Saint-Flour (15) : Une plateforme de paiement en ligne, un drive et de la livraison à domicile pour les habitants


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Septième témoignage de cette série, celui de Pierre Jarlier, Maire de Saint-Flour et Président de Saint-Flour Communauté. Il explique le fonctionnement de la plateforme numérique qui permet d’approvisionner la population. Celle-ci résulte d’un partenariat avec WYND, une entreprise privée, qui a installé le paiement en ligne pour les commerçants et les producteurs locaux. Pour la distribution des produits, des partenariats avec la SNCF et La Poste permettent aux habitants de choisir entre le drive ou la livraison à domicile.

Quelle était la problématique de votre territoire au niveau de l’approvisionnement des habitants ? 

Dans un territoire rural comme le nôtre, la question de l’approvisionnement des habitants est un réel souci, notamment là où il n’y a pas de grande distribution. Saint-Flour Communauté c’est 53 communes et une petite ville centre, où le commerce de centre-ville souffre énormément. Le flux de consommation est créé par les 3000 personnes qui viennent travailler chaque jour à Saint-Flour. C’est difficile pour un commerce de proximité de vivre uniquement de la population présente dans son quartier. 

D’où l’idée de la plateforme…

L’idée est de recenser tous les producteurs qui sont ou ouverts ou accessibles. Nous avons commencé par le centre-ville puis, nous avons étendu à toute l’intercommunalité. Ensuite, nous avons regardé quelle était leur façon d’avoir du lien avec le consommateur. Dans la grande distribution, il y a le drive, pour d’autres c’est de la livraison à domicile. Par contre, en dehors de la grande distribution, il n’y avait pas de principe de paiement en ligne. Si nous voulions permettre à la population de s’approvisionner avec un dispositif sécurisé, il fallait trouver un système de paiement en ligne. Donc nous avons développé une plateforme d’achat ouverte aux commerçants et aux producteurs. 

Et concernant les services ? 

Sur la partie service, nous avons recensé ceux qui étaient ouverts au public comme les garages ou certains services informatiques. Par ce simple inventaire, les personnes savent qui est ouvert, les horaires et les coordonnées. Ça s’arrête là, nous ne faisons pas de diagnostics, donc pas de possibilité de paiement en ligne. 

Comment fonctionne cette plateforme ? 

On peut y accéder via le site de la ville de Saint-Flour, ou de celui de Saint-Flour Communauté. Ensuite, il y a le choix entre les commerces, les producteurs ou les services. Lorsqu’on sélectionne les commerces, il faut choisir le type, puis, il y a une liste, avec des pictogrammes correspondant aux services proposés : le service à domicile, le drive et la boutique en ligne. Quand on clique sur ce dernier pictogramme, c’est qu’il y a le paiement en ligne. Cette action redirige directement sur un mini site, propre à chaque professionnel. Celui-ci présente tous les produits que l’on peut acheter en ligne. C’est la même chose pour les producteurs.

Pourquoi il y a un seul site par producteurs et commerçants ? 

Car ce n’est pas possible de faire un site avec tous les commerçants pour des paniers communs. Le paiement en ligne est très règlementé, il faut une entité juridique. Ici, ce sont des entités juridiquement indépendantes, il faudrait qu’ils aient un compte commun pour que ce soit possible.

Comment fonctionne le drive ? 

Nous avons mis en place le drive de producteurs locaux car il n’y a plus les marchés, qui permettaient aux consommateurs de retirer leur commande faite en ligne. Aujourd’hui, les habitants paient en ligne sur la plateforme, ou font un chèque. Ainsi, il n’y a pas d’échange de monnaie. Nous avons monté un partenariat avec la SNCF pour faire un drive à la gare de Saint-Flour tous les vendredis. C’est un lieu qui a de nombreux avantages : tout le monde le connait, il y a un parking, c’est facilement accessible et les mesures de sécurité sont respectées. 

Combien de personnes utilisent ce service ? 

Nous avons commencé il y a trois semaines avec quatre producteurs. La semaine d’après nous sommes passé à neuf producteurs, 120 commandes et 52 clients. Et cette semaine nous atteignons 157 clients, 320 commandes avec 11 producteurs. Nous avons aussi commencé à mettre dans le drive des plants de fleurs et de légumes grâce à un producteur. Le but maintenant c’est de voir comment nous pourrions mettre en place d’autres points de retrait, dans d’autres communes.

Pour compléter le drive, vous allez mettre en place un système de livraison à domicile ? 

Oui, nous sommes en train de mettre au point un protocole d’intervention avec La Poste, qui fera l’objet d’une convention. Nous pourrons ainsi assurer la livraison à domicile de produits frais et non frais. Cela se fera à condition d’avoir payé en ligne. La Poste ne veut pas qu’il y ai de problèmes liés aux flux d’argent. Donc nous incitons nos commerçants rejoindre la plateforme pour bénéficier de la livraison à domicile. 

Comment la livraison fonctionnera-t-elle ? 

Pour les produits frais, les producteurs locaux amèneront leurs paniers destinés à la livraison au drive, et La Poste prendra le relai pour livrer. Les commerçants devront également amener leurs produits sur place. Ensuite, un agent et un camion frigorifique loué par La Poste livrera les produits dans la journée. Pour les produits non frais, nous demandons aux commerçants d’aller les porter à La Poste pour une livraison le jour suivant par les postiers. C’est une première expérimentation sur la ville de Saint-Flour et les communes périphériques, qui devrait débuter le 24 avril, jusqu’au 15 juin. 

Quelle est votre participation financière dans ce partenariat ?

Le camion frigorifique est loué par La Poste, mais c’est la Communauté de Saint-Flour qui prend en charge le coût de la location. Aussi, pour une livraison de moins de 10kg, le prix est fixé à 4,80€, mais nous prenons en charge 2€, donc la livraison sera facturée 2,80€ au particulier. C’est un modèle économique et un dispositif de crise, valable uniquement jusqu’au 15 juin. 

Vous avez réalisé la plateforme qui permet tout cela avec un partenaire Privé, WYND. Comment cela s’est-il passé ?

WYND est une entreprise qui développe des plateformes de commerce en ligne, elle a notamment travaillé pour Carrefour, Orange ou Sodexo. Elle a décidé d’apporter son soutien bénévolement au territoire, en créant cette plateforme d’achat en ligne. Comme je travaille sur l’agenda rural, je reçois pas mal d’informations. J’ai appris que l’entreprise pouvait faire ce genre d’expérimentation. Aujourd’hui, il y en a une à Sèvres, en Ile-de-France et une en milieu rural dans notre Communauté. Une fois que nous avons tout inventorié et référencé, WYND nous a permis de faire un lien avec sa plateforme. Nous avons donc pu proposer à nos commerçants d’aller plus loin en leur proposant le service de paiement en ligne sécurisé et gratuit.

Exemple de site d’un producteur réalisé par WYND.

Comment avez-vous inventorié et référencé tous les commerces, producteurs et services du territoire ? 

Nous avions en projet de créer un schéma des services à la population et une plateforme numérique de service. Cette démarche rentre dans un cadre plus large, on est dans le cadre d’une ORT (opération de revitalisation de territoire). Nous avons été très réactifs car nous avons bénéficier d’un soutien important de l’UE pour embaucher une personne spécialisée en numérique, qui recense les commerçants et prépare le schéma des services. Avant, nous étions en Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) pour la revitalisation des centres-bourgs. Nous avons donc aussi un manager de centre-ville qui a permis de faire l’inventaire sur la ville de St-Flour. Sur la Communauté, nous avons un programme de soutien à l’agriculture et notamment aux filières courtes, nous avons donc un agent de développement pour ce programme. Il était déjà en lien avec les producteurs. Ces trois personnes ont pu faire l’inventaire sur l’ensemble du territoire, travailler sur la ville de Saint-Flour qui souffre, et faire le lien avec les producteurs locaux. 

Nous avions les outils d’ingénierie, lié à une démarche commencée en amont. La crise n’a fait qu’accélérer un processus déjà débuté. La stratégie territoriale était là. 

Donc vous comptez garder cette plateforme pour la suite ? 

Notre idée c’est qu’elle puisse continuer. Il y a quand même plus de 227 professionnels (services, commerces et producteurs) recensés et en ligne. Dont 23 qui ont le paiement en ligne et 23 en cours d’authentification. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur ceux qui sont ouverts ou disponibles. Ensuite, à mesure que le confinement se lèvera, on élargira à l’ensemble des commerces, services et producteurs. 

Pendant le confinement, le partenariat avec WYND est gratuit. Vous continuerez avec eux après ? Avez-vous parlé du futur prix de ce service ? 

C’est une opération expérimentale, donc gratuite pendant la durée de la crise, après, si les conditions changent, nous verrons comment nous ferons évoluer les choses. Je ne peux pas m’avancer car je ne sais pas ce qu’ils proposeront. Nous n’avons pas encore évoqué ces questions. Ils se sont engagé de façon solidaire, ça va leur permettre d’aller vers de nouveaux marchés si notre expérience fonctionne. 

Quelles sont les améliorations a apporter dans le processus de paiment en ligne, et sur la plateforme plus généralement ? 

Pour chaque mini-site dédié à un producteur, il faut que celui-ci nous envoie les photos et les prix, alors qu’il n’a pas que ça à faire. Puis, WYND rentre toutes ces données. Nous sommes en train de voir comment aller plus vite. Nous pourrions aller voir les commerçants, prendre les photos et les entrer sur le site. 

Propos recueillis par Lea Tramontin.