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Redevance incitative : avec 90 000 tonnes de déchets enfouis chaque année, la Dordogne doit “produire moins de déchets”

Le SMD3 et les déchets en Dordogne : un point d'apport en verres à Ribagnac.

Sur le territoire français, chaque département est soumis à la législation nationale et se doit de maîtriser ses déchets. Ainsi, soit les communautés de communes s’en assurent, soit elles transfèrent la compétence à un syndicat de gestion des déchets. Objectif : mutualiser les coûts et homogénéiser la pratique sur l’ensemble du département. Le Syndicat Mixte Départemental des Déchets de la Dordogne (SMD3) gère le traitement et la collecte des déchets en Dordogne.

Situation des déchets en Dordogne, évolution des pratiques et le sujet épineux de la redevance incitative : découvrez notre entretien avec Sandrine Sanchez, animatrice de tri et de gestion des déchets au SMD3.

Comment évaluez-vous la situation actuelle des déchets en Dordogne ?

En Dordogne, nous avons la chance d’avoir un super centre de tri des déchets, à La Rampinsolle – Coulounieix-Chamiers, qui est l’un des pionniers à l’échelle nationale. Il a la capacité de trier tous les emballages : papiers, magazines, journaux, emballages aluminium, carton, plastique… Malgré cet avantage, nous enfouissons encore 90 000 tonnes de déchets par an, alors que la capacité de notre centre d’enfouissement de Saint Laurent des Hommes est de 75 000 tonnes. Nous arrivons donc chaque année à sur-régime, ce qui nous oblige à enfouir le delta des déchets sur un site de la société Suez, à Milhac-d’Auberoche. Sauf que la société propriétaire nous facture le droit d’y enfouir notre surplus.

Comment le SMD3 s’y prend-il pour homogénéiser la gestion des déchets sur les différentes communautés de communes de la Dordogne ? 

C’est un grand travail. Nous devons notamment fournir une feuille de route à tous les élus communaux car, si le SMD3 propose des solutions, ce sont bien les élus qui ont le dernier mot quant aux décisions. Par exemple, nous préconisons les collectes en Point d’Apport Volontaire, où ce sont les individus qui apportent leurs déchets aux poubelles, notamment car c’est le système qui coûte le moins cher.

Accompagner les Périgourdins vers une gestion des déchets plus responsable afin de réduire la quantité de déchets produits.

La réduction des coûts est-elle le seul grand bénéfice de la collecte en Point d’Apport Volontaire ?

D’abord, la notion de coût économique n’est absolument pas négligeable dans le choix de la collecte en Point d’Apport Volontaire. Sur une commune, le camion de collecte s’arrête uniquement à deux ou trois points d’apports plutôt qu’à chaque résidence lorsque le système est en porte-à-porte. D’un point de vue environnemental, les camions génèrent moins de pollution qu’avec le porte-à-porte car ils n’ont pas à s’arrêter devant chaque maison. Autre avantage : la liberté de l’usager. Il n’a plus à garder sa poubelle à la maison en attendant le jour de collecte défini, mais peut aller se débarrasser des ordures à toute heure de n’importe quel jour.

Aujourd’hui, quelle est la démarche sur laquelle les communes de Dordogne devraient accélérer ?

Il y a un grand enjeu sur la communication et la sensibilisation. Aujourd’hui, le Département de la Dordogne produit trop de déchets, trop de sacs noirs. De plus, il existe deux manières de traiter les sacs noirs : l’enfouissement ou l’incinération. En Dordogne, ils sont enfouis et cette méthode coûte le plus cher. Cette situation où les collectivités payent donc davantage est ajoutée à notre société de consommation, d’achat, de déchets toujours plus accrue. Nous sommes obligés de produire moins de déchets pour que leur gestion reste “supportable”. D’où la mise en place de la redevance incitative.

Le Département de la Dordogne doit-il réduire à tout prix sa quantité de déchets produits ?

En premier lieu, nous avons une obligation législative. L’Etat a récemment augmenté la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), auxquelles sont soumises toutes les collectivités du territoire français. Plus un département produit de déchets non recyclables, plus il paiera cher. Ce qui nous conduit à restreindre notre quantité de déchets produits.

Sensibiliser les habitants de la Dordogne à la gestion et à la réduction des déchets : un objectif phare du SMD3.

À l’échelle d’un territoire, comment la redevance incitative se met-elle en place ?

Cette mesure s’applique en 3 étapes. La première année, nous équipons les communes du territoire donné. Nous fournissons des bacs à roulettes aux communes qui collectent en porte-à-porte. Pour celles qui choisissent les points d’apport volontaire, il nous faut installer les colonnes dans les communes, décider des emplacements avec les élus en fonction des exigences techniques à respecter. La deuxième année, nous commençons à utiliser le matériel. Les usagers ayant des poubelles à roulettes pourront connaître le nombre de fois où leur poubelle est vidée par mois. Les usagers ayant accès aux colonnes d’apport volontaire pourront utiliser les cartes du SMD3 afin d’ouvrir les poubelles et d’expérimenter le matériel. C’est lors de la troisième année que nous entamons la facturation des dispositifs aux habitants du territoire. Nous avons démarré le processus avec la Communauté d’Agglomération Bergeracoise (CAB) en 2023. Les autres communautés de communes de Dordogne ont déjà validé les 2 premières phases et nous commençons à les facturer cette année.

Quel est le prix de cette redevance incitative pour les citoyens ?

Il y a donc cet abonnement minimum qui concerne tous les foyers de Dordogne. Le montant de ce paiement obligatoire varie selon la commune – sa méthode de porte-à-porte ou en point d’apport volontaire – et selon le nombre de personnes par foyer. Jusqu’ici, la gestion des déchets était financée par le biais de la taxe foncière, ce qui était aberrant. Plus une maison avait de la valeur, plus le propriétaire payait. Ce n’était donc pas logique car certains foyers payaient, par exemple 7 euros à l’année, tandis que d’autres pouvaient payer jusqu’à 1000 euros le service. Aujourd’hui, le système par nombre de personnes dans un foyer est plus équitable. En effet, plus un foyer est peuplé, plus il produit de déchets.

La redevance incitative est un vrai sujet de débat en société : comment faites-vous pour rendre la mesure la plus juste possible ?

Il faut avoir conscience qu’il n’existe pas de “juste milieu”. Pour les déchets, il s’agit de choisir la solution la “moins pire”. Le terme de “redevance incitative” peut prêter à confusion. En clair, cette redevance va inciter les personnes qui ne triaient pas à le faire, mais elle ne récompense pas le bon trieur. Pourquoi ? Car la redevance incitative couvre l’augmentation de la taxe des déchets enfouis (cf. Taxe TGAP). Pour se rendre compte, une tonne de déchets à enfouir était taxée 17€ en 2017. En 2025, la taxe grimpera à 65€. Pour les 90 000 tonnes de déchets annuels, cela fait augmenter la taxe de manière démentielle. En plus de cela, on compte la collecte et le traitement des déchets du sac jaune, du sac vert. Autre point important : elle permet de financer la modernisation dont ont besoin les déchèteries. Nous sommes aujourd’hui à un taux de 70-80% de déchets recyclés dans les déchèteries. Elles ont vocation à passer à 100% de déchets recyclés. Elles sont donc amenées à évoluer, à trouver des industriels en capacité de les racheter. En bref, le monde des déchets est un monde en constant mouvement. Quand certaines personnes me demandent : ‘Je suis à zéro déchet, pourquoi est-ce que je paye quand même ?’, je leur explique qu’il y a toujours un moment où nous allons utiliser le système de gestion des déchets. Aller en déchèterie, jeter le verre : même si nous ne produisons pas de déchets pour sac noir, il faut payer cette contribution. J’utilise souvent l’exemple de la sécurité sociale. Nous cotisons tous, pourtant certains tombent davantage malades que d’autres. Nous vivons dans un pays solidaire.

Est-ce la seule source de financement qui vous permet d’assurer la gestion des déchets ?

Non. Nous avons également des subventions de Citéo, l’organisme de tri de l’Etat. Car contrairement à ce que certains pourraient penser : trier n’est pas du tout rentable. Citéo nous permet donc de financer le fonctionnement du centre de tri de Dordogne. Nous recevons également des subventions de l’ADEME.

Propos recueillis à Bergerac, le 21 juin 2023, par Valentin Nonorgue.