Territoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires AudacieuxTerritoires Audacieux
24100 Bergerac
(Lun - Ven)
baptiste@territoires-audacieux.fr

À Bergerac, L’Atelier vient en aide aux adolescents, jeunes adultes et réfugiés en difficulté

A Bergerac, l'association L'Atelier dispose d'un accueil de jour : le Bar sans Alcool.

Avec trois quartiers prioritaires en son sein, Bergerac est une ville qui recense un nombre important de personnes en difficulté. Depuis près de 40 ans, l’association L’Atelier a développé des actions pour venir en aide aux jeunes de quartier, puis aux adultes en situation difficile et, enfin, aux réfugiés.

Nous vous proposons une interview de Pierre-Emmanuel Vergnaud, directeur de L’Atelier, pour passer en revue les différentes actions des services de l’association.

De quelle manière l’association L’Atelier s’est-elle créée ?

Pierre-Emmanuel Vergnaud : En 1984, L’Atelier est créé sous la forme d’une toute petite association. La mission première était la prévention spécialisée. C’est un dispositif de protection de l’enfance dans lequel les éducateurs spécialisés vont à la rencontre des jeunes et de leur famille en se rendant dans les quartiers, dans la rue, dans les endroits qu’ils fréquentent. À l’époque, ce service était quasiment réservé aux métropoles. Or, il y a aussi un public en difficulté à Bergerac, donc le besoin de créer un tel organisme était présent. Au fil des actions, nous avons rencontré des habitants qui présentaient d’autres types de difficultés. Pour l’accès au logement, l’association a commencé à louer des habitations pour les mettre à disposition des personnes en difficulté.Puis nous avons aussi eu connaissance de personnes qui peinaient à exercer leur droit de visite. À chaque nouvelle problématique rencontrée, les actions de l’association se sont étoffées.

Les activités de L’Atelier sur le Bergeracois sont compartimentées en trois catégories : le pôle enfance-jeunesse, le service hébergement et le pôle adultes. Quelles sont les actions menées au sein du pôle enfance et jeunesse ?

Au pôle enfance et jeunesse, le service de prévention spécialisée s’étend désormais sur l’ensemble des zones en difficulté du Bergeracois. Nous avons aussi développé le service “Point rencontre” qui permet de mettre en place des droits de visite sous l’égide d’ordonnances judiciaires. Lorsque les parents ne s’entendent pas sur les droits ou qu’il y a des antécédents violents, nous ouvrons ce lieu le samedi. Cela permet aussi aux parents dont les conditions matérielles sont indécentes, de pouvoir rencontrer leurs enfants dans un cadre neutre. Nos agents agrémentés veillent ainsi au respect des règles édictées par l’ordonnance et à la sécurité des parties prenantes. Troisième action : nous co-gérons les Maisons départementales des Adolescents avec le centre hospitalier de Vauclaire et la Mission locale de Bergerac. Ces maisons sont des lieux ressources pour les adolescents en difficulté – leurs parents également – où ils peuvent rencontrer nos éducateurs spécialisés. Les jeunes peuvent ensuite être orientés vers des professionnels de santé, des psychologues qui sont soit déjà reliés à la Maison des Ados, soit vers des praticiens. La Maison des Ados fait également de la prévention au sein des établissements scolaires sur les difficultés autour de l’adolescence.

Quel est le rôle des éducateurs dans le cadre de la prévention spécialisée ?

Le but des éducateurs est de se rendre visible dans un secteur, de se faire connaître des habitants. En somme, ils doivent faire partie des murs pour être sollicités rapidement. Au départ, les éducateurs sont sollicités pour de petites demandes de l’ordre des loisirs, puis les familles leur demandent petit à petit un appui pour des difficultés bien plus importantes. L’idée est de prévenir le mal être potentiel des jeunes, anticiper le décrochage scolaire et d’intervenir sur des situations de protection de l’enfance avant la mise en place d’autres mesures.

Des chantiers éducatifs ont lieu avec des adolescents suivis par L’Atelier.

Qu’en est-il des missions liées au pôle adultes ?

Ce service destiné aux adultes en grande précarité est un autre grand chantier du quotidien pour l’association. En son sein, nous avons d’abord la mission de veille sociale. Les éducateurs de l’association et des bénévoles de la Croix-Rouge effectuent des maraudes en direction des publics à la rue. Cette mission est coordonnée par le Centre CCAS de Bergerac. Nous avons aussi un accueil de jour dans un lieu atypique : le Bar sans alcool, situé en face de la gare de Bergerac (NDLR : 23, avenue du 108eme Régiment d’Infanterie). Les gens viennent consommer une boisson, créer du lien social, lire le journal. Sauf qu’à la différence des bars classiques, celui-ci est tenu par des professionnels du Pôle Adultes de L’Atelier. Ainsi, les personnes peuvent exprimer leurs difficultés sous couvert d’un café, et être orientés vers les services adéquats. Certaines personnes viennent aussi récupérer leur courrier, puisque nous proposons la domiciliation postale dans ce lieu.

En lien étroit avec le pôle adultes, vous menez des actions d’aide à l’hébergement. Comment s’agence ce service ?

Ensuite, nous avons un service d’hébergement. Nous disposons d’un total de 43 logements. Ces logements temporaires sont éparpillés, avec 32 appartements à Bergerac et 11 du côté de Sarlat. Certaines places sont réservées pour l’hébergement d’urgence – quand on compose le 115, d’autres places sont allouées à l’hébergement d’insertion et une dernière partie de nos places est réservée aux femmes victimes de violence et leurs enfants. Nos éducateurs accompagnent les personnes qui le souhaitent vers de l’autonomie. Ils les aident à retrouver des ressources, régulariser leurs droits, trouver un logement définitif par la suite.

Le plus récent de vos secteurs d’actions est le pôle réfugiés. De quel constat découle la création de ce pôle ? Et quels services y proposez-vous ?

En 2015, le phénomène migratoire a pris une ampleur plus importante. Notre pôle part d’une base expérimentale. Nous avons accueilli des réfugiés irakiens, précisément trois ménages. En 2016, nous avons ensuite construit un centre d’accueil et d’orientation, en collaboration avec la mairie de Bergerac et la Communauté d’Agglomération Bergeracoise (CAB). Ces structures transitoires avaient été lancées dans le cadre du démantèlement de la “Jungle de Calais”. La volonté politique était de fournir un accompagnement, et des conditions de vie décentes à toutes ces personnes pour qu’elles puissent ensuite faire leur demande d’asile. Depuis 2018, et l’obtention d’un nouvel agrément, nous avons le statut de centre provisoire d’hébergement. Cela nous permet aujourd’hui d’accueillir 65 personnes réfugiées, avec 50 places à Bergerac et 15 à Sarlat. Ces personnes sont orientées par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII).

L’Atelier dispose d’un centre d’hébergement provisoire où les familles sont accueillies et accompagnées vers le relogement.

Comment définiriez-vous le rôle de L’Atelier auprès des réfugiés qui arrivent dans un pays où quasiment tout est nouveau pour eux ?

Notre rôle est d’accueillir, de régulariser la situation administrative pour que les réfugiés obtiennent leurs papiers. Nous établissons alors leur projet d’insertion : apprentissage du français, des codes sociaux, construction d’un projet professionnel, recherche d’un logement, apprentissage du rôle de locataire, etc. Un travail très important à mener. En marge de ce service, nous effectuons le suivi de réfugiés en cours d’insertion qui se retrouvent en difficulté et qui ne sont pas déjà inscrits dans d’autres structures. On appelle cela la plateforme BPI. Certains d’entre eux trouvent très vite du travail, se logent rapidement. Or, il existe une tendance importante à “se casser la gueule” très vite aussi. Quand on a traversé la moitié du monde pour arriver en France, on peut opter pour des choix irrationnels. Certains peuvent quitter leur travail à Bergerac car on leur propose un salaire de 50 ou 100€ de plus à Bordeaux… Sauf qu’il est bien plus compliqué de se loger à Bordeaux. Alors ces derniers reviennent sur le Bergeracois, sont sans domicile fixe, et tout l’accompagnement est à réitérer avec eux.

Quelles sont les ressources dont dispose l’association L’Atelier pour son fonctionnement ?

Nous sommes 40 salariés au sein de cette association de loi 1901, à but non lucratif. Nous fonctionnons uniquement avec des crédits publics : nos subventions proviennent de l’État, de la préfecture, du Département, de l’Agence régionale de Santé. La mairie de Bergerac nous accompagne aussi sur certains projets. L’organisation de l’association est pilotée par un conseil d’administration, petit mais très investi dans la gouvernance de L’Atelier.

Comment procédez-vous pour faire connaître vos actions sur le territoire ?

Nous avons la volonté d’être plutôt discrets. Pas trop de communication, pas de parution dans les journaux… Nous ne travaillons pas pour les caméras. C’est peut-être pour cela que ça fonctionne super bien : car c’est discret. Si je prends l’exemple de la période où le flux migratoire a explosé, nous aurions pu faire des déclarations et mettre en lumière nos actions. Or, nous avons préféré que le projet se développe sereinement à Bergerac, sans trop de bruit à ce sujet. Même chose, à l’été lors de notre fête des voisins du Centre Provisoire d’Hébergement (CPH). Nous le faisons avec les voisins. Pas besoin de prévenir toute la ville, de convier les élus. Non. Le but est que les réfugiés du CPH puissent rencontrer les riverains en toute tranquillité.

De quoi l’association L’Atelier a-t-elle besoin pour avancer dans ses opérations diverses ?

Dans le cadre de l’accompagnement de personnes vers le logement ordinaire, nous sommes en recherche de propositions de logements privés, que ce soit des T1 ou des T2. Il y a aussi un besoin présent de médecins généralistes et de spécialistes – notamment des dentistes – qui acceptent de recevoir de nouveaux patients. Voilà deux points qui faciliteraient l’exercice de nos missions.

Propos recueillis à Bergerac, le 21 juin 2023, par Valentin Nonorgue.