Eymet : “Premier”, une boutique éphémère où se croisent les créations d’artisans locaux
Des pièces en céramique confectionnées à Saint-Sauveur, des cuillères en bois fabriquées au col de Pouthet ou encore des confitures produites à Thénac. Plus d’une vingtaine d’artisans et producteurs locaux sont mis à l’honneur dans cette ancienne mercerie d’Eymet. Forte d’une ouverture réussie lors des fêtes de fin d’année 2022, la boutique éphémère “Premier” reprend du service jusqu’au 31 août 2023. Créations et produits y sont finement assortis pour que le potentiel de chaque pièce soit pleinement valorisé.
Entretien avec Maud Pilat, ancienne journaliste mode et décoration, à l’origine de ce carrefour des talents régionaux.
Quelle est l’idée de la boutique “Premier” à Eymet ?
Je veux mettre en avant les artisans du Grand Bergeracois, de Dordogne et de Nouvelle-Aquitaine. Pour moi, il y a un réel caractère de service dans la mise en avant de l’achat artisanal et local. C’est idéal pour les touristes d’arriver dans une boutique et de se voir proposer le meilleur de l’artisanat local.
Au-delà des touristes, l’enjeu du “consommer local” s’applique aussi aux habitants du Grand bergeracois…
Je prône l’idée de privilégier un achat chez un commerçant ou artisan situé à proximité au lieu de passer par des plateformes de géants comme Amazon. Je me suis rendue compte que les gens ne savaient pas forcément qu’il y avait, autour d’eux, des artisans qui proposaient des créations intéressantes.
Quel a été le constat de départ pour cette démarche ?
J’ai travaillé pendant 15 ans en tant que journaliste pour le magazine Elle Décoration. Le principe même de mon travail était de repérer et parler des artisans et des décorateurs. En faisant le tour des salons de créateurs et artisans, j’ai été marquée par le talent des créateurs en Dordogne. Il était alors essentiel pour moi de les mettre en valeur comme il se doit.
Comment avez-vous convaincu les artisans de vous laisser de la liberté ?
Le fait de faire une sélection ultra précise, presque stricte, parmi les produits des différents artisans a quasiment été un argument pour beaucoup d’entre eux. La plupart vendent leurs articles sur les marchés et peuvent être frustrés de se retrouver à côté de stands qui contrastent trop avec le leur. Il y a un vrai enjeu à harmoniser les créations et à mettre en scène le beau et l’élégant. Les créateurs en ont conscience et me font confiance. Ils me laissent une vraie liberté d’agencer leurs articles à ceux d’autres artisans. Le but est de raconter une histoire pour que chaque pièce prenne une autre dimension et que les clients aient envie de soutenir les créateurs.
Il y a aussi une volonté de faire du lien entre les différents acteurs ?
Tout à fait. Par exemple, au mois de décembre j’avais organisé une rencontre autour des artisans afin d’éduquer le public sur des questions de prix d’achats. De plus, c’était super de pouvoir voir les artisans se rencontrer entre eux. Ensuite j’ai pu voir qu’ils se soutenaient les un les autres, qu’ils commençaient à se suivre sur les réseaux sociaux par exemple. C’est génial d’avoir pu participer à la création de cet esprit de coopération.
Quelles sont les valeurs partagées par les artisans exposés chez Premier ?
Ils ont chacun des valeurs différentes mais nous voulions mettre en exergue des démarches qui soient porteuses de sens. Par exemple, une de nos artisanes réalise des couverts en bois, car avant elle fabriquait les décors pour l’opéra de Bordeaux et voyait une énorme quantité de déchets de bois jetés. Elle s’est alors dit qu’il était nécessaire de récupérer cette matière première et de la recycler en nouveaux objets. La grande majorité de ces artisans sont en reconversion professionnelle et ont tout quitté pour faire et proposer ce qu’ils aiment. Ce sont ces gens-là que je souhaite défendre : des personnes qui ont un amour sincère de leur métier.
De quoi avez-vous besoin pour pérenniser le projet ? Avec quels types d’acteurs souhaiteriez-vous collaborer pour aller plus loin dans la démarche ?
J’adorerai imaginer un espace collaboratif pour mutualiser les besoins des artisans, que ce soit en communication ou en outillage. Un peu comme une coopérative de l’artisanat. Ce serait ouvert au public pour des cours et les artisans répondraient à des demandes de marchés publics ou privés. Pouvoir accompagner les artisans dans leur démarche de communication, de marketing tout en conservant leurs valeurs.
Propos recueillis par Valentin Nonorgue.