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Soliguide : le nouvel annuaire numérique de l’action sociale en Dordogne

Soliguide est un site et une application mobile qui référence les services et infrastructures disponibles pour les personnes en situation précaire.
Soliguide est un site et une application mobile qui référence les services et infrastructures disponibles pour les personnes en situation précaire.

Depuis le début de l’année 2023, le Soliguide est disponible en Dordogne. La plateforme numérique référence les infrastructures à destination des personnes en difficulté et de ceux qui accompagnent ces publics en situation de précarité.

Faire le lien entre les personnes en difficulté et les établissements de l’action sociale, démocratiser l’outil, dresser une carte fiable et régulièrement mise à jour de l’aide en Dordogne, trouver des financements pour développer ce service sur le territoire : Anna Corbel, chargée de mission Soliguide en Dordogne, nous explique l’initiative. Entretien.

Grand Bergeracois Audacieux : De quel constat êtes-vous partis pour créer le Soliguide ?

Anna Corbel : Un peu avant 2017, la fondatrice de Solinum, Victoria étudiait sur Bordeaux et effectuait des maraudes. Elle s’est rendu compte des besoins d’informer les personnes en situation de précarité. En effet, de nombreux services existaient à Bordeaux à l’époque, mais on ne savait pas forcément quand est-ce qu’ils étaient ouverts, s’ils étaient toujours en activité et qui pouvait y aller. Ca parait fou, mais il n’existait pas d’annuaire en ligne avec ces structures-là. Et il n’en existe toujours pas, hormis Soliguide.

De ce constat-là, elle s’est créée une petite cartographie pour elle-même. D’ailleurs, c’est ce que beaucoup d’associations font elles-mêmes en interne encore aujourd’hui : des sortes d’annuaires de ressources, car ce référencement est un vrai besoin. 

Comme Victoria est ingénieure de métier, elle a commencé à rendre son répertoire plus facile d’utilisation. Elle l’a partagé et elle s’est rendue compte que ça répondait à un vrai besoin. Au fur et à mesure, elle a développé une cartographie avec les données importantes.

Depuis 2017, ça a bien changé. Il y a aujourd’hui une équipe technique pour rendre le guide plus ergonomique et plus compréhensible.

C’est donc à la suite de la création du Soliguide qu’est née l’association Solinum ?

Après ce premier travail fait par Victoria, il fallait trouver des fonds pour financer le projet et développer l’outil. Donc, créer une structure. Nous avons été reconnus comme un outil pour l’intérêt général pour un projet à but non lucratif. D’où l’association Solinum, comme solidarité numérique. Puisque l’idée était de développer des outils numériques pour aider les structures qui travaillent contre la précarité. Même si d’autres projets étaient en cours de lancement, Solinum s’est ensuite concentrée sur le Soliguide.

Quand on arrive sur l’application Soliguide, qu’est-ce qu’on y trouve ?

Il y a donc le site Soliguide.fr et une application portable, sur Android et sur iPhone.

Quand j’ouvre le guide et que je tape “où manger aujourd’hui à Bergerac”, je trouverais toutes les structures d’aide alimentaire qui sont ouvertes aujourd’hui. Avec “où je peux me doucher aujourd’hui à Sarlat”, je vais trouver tous les lieux qui ont des douches. Je peux aussi trouver des laveries ou des cours de français, qui sont beaucoup demandés finalement.

Le but est vraiment de faciliter l’orientation avec des données mises à jour au moins tous les six mois, et disponibles en huit langues. Car les publics réfugiés ou migrants ne connaissent pas forcément les services existants sur les départements ou dans les collectivités. En plus du français, on a des informations en arabe, anglais, espagnol, russe, pachto, persan et ukrainien.

« Quand je tape “où manger aujourd’hui à Bergerac”, je trouverais toutes les structures d’aide alimentaire ouvertes aujourd’hui. » – Anna Corbel, chargée de développement du Soliguide en Dordogne.

Proposez-vous des services qui vont au-delà des besoins de première nécessité ?

On est en train de d’ajouter tous les chantiers d’insertion et les structures d’accompagnement vers l’emploi. Puisqu’en fait, quand on a mangé et qu’on s’est peut-être logé, la marche suivante est de trouver un travail pour rentrer dans la vie active et dans la société. Donc c’est vraiment un pas important aussi. En tout, le Soliguide contient plus de cinquante catégories.

Le Soliguide est aussi un outil facilitateur pour les structures de l’action sociale…

Oui, car les bénévoles des Restos du Cœur, les travailleurs sociaux en CCAS ou les centres sociaux peuvent apporter des réponses qui correspondent vraiment aux besoins des personnes qui les sollicitent. 

Au final, on se rend compte que le Soliguide est plus facilement pris en main par les personnes professionnelles ou les bénévoles puisque c’est un outil numérique. Dans la rue, tout le monde n’a pas forcément le portable, et ceux qui en ont ne disposent pas forcément d’internet. Et on a aussi des listes papier que l’on imprime avec les ressources par ville, et que j’envoie par exemple aux CCAS ou aux lieux ressources. Car le papier ça reste un support important et accessible à tout le monde.

Comment une structure est-elle référencée sur le Soliguide ? Combien de structures de Dordogne y trouve-t-on ?

Pour le moment, plus de 250 structures en Dordogne sont référencées. On met les informations d’une structure en ligne uniquement lorsqu’une personne de l’équipe les a toutes validées. Ça prend du temps puisqu’on valide les horaires d’ouverture, les adresses, les contacts, enfin vraiment tout.

J’ai d’ailleurs très vite constitué une base de données en Dordogne, car quand je me présentais, beaucoup de personnes me donnaient leur annuaire et me disaient “Allez-y, mettez tout ça”.

Donc une fois qu’une structure est inscrite dans le Soliguide, elle peut se connecter et mettre à jour ses informations. Et si leur fiche n’est pas mise à jour au bout de six mois, je les appelle pour mettre à jour, sinon leur fiche est passée hors ligne.

En référençant les services disponibles, le Soliguide est aussi un outil pour améliorer la coordination locale d’un territoire…

Effectivement, il est plus simple d’identifier les zones où les services peuvent manquer, ou bien quels sont les besoins auxquels nous manquons de réponses. C’est pour cela que nous développons deux axes : 

D’abord, nous déployons le Soliguide en co-construction avec les acteurs lors des instances appelées “Comités de pilotage”. Nous réunissons les institutionnels, les collectivités et les associations pour bien saisir les besoins et les enjeux du territoire et donc construire un Soliguide adapté. Ensuite, nous effectuons une mise à jour hivernale et une autre en été. Ce sont des périodes charnières ou les besoins évoluent. En été, la distribution de bouteilles d’eau est essentielle, en hiver on sera plus sur des couvertures. Nous pouvons ainsi faire remonter des manques dans certaines villes en période de sécheresse ou en grand froid par exemple.

Comment l’association Solinum est-elle financée ? Qui la compose ? 

Nous sommes financés soit par les conseils départementaux des territoires où nous sommes actifs, soit par les préfectures, donc par l’État. Nous sommes implantés sur 30 départements et, selon l’enjeu de l’action sociale, nous avons aussi parfois des financements de mairies ou de la CAF. À l’échelle nationale, nous sommes 50 personnes entre les CDD, CDI, stages ou alternance.

Et le financement en Dordogne ?

Aujourd’hui en Dordogne, on n’est pas financé. C’est le gros problème car la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail, des Solidarités et de la Protection des Populations (DDETSPP) nous a proposé un financement en début d’année, ce qui a permis mon arrivée, mais le financement n’est pas encore tombé. Je m’occupe aussi de la Haute-Vienne car nous y percevons un financement qui me permet d’assurer les deux départements.

Depuis, on a commencé les discussions avec le conseil départemental de Dordogne. C’est toujours intéressant d’avoir de la co-construction et pouvoir confronter les visions de plusieurs financeurs.

En termes de précarité, de population dans le besoin, quel est l’état du Grand Bergeracois ?

Aujourd’hui, la précarité ne touche pas seulement les personnes à la rue. Les associations de Dordogne déclarent une augmentation du nombre de personnes dans le besoin qui demandent de l’aide. Selon le CESER, 39,7% de la population de Nouvelle-Aquitaine vit en dessous du revenu « décent », et se trouve en situation de pauvreté budgétaire. Parmi elles, beaucoup de femmes, notamment retraitées, et de jeunes.

L'application Soliguide référence les services dédiés aux personnes en difficulté.
L’application Soliguide référence les services dédiés aux personnes en difficulté.

Comment faites-vous pour démocratiser un répertoire numérique d’aide auprès des publics qui doivent être aidés et qui ne sont pas forcément toujours visibles ?

Sur les territoires ruraux, comme la Dordogne et la Haute-Vienne dont je m’occupe, c’est plus difficile. Pour que les personnes utilisent le Soliguide, il faut les rencontrer. Il faut que les bénévoles leur montrent comment ça fonctionne. Et comme aujourd’hui tout passe par le numérique, il y a souvent un ordinateur à disposition dans les lieux ressources.

Ensuite, je fais de la formation au sein des structures, des bénévoles, des professionnels de l’action sociale pour qu’ils comprennent comment utiliser l’outil et comment le montrer aux gens. Je fais aussi des permanences, mais j’aimerais en faire davantage dans le Bergeracois car c’est quelque chose que je n’ai pas encore fait à Bergerac. Et c’est d’ailleurs en étant au contact qu’on peut faire remonter des dysfonctionnements, des améliorations, des sources de confusion.

Dans un département aussi vaste que la Dordogne, comment assurez-vous une présence minimale sur l’ensemble du territoire ?

Aujourd’hui on se concentre principalement sur Périgueux, Bergerac, Sarlat. Mais comme ça reste un très grand département, je ne peux pas passer mon temps à aller dans toutes les petites communes de la Dordogne pour former tout le monde. Il faut donc trouver des stratégies différentes de diffusion, passer par les médias et aussi par les mairies.

La mairie est la première porte ouverte pour les personnes des communes. Donc, je suis en train d’en contacter pour qu’ils m’aident à développer le répertoire des ressources en zone rurale.

Quels sont les éléments majeurs dont vous avez besoin pour rendre vos actions plus efficaces en Dordogne ?

L’enjeu majeur est vraiment l’appui des collectivités. Faire connaître le dispositif auprès des mairies, des collectivités, c’est très important car elles connaissent bien leur territoire et peuvent faire remonter les besoins et communiquer autour de notre service.

Il y a aussi l’enjeu de l’affichage dans les lieux publics. Car c’est pas si simple de mettre une affiche dans une mairie, par exemple. Il faut que les gens se rendent compte de l’utilité de l’outil et c’est ainsi qu’il sera utile pour les personnes dans le besoin.

Propos recueillis le mardi 24 octobre 2023 par Valentin Nonorgue.