Culture : Brive et Tulle s’associent pour obtenir le label scène nationale

Cette semaine, la lettre de l’impact positif vous propose un focus sur une initiative de deux collectivités locales de la région Nouvelle-Aquitaine. Brive-la-Gaillarde et Tulle ont décidé de fusionner leurs deux théâtres (Théâtres des 7 Collines de Tulle et des Treize Arches de Brive) afin de créer L’Empreinte, un établissement culturel commun qui bénéficie du label scène nationale (attribué par le ministère de la culture). Séparées de 28 kilomètres, les deux villes viennent de boucler leur première saison culturelle commune avec succès. Pour y arriver, elles ont notamment travaillé autour de la mobilité des publics en créant par exemple une navette à un euro entre les deux villes.

Pour en savoir plus, les équipes de Territoires-Audacieux.fr ont proposé à Frédéric Soulier, maire de Brive-la-Gaillarde et Bernard Combes, maire de Tulle, une interview croisée.

Sommaire:

– Mise en place du projet –

D’où vous est venue l’idée de créer un établissement commun ?  Pourquoi avez-vous décidé de travailler en duo avec une autre commune ?

M. Soulier (Brive-la-Gaillarde) : La fusion des deux théâtres existants a été jusqu’alors motivée par l’enjeu de créer une scène nationale Brive-Tulle inédite. Nous nous sommes donc engagés dans une véritable coopération de territoire, avec un nouveau projet artistique et culturel.

M. Combes (Tulle) : Notre ambition était d’obtenir une Scène nationale. Ni Tulle, ni Brive ne pouvaient l’obtenir seule ; il était nécessaire de regrouper les deux scènes conventionnées. Les deux villes avaient donc un intérêt commun. C’est pour cela que l’accord sur le principe a pu se faire facilement.

Théâtre de Tulle (Corrèze) le 4 mai 2018

Comment fonctionne la collaboration ?

M. Soulier (Brive-la-Gaillarde) : L’installation de l’EPCC (établissement public de coopération culturelle) a nécessairement rebâti la gouvernance, qui tient compte à la fois de la réunion de tous partenaires (les Villes de Brive et Tulle, l’Etat, Département, Région) mais aussi du travail de coopération impulsé par le précédent établissement briviste avec ses voisins de Terrasson et Montignac. Le cadre artistique est lui guidé en partie par le cahier des charges inhérent à la scène nationale et le projet artistique qui lui est compatible.

M. Combes (Tulle) : Le choix d’un EPCC comme structure juridique permet de traduire dans la gouvernance la collaboration entre les deux villes et les autres partenaires financiers de la Scène nationale : État, Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et Conseil départemental de la Corrèze.

Quels sont les avantages ?

M. Soulier (Brive-la-Gaillarde) : La réunion des deux structures permet une mutualisation efficace dans l’emploi des ressources et des compétences de chaque équipe. Plus largement, elle additionne deux sommes d’expériences et de créativité dans un environnement plus vaste, donc plus ambitieux.

M Combes (Tulle) : L’EPCC permet une stabilité financière par une contribution statutaire des collectivités adhérentes, en cohérence avec le projet artistique et culturel.

– Le projet aujourd’hui –

Comment a fonctionné L’Empreinte durant cette première saison ?

M. Soulier (Brive-la-Gaillarde) : S’il faut lui donner du temps, le nouvel établissement dispose aujourd’hui d’un bel outil et peut se projeter auprès d’un public plus large au moyen de représentations beaucoup plus diverses. Pour la première saison ce sont 65 spectacles et plus de 200 représentations qui ont été mises en œuvre, à la fois dans une approche « dans les murs » et « hors les murs ».

M Combes (Tulle) : L’Empreinte, Scène nationale Brive-Tulle propose dans les deux théâtres implantés en cœur de ville une programmation régulière de spectacles vivants, d’un niveau supérieur à ce qui était proposé auparavant, à l’adresse d’un large public : adultes de tous âges, mais aussi enfants et adolescents. Elle organise en outre deux festivals, « Du Bleu en Hiver » fin janvier, autour du jazz et des musiques improvisées, et « Danse en Mai » consacré à la chorégraphie, y compris dans ses formes contemporaines, en particulier dans l’espace public. Et puis la Scène nationale, ce sont aussi des actions artistiques et culturelles dans les établissements scolaires, des stages en direction des amateurs, des interventions en lien avec la politique de la ville et une programmation de spectacles itinérants dans des communes partenaires en Corrèze.

Quels retours avez-vous des habitants ?

M Combes (Tulle) : La première saison a touché plus de 41 000 spectateurs et les retours du public de Tulle et des environs sont vraiment très positifs. Et grâce avant tout à la navette mise en place entre les deux théâtres les soirs de spectacle, je n’ai jamais vu autant de Brivistes au théâtre de Tulle.

Allez-vous continuer ce partenariat pour d’autres projets ?

M. Soulier (Brive-la-Gaillarde): L’installation de la Nouvelle-Aquitaine a rebattu la carte des échelles et de la compétition des territoires. Si nous voulons exister cela implique de coopérer pour développer nos moyens à hauteur des autres territoires forts de la nouvelle région. Nous travaillons par exemple à cet effet dans le cadre de la nouvelle contractualisation régionale ou de l’appel « territoires d’industrie » lancé par le Gouvernement.

M Combes (Tulle) : Les partenariats avec Brive ont vocation à se développer en prenant en compte l’intérêt des deux villes. Ils seront définis en fonction des besoins du territoire. Ils pourront concerner la formation (par exemple les deux futurs Instituts de formation en soins infirmiers à direction unique), l’industrie (à travers une coopération entre les Centres de formation d’apprentis dans l’industrie), le transport ferroviaire, les coopérations interhospitalières et de santé… L’objectif est d’obtenir des réponses techniques et opérationnelles de bon niveau pour faire face à la concurrence des métropoles.

– Dupliquer le projet –

Combien ce projet vous a-t-il coûté ?

M. Soulier (Brive-la-Gaillarde) : Le budget global approche les 3M€ (et la participation de la Ville de Brive de 1,4 M€), ce qui permet de disposer de moyens intéressants comme le peuvent les 6 autres scènes nationales existant en Nouvelle-Aquitaine. Plus largement, l’Empreinte a repris à son compte l’approche novatrice de l’établissement précédent en direction de partenaires privés et de mécènes.

M. Combes (Tulle) : Le budget de la Scène nationale dépasse les 3 millions d’euros, ce qui est nettement supérieur à l’addition des anciens budgets des deux théâtres : la labellisation par l’Etat a permis d’obtenir des financements complémentaires de ce dernier (environ 500 000 €) sans coût supplémentaire pour les autres collectivités. Cet apport financier accru est entièrement dédié au rayonnement culturel et au développement de la création.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

M. Soulier (Brive-la-Gaillarde) : Pas de difficulté à proprement parler si ce n’est l’envie de décloisonner avec le défi de travailler ensemble deux structures ayant des identités et une culture professionnelle différentes… mais en fin de compte très complémentaires !

M. Combes (Tulle) : De nombreux partenariats ont été engagés avec les autres acteurs culturels du territoire comme la SMAC de Tulle, la Cité de l’accordéon, des lieux du patrimoine. Les premiers mois ont été consacrés à la structuration administrative de la Scène nationale dans tous ses aspects : juridiques, financiers et en interne avec la réorganisation de l’équipe, qui compte 28 salariés répartis sur les deux sites d’activité. Fusionner des équipes qui ont des habitudes de travail différentes n’est jamais simple, mais cela n’a eu aucune répercussion négative sur les spectacles ou pour le public. J’ai d’ailleurs pu constater que les salariés en poste à Tulle étaient plus motivés que jamais.

Pour compléter notre article, vous pouvez retrouver cet article du journal Le Monde datant du lancement de L’Empreinte en octobre 2018.

Propos recueillis par Baptiste Gapenne