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Bergeracois : avec le CLEE, les écoles ouvrent les portes des entreprises locales à leurs élèves

Image illustrant une élève qui travaille en entreprise dans le Bergeracois.

Lancé en 2020, le Comité Local École Entreprise du Bergeracois (CLEE) vise à donner de la visibilité aux métiers du territoire en les rendant attractifs auprès des élèves. Les liens d’information et de coopération doivent permettre aux jeunes d’envisager sereinement leur parcours d’avenir sur le territoire et aux entreprises de pouvoir compter sur des jeunes formés aux défis de demain.

Arnaud Carton, proviseur du lycée des métiers Hélène Duc à Bergerac depuis septembre 2023, est le représentant académique du CLEE du Bergeracois. Il nous explique le dispositif, fait le point sur l’état de la formation en Bergeracois et pointe le secteur des énergies renouvelables comme une solution majeure pour la filière formation-emploi locale.

Le CLEE, c’est quoi ?

Quel est le but du Comité Local École Entreprise du Bergeracois ?

 

Le CLEE du Bergeracois met en relation les écoles et les entreprises du territoire. Le but est de démystifier certains stéréotypes, de dédramatiser l’image du monde de l’entreprise auprès des élèves et des familles des collèges ou lycées locaux. Nous nous attelons à créer des conditions optimales de découverte et de partenariat entre entreprises et collèges du Bergeracois, notamment pour favoriser le stage de découverte en classe de troisième.

Ensuite, il s’agit de montrer le dynamisme du milieu économique et industriel du Grand Bergeracois. Informer que des acteurs prestigieux exercent sur le territoire. Des acteurs comme Polyrey, la papeterie Dumas, Ahlstrom-Munksjö, Eurenco et de nombreuses entreprises de chimie ou de chaudronnerie par exemple.

 

À quels besoins du territoire bergeracois le CLEE vient-il répondre ?

 

L’objectif principal du CLEE est d’encourager les élèves du Bergeracois à franchir le seuil de ces entreprises afin de découvrir les opportunités d’emploi qui s’y trouvent. Ils découvrent ensuite que la formation adéquate à leurs souhaits est disponible en Bergeracois et peuvent ainsi étudier puis travailler en restant sur le territoire.

Cela implique que les écoles forment les jeunes aux nouvelles technologies et soient en adéquation avec les pratiques du développement durable, des nouvelles énergies et de la commande numérique. Car c’est la maîtrise de ces nouveautés techniques qui est ensuite recherchée par les entreprises locales.

 

Les écoles adaptent-elles donc leurs formations aux besoins des entreprises du CLEE ?

 

Il est hors de question de faire de la congruence du type : “J’ai besoin de 5 soudeurs qui savent utiliser tel modèle de machine”. Rappelons que les programmes d’enseignement sont nationaux et que les élèves sont formés pour les pratiques d’avenir. Car les former uniquement aux techniques utilisées actuellement dans les entreprises, ce serait s’exposer à la possibilité que les métiers n’existent plus dans 10 ou 15 ans.

 

Quels types d’acteurs sont regroupés au sein du CLEE ? Et sous quelle forme ? 

 

Nous avons donc une charte co-signée à la fois par un représentant de Work’In B, association d’entreprises du Bergeracois, et par un représentant de l’Education nationale.

Aujourd’hui, on compte un réseau de 68 partenaires.

Dans chaque lycée professionnel du Bergeracois, un bureau des entreprises est mis en place afin de faciliter la communication entre les entreprises et les écoles du territoire. Avec le lycée des métiers Jean Capelle, nous accueillons ensemble un référent qui travaille avec le CLEE.

 

Quelles sont les actions menées conjointement par les écoles et les entreprises membres du CLEE ?

 

Les écoles et collèges mettent en place la promotion des parcours professionnels disponibles sur le territoire. Nous organisons ainsi des visites d’entreprises pour les professeurs, des employés locaux présentent des ateliers de démonstration aux élèves. Nous avons également mis en place une banque de recherche de stages qui est alimentée par les entreprises. Cela permet aux écoles de transmettre plus facilement l’information aux élèves qui cherchent une expérience professionnelle pour compléter leur formation.

Pour travailler sur l’employabilité des jeunes, nous organisons des job dating pour les titulaires d’un BAC ou d’un CAP. Par ailleurs, les infrastructures pédagogiques des écoles peuvent aussi servir à former les employés des entreprises locales. Cela permet aux artisans et employés de PME de ne pas avoir à se déplacer jusqu’à Limoges ou Bordeaux pour accéder à certaines formations.

Bilan et améliorations

Sur quels points précis peut-on dire que la situation de la formation et de l’insertion a changé en 4 ans d’existence du CLEE ?

 

Le point d’évolution majeur est la connaissance de la position des uns et des autres. Les employeurs ont compris que les lycées n’étaient pas juste des viviers de futurs employables modelés à leur guise. Les élèves prennent conscience qu’ils pourront faire des stages dans des entreprises qui leur étaient jusqu’ici fermées.

On se rend compte de l’importance du poids du groupe et des interconnaissances entre acteurs locaux. Par exemple, de nombreuses entreprises locales de renom souhaitent recruter des stagiaires et des alternants. Or, comme elles sont souvent sur des sites classés Seveso (NDLR : sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs), elles ne sont pas autorisées à contractualiser avec des personnes mineures. Grâce au CLEE, nous sommes en train de faire sauter des verrous. Les Ressources Humaines de différentes entreprises implantées localement (Eurenco, Polyrey, etc.) et les écoles (lycées Hélène Duc et Jean Capelle) collaborent à la rédaction d’un cahier des charges pour l’accueil des élèves.

 

D’où l’importance qu’un maximum d’acteurs locaux fassent partie du CLEE ?

 

En effet. Nous invitons ainsi les entreprises et acteurs locaux à nous rejoindre. Par ailleurs, si la Chambre du Commerce et de l’Industrie rejoignait le CLEE, ce serait un atout de poids pour drainer des entreprises tournées vers les services à la personne. Nous avons aussi enregistré l’inscription du Rotary-Club Bergerac-Cyrano. C’est un acteur très influent qui nous permettra de faciliter nos relations avec les entreprises locales.

 

Qu’en est-il du soutien des acteurs politiques locaux ?

 

On peut déjà compter sur la présence de la CAB et de la Ville de Bergerac. S’ils pouvaient nous soutenir encore davantage sur le plan logistique, par de l’apport de visibilité et par du foncier. Par exemple, nous avons besoin de 300m2 pour dispenser une formation photovoltaïque dans un parc solaire pédagogique. Je pense qu’il serait intéressant de le développer sur un site comme l’ESCAT, qui appartient à la CAB. D’autant qu’avec la grogne des agriculteurs, il y a un coup à jouer sur le secteur de l’agri-voltaïque. Cela permet aux exploitants de maximiser leur terrain en cultivant et en produisant de l’énergie.

 

Quelles actions faut-il mener en priorité pour maximiser l’efficacité du CLEE sur le territoire ?

 

Il y a vraiment la possibilité d’être des pionniers en positionnant Bergerac comme une petite ville de demain sur la formation et les enjeux d’avenir. Dans le cadre du CLEE, nous avons rencontré plusieurs entreprises telles que Schneider, EDF ou Tryba qui ont besoin de techniciens formés aux énergies renouvelables. Le CLEE monte ainsi un projet de formation diplômante en partenariat avec la Communauté d’Agglomération Bergeracoise. Si le dossier est validé par l’Ademe et l’Éducation nationale, nous proposerions un BAC+1 Technicien en Énergies renouvelables dès la rentrée 2025.

La situation de la formation et de l'enseignement en Bergeracois

Aujourd’hui, à quels métiers essentiels à l’économie locale peut-on se former en restant sur le territoire bergeracois ?

 

Bergerac est une terre de tourisme. Les cursus en Hôtellerie/restauration sont proposés par le lycée Jean Capelle. La comptabilité et l’administration sont aussi enseignées à Jean Capelle pour répondre aux besoins des nombreuses PME et PMI locales. Et comme nous sommes sur un territoire vieillissant, le lycée Jean Capelle permet d’être formé aux métiers de la “silver economy”, notamment le soin à la personne. Concernant les métiers industriels, le lycée Hélène Duc forme les élèves en électricité, en procédés de la chimie, en maintenance du matériel agricole et viticole et en chaudronnerie.

Le lycée Maine de Biran permet d’accéder aux formations RH, de soutien à l’action managériale et du marketing. Enfin le lycée de La Brie dispense les formations sur l’œnologie, le travail de la vigne et de l’espace paysager.

 

Au contraire, quels sont les secteurs dans lesquels il faut partir du territoire pour se former ?

 

Aujourd’hui, tous les métiers liés à l’énergie renouvelable génèrent une forte demande car la France n’a pas encore fait suffisamment pour monter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. On trouve des campus des métiers des Énergies renouvelables à La Rochelle, à Bordeaux, à Orthez. C’est loin pour les jeunes Bergeracois.

 

Comment expliquer que certaines formations supérieures disponibles sur le Bergeracois souffrent d’un manque de candidats et n’ouvrent finalement pas ?

 

Nous n’avons pas assez travaillé l’ambition des jeunes du Bergeracois. En Dordogne, les anciennes politiques d’études supérieures avaient tendance à envoyer les élèves sur Bordeaux. Or, cela induit des frais et de la logistique. Les cas de figure principaux étaient soit l’arrêt des études face aux contraintes, soit la fuite des jeunes vers les grandes villes.

Depuis, le Bergeracois a élargi son offre de formations supérieures mais les habitants n’en sont pas forcément informés. Aujourd’hui, il me reste encore des places pour certains BTS de l’année 2023-24 en cours. Et lorsqu’on discute avec les élèves, ils sont nombreux à préférer travailler directement après le Bac.

 

Quelles sont les solutions pour garder les jeunes sur le territoire pendant les études ? 

 

Nous tentons de convaincre les jeunes bacheliers que s’ils étudient 1 ou 2 ans de plus sur le Bergeracois, les entreprises pourront ensuite les embaucher avec un meilleur salaire et plus de responsabilités. Pour permettre aux plus défavorisés de gagner en sérénité, nous devons vraiment nous saisir du fonds social lycéen qui est mis à notre disposition par le gouvernement. Il nous permet de prodiguer des besoins de première nécessité aux élèves de familles précaires, sur décision d’un comité interne à l’établissement.

Propos recueillis le 19 février 2024, par Valentin Nonorgue.