Beauvais (60) : des actions de proximité pour échanger avec les policiers municipaux

La lettre de l’impact positif s’intéresse cette semaine aux actions de la ville de Beauvais pour améliorer les relations entre les habitants et la police municipale. Deux fois par mois, les agents se rendent dans les rues de la ville pour partager un café avec les citoyens. L’occasion pour eux d’échanger sur de nombreux sujets. Les policiers interviennent également dans les cantines scolaires où une brigade déjeune deux fois par mois avec les enfants.

Les équipes de Territoires Audacieux ont interviewé Franck Pia, le premier Maire-Adjoint de la ville de Beauvais, pour en savoir plus sur ce projet.

Sommaire:

– Mise en place du projet –

Comment avez-vous eu l’idée de mettre en place ces rencontres entre habitants et policiers ?

L’idée est venue des policiers eux-mêmes. En fin 2018, nous avons décidé d’armer la police municipale. Ce choix n’a pas été simple car c’est un sujet à débat. Les citoyens se posaient beaucoup de questions sur les biens fondés de l’armement. Ils étaient hésitants. Les policiers ont trouvé important de travailler sur leur l’image, pour que le public les voit autrement et pas seulement de manière négative comme ceux qui mettent les amendes. Il y aussi eu la crise des gilets jaunes qui a participé à cette décision. Certains ont très mal vécu les paroles violentes à leur encontre. Ils se sentaient mal aimé donc ces cafés sont l’occasion de communiquer sur leur métier d’une manière positive. 

C’était donc dans un contexte spécial, il fallait rassurer la population ? 

Dans les réunions de quartier, les habitants sont de plus en plus interrogatif sur le rôle de la police. Ils sont là pour faire respecter l’ordre et cela impose des règles. Ils ne peuvent pas faire n’importe quoi. C’est important de faire comprendre aux habitants que nous sommes dans un pays où les libertés sont fondamentales. On ne met pas une personne en prison directement, il y a des procédures. Donc il y a aussi une question de pédagogie à avoir. La police répond elle-même au respect de règles qui visent la protection des libertés publiques. 

Qu’est-ce que le public a du mal à comprendre par exemple ? 

Un cas concret, prenons la vidéo protection. Nous ne pouvons surveiller que les espaces publics.  Il faut rassurer les habitants pour qu’ils sachent que nous ne pouvons pas filmer d’espaces privés. Ensuite, pour ceux qui demandent des caméras, nous ne pouvons pas les installer comme bon ou semble. Il faut demander une autorisation au préfet, il y a une procédure à suivre. 

Enfin, certaines personnes nous disent par exemple, que les caméras devraient servir à arrêter ceux qui mettent des encombrants là où il ne faut pas. C’est vrai que c’est interdit, mais pour autant, celui qui voit l’acte délictueux derrière la caméra ne peut rien faire. Il faut que la police se déplace pour prendre en flagrant-délit. Nous devons donner toutes ces explications. Les policiers veulent mieux faire connaitre leur métier : ce qu’ils peuvent faire, ne peuvent pas faire et comment le faire. 

Quelles ont été les étapes de mises en place du projet ? 

Une fois que l’idée a germé dans l’esprit de certains agents, ils ont fait la proposition au directeur de la sécurité et de la prévention. Celui-ci en a ensuite parlé au maire, qui a accepté. Nous l’avons annoncé dans la presse et sur les réseaux sociaux, et tout a commencé en mars 2019.

– Le projet aujourd’hui –

Comment ces dispositifs fonctionnent-ils aujourd’hui ?

Nous avons deux actions en place. La première c’est le café des policiers. Il a lieu deux fois par mois, pendant deux heures, dans un lieu public comme la place du marché, le centre commercial du Jeu de Paume, dans les rues, dans les marchés des quartiers, etc. Les policiers présents installent une table haute avec du café avec des viennoiseries à dispositions. Puis, les gens qui ont envie de parler viennent, rien n’est obligatoire. L’objectif est de permettre aux habitants de venir échanger avec les agents de la police municipale. Il y a un lien direct autour d’un café. Cette action est plus à destination des adultes. 

La deuxième action est à destination des enfants. Les policiers vont à la cantine déjeuner avec des classes du CE2 au CM2. C’est aussi la police municipale qui a eu l’idée. Elle s’est organisée avec la restauration scolaire pour trouver des plages horaires deux fois par mois. Une brigade se déplace à ces moments-là, tout comme le maire ou certains élus le font.

Quels sont les réactions ? Comment se comportent les habitants au café des policiers et les enfants à la cantine scolaire ? 

Pour le café des policiers, les habitants viennent de manière impromptue pour s’intéresser au métier, poser des questions, interpeller les agents sur tel ou tel problème. C’est aussi l’occasion de s’expliquer : « Pourquoi j’ai eu une amende ? », etc. Cette situation permet aux citoyens de voir les policiers d’une autre manière. Ils les voient sous un nouvel angle, différent de celui qui verbalise ou intervient car il y a un souci avec le voisin. Lorsqu’ils sont en opération, les agents n’ont pas forcément le temps de discuter car ils doivent agir pour régler un conflit ou verbaliser. Pendant les cafés, ils ont le temps pour le reste. Pour les policiers, c’est important de créer ce lien direct car ils ont parfois l’impression de ne pas être aimé, ce n’est pas évident moralement. Pourtant, les habitants demandent en général beaucoup plus de surveillance, plus de sécurité que le contraire. Donc ça prouve qu’ils ont compris qu’ils avaient besoin des policiers, et qu’ils ne sont pas détesté. Ce café policier est un prétexte pour engager un dialogue direct, serein entre les habitants et la police. Cela permet aussi aux policiers de voir leur fonction de manière plus positive.

Concernant les enfants lors des déjeuner à la restauration scolaire, ils sont très curieux ! Un vrai lien se crée, c’est valorisant pour les agents. C’est également un canal de communication au sein de la famille. Ils sont contents d’en parler à leurs parents, donc ça crée une discussion sur les fonctions de la police municipale. Et puis c’est aussi l’occasion de créer des vocations !

Les policiers participants sont des volontaires ? 

Oui bien-sûr. En général, ils sont très contents de faire ces rencontres. Le maire, d’autres élus et moi-même allons régulièrement voir comment ça se passe, et ça se passe toujours très bien. 

Est-ce que cela s’inscrit dans une démarche plus globale de la ville ? 

Oui, par rapport au fonctionnement de la démocratie. Nous souhaitons davantage aller vers les citoyens, les faire participer. Ils ont besoin de comprendre, il faut être vigilant et être plus proche d’eux pour leur expliquer pourquoi nous prenons toutes ces décisions. La notion de participation s’inscrit dans la démarche de la ville de Beauvais. Nous avons des conseils consultatifs, etc. Nous consultons les habitants avant de prendre les décisions.

– Dupliquer le projet –

Quel a été le coût du dispositif ? 

Le coût est très faible. Nous payons le café et les chouquettes ! Les agents de police sont en activité, sur leur horaire de travail. Nous estimons que la communication fait partie de leur fonction d’agent de police. Nous leur reconnaissons cette possibilité de communiquer en toute transparence sur ce qu’ils font.

Quel impact avez-vous mesuré ? 

Entre le 18 septembre 2019 et le 8 février 2020, nous avons recensé 59 citoyens nous ayant fait part d’une problématique relevant de la compétence de la police municipale lors de café des policiers. Ce chiffre ne prend pas en compte tous les échanges informels comme les renseignements, les questions sur la profession, les compétences, etc. En moyenne, sept problématiques sont rapportées aux agents à chaque session. 

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? 

Que ce soit au niveau des policiers, des enseignants ou du public, nous n’avons eu aucune difficulté. Au contraire, c’est très bien ressenti, les habitants m’en parle souvent, je n’ai eu aucun avis négatif.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un territoire qui souhaite mettre en place ces mêmes dispositifs ?

Il faut faire en sorte que l’idée vienne des policiers eux-mêmes, ou alors qu’ils se l’approprie. Après, nous faisons le café mais l’action peut être sous une autre forme !

Propos recueilli par Léa Tramontin