous cherchons l’identité d’un propriétaire, nous travaillons avec l’urbain. Quand nous cherchons des solutions d’aménagement, nous travaillons avec le centre technique. Tout le monde est mis à contribution. Par contre, il y a un chef de projet. La ville de Romans fonctionne en mode projet. C’est-à-dire que nous avons une cellule (la direction de l’attractivité, du développement et de l’innovation) qui regroupe tous les chefs de projet qui ont des missions spécifiques. Donc un chef de projet et un manager de centre-ville suivent la mise en œuvre de ce dispositif. Tant sur l’aspect développement stratégique que sur l’aspect opérationnel.
Quelle est la prochaine étape ?
D’étendre ce dispositif sur d’autres secteurs de la ville. Ce que nous sommes en train de faire sur une autre rue piétonne. Il y aura encore une autre étape avec des appels à projets dédiés à l’économie circulaire.
– Dupliquer le projet –
Quel a été l’impact sur le dynamisme de votre centre-ville ?
Il est extrêmement positif. La première des choses c’est que ça a donné confiance aux autres propriétaires. Certains étaient engagés dès le départ, donc les autres ont suivi pour investir sur leurs locaux et les mettre en location. Nous avons également diversifié le flux de consommateurs, de chalands. Cela a permis de rassurer les porteurs de projet quant à leurs perspectives d’implantation en centre-ville.
C’est un dispositif qui est assez jeune, il a moins de 3 ans. Pour l’instant, 6 boutiques profitent du dispositif. Trois nouvelles doivent ouvrir cette année. Certaines ont franchi le cap de s’installer et d’assumer entièrement leur loyer. Donc je pense pouvoir dire très honnêtement que c’est un franc succès.
Quels sont les coûts d’un tel dispositif ?
C’est un financement de fonctionnement. Il s’agit de financer les loyers, ils sont bien en deçà de ce que pourrait être une grande campagne de communication. Il se situe aux alentours de 25 000 € annuel. Financé par notre collectivité, puisque nous avons la compétence commerce.
Le principe maître d’œuvre dans ce dispositif est la ville de Romans. Bien sûr, quand nous travaillions sur des appels à projets, nous avons des partenaires qui sont des relais de diffusion. Ensuite, quand nous sélectionnons un projet, nous nous appuyons toujours sur des compétences. Mais le pilote est municipal.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de l’élaboration, de la mise en place ou du fonctionnement de ce dispositif ?
J’estime qu’il n’y a pas eu d’obstacles. La proposition était assez innovante. Je dirais qu’avec du travail et des propositions, tout peut être surmontable. C’est plutôt un investissement, il ne fallait pas lâcher, y croire et convaincre. Nous avons réussi à convaincre les propriétaires, c’était peut-être ce qui était le plus difficile, l’amorce. Mais maintenant, la confiance est présente.
Quel conseil donneriez-vous à une ville qui souhaiterait mettre en place un dispositif similaire ?
Je n’aurais pas la prétention. Par contre, il a une position que j’estime très importante pour le développement commercial et la revitalisation de nos centres-villes : il ne faut surtout pas tomber dans l’assistanat, mais accompagner l’approche entrepreneuriale.
Propos recueillis par Léa Tramontin.