Molières : avec un comité actif, le village fête l’accès à la culture
Depuis 2009, le festival Molières en Scène a lieu chaque année, le deuxième week-end de septembre, au cœur de la Bastide de Molières. Rythmée par un spectacle le vendredi soir, six représentations le samedi et un grand repas en guise de clôture, cette ode à la culture en zone rurale, gratuite et accessible à tous demande une organisation ficelée.
Rodolphe Travert, membre du comité des fêtes de Molières, nous raconte les pérégrinations collectives pour mettre en place un événement de cette ampleur au sein d’un village de quelque 350 habitants. Il aborde aussi la place de la culture en campagne et l’importance de la mobilisation citoyenne pour qu’une société se meuve. Entretien.
Molières, village au nom idéal pour fêter le théâtre
Quel bilan tirez-vous de l’édition 2023 de Molières en Scène, qui s’est tenue les 8 et 9 septembre ?
Cette année, on a eu une moyenne de 120 à 150 personnes pour chaque représentation. Le samedi soir, il y a eu quasiment 300 personnes devant le spectacle. En fait, il y avait une sorte de mur, comme ont pu le dire les comédiens, qui n’avaient jamais vu ça. En plus, aucune compagnie présente cette année n’était encore venue sur le festival. Donc, c’est une réussite en tout point de vue.
Nous avons aussi réalisé une billetterie qui devrait nous permettre d’être à l’équilibre financier pour l’année. On prévoit même peut-être un peu d’excédents, qui sera réinvesti dans du matériel lumière ou des éco-cups par exemple.
Comment expliquez-vous cette affluence ?
On a modernisé la communication, notamment l’affiche du festival. On est content car ces changements ont permis de drainer pas mal de familles et de jeunes spectateurs. Parce qu’avant un festival de théâtre était quand même associé à des personnes âgées et des connaisseurs absolus. Et puis cette année, on a fait le choix d’avoir un peu de musique après le spectacle du samedi soir, avec l’Électro Battucadie d’Étienne Roux. Ça a fait du bien de faire traîner les festivités sur la Bastide au fil de la soirée.
De quels moyens disposez-vous pour monter le festival ?
Nous sommes très limités en moyens. On s’équipe un peu plus chaque année et on s’appuie sur la petite scène, fournie par la mairie. On a refait faire une autre scène par un forgeron pour l’ajuster à nos besoins, car c’était une scène qui était beaucoup trop haute. Malgré des conditions rustiques, ça fait quinze ans que ça tient et que ça se passe plutôt bien. Et puis le public nous connaît aussi. Il y a une démarche citoyenne et sans prétention.
Sur le plan humain, on est une dizaine de membres actifs pendant l’année du comité des fêtes de Molières. Et on a une équipe de bénévoles qui s’ajoute pendant le festival. Donc on est une bonne vingtaine de personnes actives sur les deux jours de festival.
L’ensemble du village est fermé à la circulation pour permettre de transiter facilement entre les différents jardins de l’événement. Car l’idée est de montrer à chaque fois des lieux différents.
Pour financer la programmation artistique, nous avons environ un tiers du budget qui relève de subventions. Ensuite, c’est la billetterie et le repas du samedi soir qui complètent les finances. Nous pratiquons l’entrée libre où chacun donne ce qu’il veut ou peut.
Comment se déroule la programmation et le choix des compagnies et artistes que vous invitez au festival ?
C’est au fil des propositions des 10 membres du comité des fêtes. On n’a rien de délimité et on se base sur ce qu’on a vu, et ce qui nous a plu. On échange au fil de l’année sur nos coups de cœur, et parfois on se rend compte qu’il faut aller voir quelques spectacles supplémentaires pour repérer des compagnies à inviter. Du fait de nos limites techniques et de notre unique petite salle de repli en cas d’intempéries, on s’adresse plutôt à des compagnies qui ont besoin de très peu de technique. Et puis on cherche vraiment plus du spectacle extérieur, le festival étant à ciel ouvert.
Au total, quel est votre budget pour Molières en Scène ?
Pour ce qui est du cachet, on ne peut pas payer de plateaux avec 6 ou 7 acteurs par compagnie. Le budget est autour de 9 000-10 000 euros, dont environ 7 000€ alloués à la programmation des artistes. La commune de Molières, la Communauté de communes des Bastides Dordogne-Périgord. Le département de la Dordogne nous aide aussi par l’intermédiaire du Contrat d’Initiatives Culturelles Concertées, à destination des évènements qui ont lieu hors saison touristique estivale.
Comité des fêtes : la culture pour animer le village
Comment l’association du comité des fêtes s’inscrit-elle dans le paysage du village de Molières ?
Le comité des fêtes a une histoire faite de différentes successions de présidence et de gouvernance. Aujourd’hui, on a une moyenne d’âge de 30-40 ans parmi les membres actifs. Car il y a beaucoup de jeunes parents qui se sont installés à Molières récemment. Ce qui peut créer parfois ce rapport un peu délicat entre les néo-Moliérois et les personnes qui vivent au village depuis longtemps. Cependant, notre but est d’organiser des moments qui peuvent rassembler le plus de monde possible. On s’est notamment rendu compte que la Fête de la Bière fédérait davantage de Moliérois que le festival de théâtre.
On a aussi refait les statuts pour que chaque événement soit géré par une commission où les membres actifs du comité peuvent s’exprimer et assumer leurs engagements.
Quelles autres festivités sont organisées au cours de l’année par le comité des fêtes de Molières ?
Nous organisons la Fête de la Bière, qui regroupe plusieurs groupes de musique et lors de laquelle nous avons accueilli entre 1 500 et 2 000 personnes cette année. Pour un village de 300 habitants, ça remue. Ça a tellement bien fonctionné que d’autres associations locales ont même proposé de nous aider à mieux gérer la Fête de la Bière l’an prochain. On fait aussi une manifestation qui s’appelle Boum boum, qui est une sorte de boum pour les enfants et par les enfants.
Nous aimons aussi les moments très simples et festifs où le but est de se réunir, comme un concours de pétanque. Le but du collectif est vraiment de passer des moments entre copains, apprendre au fil de l’organisation d’un festival. Alors il y a des prises de tête, des terrains de surcharge mais il y a beaucoup de moments de plaisir, beaucoup de fatigue aussi, et évidemment beaucoup de solidarité.
Y a-t-il des projets que vous aimeriez développer dans les prochains temps ?
D’abord, stabiliser une Fête de la Bière aussi solide que cette année. On projette aussi de faire une soirée d’Halloween, en conviant les enfants à organiser leur soirée. Toujours dans cette volonté d’apprentissage, du faire soi même. De les accompagner à être leurs propres porteurs de projet.
Avez-vous des besoins précis pour améliorer les activités du comité ?
Peut-être un local de stockage permanent. Et puis même si on voit une amélioration depuis quelques temps, on aimerait que les histoires de village s’estompent. Ça peut cristalliser des tensions et entacher le fonctionnement collectif. Car c’est l’aventure collective qui nous convient le mieux.
Propos recueillis le 13 septembre 2023, par Valentin Nonorgue.