L’agriculture face au défi climatique : quelles sont les solutions locales ?
Si la nature semble suffoquer et que ses blessures se répercutent sur les agriculteurs et les professionnels du monde vivant, il existe bien des mouvements en quête d’adaptation et de solutions.
Des acteurs du Pays foyen et du Grand bergeracois se sont réunis pour échanger, mercredi 20 mars, dans la foulée de la projection du film documentaire La Théorie du Boxeur, réalisé par Nathanaël Coste, sur les liens entre agriculture et défi climatique.
« L’intention est de faire savoir ce qui se passe à l’échelle locale et de faire réseau, explique Thierry Masson, formateur à l’apiculture éthique chez Les Butineurs du Bonheur, qui ressent le « besoin de savoir qu’on n’agit pas seul dans son coin ». En effet, comment anticiper et lutter face au dérèglement climatique ? Si ce n’est en menant des actions, en les exposant et en créant des synergies entre leurs instigateurs.
Enrichir le sol, première clé d’une agriculture résiliente
Premier constat vecteur de réflexions : dans l’agriculture, tout part du sol. Un sol usé, sec, mis à nu auquel il faut donner le temps de se régénérer. La SCIC Au Ras du Sol, acteur de sensibilisation et de mise en place de solutions portant sur la gestion de la matière organique, développe depuis peu une nouvelle idée depuis ses locaux à Vélines. Plutôt que de transporter les déchets végétaux et restes alimentaires dans des centres de valorisation lointains, autant s’en servir pour nourrir les sols locaux. Mauvaise nouvelle mais bonne opportunité : les agriculteurs du territoire manquent cruellement de matière organique pour enrichir leurs sols.
Au Ras du Sol et l’agriculteur Didier Margouti, agriculteur-éleveur en polyculture, organisent une collecte et un broyage annuel. Ils épendent ainsi de la matière organique issue des déchets des collectivités locales et de grosses structures (restauration, établissements scolaires, hôpitaux, etc.). « C’est une boucle, clame Yohann Marchesseau, chargé de l’accompagnement technique et du lien agricole pour Au Ras du Sol. On consomme de l’alimentation, on utilise ses déchets pour alimenter les sols et on produit de l’alimentation ».
En nourrissant le sol et en laissant le vivant agir, on lui permet d’améliorer sa capacité à capter puis à stocker la ressource en eau. Dans l’idée d’utiliser le moins d’eau possible sur son exploitation de la Ferme des Gardes, Didier Margouti produit notamment ses propres semences en maïs pour renforcer la résistance de ses plants à la sécheresse. L’objectif est ainsi de diminuer l’irrigation des cultures. « On ne l’utilise que comme une sécurité car c’est difficile de laisser crever nos plantes », résume l’agriculteur installé à Saint-Antoine-de-Breuilh.
Privilégier l’alimentation durable, “un acte éminemment politique”
Deuxième constat ressorti lors du débat : la résilience de l’agriculture passe par le choix d’une alimentation durable. Ce choix est entre les mains du citoyen. « L’achat est un acte éminemment politique », explique Didier Margouti. La sensibilisation et l’éducation populaire sonnent comme un moyen de donner les clés de compréhension aux citoyens. Les jardins partagés, les vergers communaux, les ateliers mêlant cuisine et initiation aux bons réflexes de consommateur : l’adaptation passe par le lien social et l’auto-production locale, comme le prônent les associations St Avive le Jardin’gue, jardin partagé à Saint-Avit-Saint-Nazaire, et Les Râteleurs, tiers-lieu nourricier à Sainte-Foy-la-Grande.
Autre impératif : un contrat social pour l’alimentation durable. D’un côté, un accès universel à une nourriture locale et de l’autre une production responsable. C’est le pari de la Sécurité sociale de l’alimentation, portée par Acclimat’Action. Le principe : le citoyen cotise à la Caisse sociale de l’alimentation (10€ minimum, à varier selon les revenus) puis dispose d’une carte vitale alimentaire (150€ par personne) pour acheter des produits conventionnés chez les producteurs locaux. Dès le mois d’avril, le système sera expérimenté sur cinq territoires de Nouvelle-Aquitaine, dont celui du Pays foyen.
Fédérer les acteurs d’aujourd’hui, éduquer les consommateurs de demain
À l’échelle du territoire, le rôle des collectivités semble crucial pour constituer ce conventionnement démocratique entre agriculture et alimentation. Valérie Gandré, chargée du Programme alimentaire territorial au PETR du Grand Libournais, estime que le PAT est « un moyen de construire ce contrat social qui semble indispensable pour trouver un objectif commun. »
C’est lors d’ateliers avec les habitants, les agriculteurs, les acteurs économiques locaux et les associations de sensibilisation à l’environnement que les 5 enjeux du programme ont émergé : agro-écologie, nutrition-santé, accès à l’alimentation durable pour tous, maintien de l’activité agricole locale et approvisionnement de la restauration collective en circuit court.
Réduire les déplacements et les émissions de gaz à effets de serre, renforcer le lien entre producteur et consommateur, éveiller la population aux bienfaits d’une alimentation vertueuse et locale : le circuit court plaît. Preuve en est, le Département tend à faire passer tous les collèges de Dordogne en 100% bio et local.
Il pourra notamment s’appuyer sur la plateforme Manger Bio Périgord qui alimente les structures de restauration collective en produits bio, locaux et de saison. Pour son président Raphaël Penisson, la démarche permet de lier alimentation et éducation : « En proposant des fruits et légumes de saison aux enfants, on plante les graines d’un avenir durable et vertueux. »
Si des initiatives ont pris racine sur le territoire, il reste à cultiver la coopération entre elles. Conscient du besoin de créer des passerelles, Thierry Masson conclut d’un ton fédérateur : « On ne travaille pas assez souvent en collectif. Or, on ne changera pas profondément le système si on agit seul. »
Valentin Nonorgue.